TRANCHE DE VIE AU CAMEROUN
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Il est 2hs du matin ce dimanche 15 juillet 2018. Nous sommes au quartier Bastos à Yaoundé, quartier plutôt huppé. Depuis la veille à 18hs, personne ne peut tenir une conversation audible dans un secteur de près de 500 mètres à la ronde. Ici sont concentrées une cinquantaine de résidences du corps diplomatiques, presqu’autant de sièges des organisations internationales, de nombreux membres du gouvernement dont le Ministre des Finances, le Ministre des travaux publics, le Secrétaire général des services du premier ministre et autres personnalités nationales et étrangères.

Dans un domicile, des décibels assourdissants sèment la pagaille, et l’alcool coule à flot. Personne ne peut fermer l’œil. Il faut noter qu’il y a dans le même périmètre élargi, des patrouilles de police, de gendarmerie, de l’unité spécialisée de protection des diplomates, de la garde présidentielle et des agents des renseignements généraux en civil.

Interpelé par un diplomate pour une assistance, je me rends sur les lieux pour plaider au moins que la musique soit baissée à cette heure matinale.

Un jeune homme se dresse devant moi :

Monsieur, nous sommes ici dans notre village, et nous avons le droit de célébrer le mariage de notre frère. Nous avons le droit de jouer la musique comme nous voulons et quand nous voulons.

Un autre intervient pour le reprendre : Ah non, tu ne peux pas parler ainsi au grand frère.

Réponse : Je m’en fous, le grand frère sait lui-même que je suis dans mon village, et que je n’irai pas le déranger s’il joue la musique comme il veut dans son village.

La conversation se durcit avec un troisième qui arrive : C’est même quoi que vous répondez. On est chez nous et on fait ce qu’on veut, que le grand frère nous laisse tranquille.

Je reprends la parole : Ecoutez, il faut un peu d’ordre, de calme et de respect pour les autres. Et puis, nous allons organiser la CAN. Les étrangers nous regardent et enquêtent. Ils sont nombreux ici.

Réponse : On s’en fous de ces étrangers, et de toute façon, la CAN ce n’est pas pour nous. On joue notre musique.

L’autre qui tentait de raisonner intervient, outré : Mais vous dites quoi comme ça ? Vous commencez à abuser.

Réponse : Non, Dipoko, on n’abuse pas, et puis, chez toi c’est à Douala, pas ici.

Retour de Dipoko : gars, là, tu déconnes un peu. Ma maison est à Tsinga et c’est aussi mon village à Yaoundé.

Il aura fallu tout le tact, la ruse et la patience, pour éviter le pire. Personne n’a consenti à baisser la musique, qui a continué jusqu’à 9hs du matin, avec le même volume.

Il faut signaler, qu’il s’agit de jeunes gens de moins de trente ans, tous nés dans le renouveau, la rigueur et la moralisation. Voilà le vrai danger pour le pays, et non les complots de l’Ambassadeur des Etats Unis ou de qui que ce soit. Tout ce qui nous arrive et nous menace, résulte du système de gouvernance que nous avons construit en trois décennies. La constitution de 1996 avec son fractionnement des citoyens en allogènes et autochtones, les quotas par-ci et par-là, comme en Afrique du sud sous le régime d’apartheid, notre extrême centralisme, ces gestionnaires non élus et illégitimes appelés Délégués du Gouvernement qui font que les grandes villes nagent dans la merde et ont reculé comme Bafoussam.

Nous devons avoir le courage de reconnaître nos fautes, toutes nos fautes, pour commencer à trouver des solutions, les vraies solutions. Ces bandes de jeunes, bouteille de bière à la main, et souvent désespérés, drogués et anarchisés, sont des milices potentielles qui n’attendent plus que la bûchette d’allumette qui comme en Centrafrique, au Libéra, en Somalie ou en Sierra Léone, les jettera dans l’épreuve du feu partout, en foulant tous les codes éthiques, toutes les lois, toutes les fraternités, tous les nationalismes, toutes les amitiés, toutes les familiarités, toutes les morales et toutes les institutions au pied.

Comment expliquer, qu’aucune autorité, aucune force de sécurité constituée, pourtant nombreux dans le coin, ne soit intervenue, pour arrêter ce bruit qui mettait à mal, la tranquillité de centaines de familles, en donnant aux étrangers en séjour chez nous, la pire des images, la confirmation que c’est l’anarchie, et tout le monde regarde.

Quand le discours officiel fait de l’organisation de la CAN 2019, une question de fierté nationale, presqu’une question de vie ou de mort, et que par ailleurs, on entend un jeune déclarer qu’il s’en fou de cette affaire, que ce n’est pas pour lui, alors il y a un problèmé sérieux. Que conclure, et à quoi s’en tenir vraiment ?

A chacun son jugement, et à chacun son Cameroun.

Mais notre pays commence à faire peur, franchement peur./.

Le 15 Juillet 2018

Le Médiateur Universel

SHANDA TONME

Président de la Commission

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