Cameroun, L'HISTOIRE DES DOUALA: L'ORIGINE DES DEIDO: « QUE MARTIN EBELE TOBBO VEUILLE BIEN CORRIGER SON ERREUR »
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Cameroun, L'HISTOIRE DES DOUALA: L'ORIGINE DES DEIDO: « QUE MARTIN EBELE TOBBO VEUILLE BIEN CORRIGER SON ERREUR » :: CAMEROON

Alors que la tension commençait déjà à se calmer à la suite de la réaction des autorités traditionnelles du Canton Bell en date du 26 mai dernier, voilà qu'un certain quidam en mal de sensation fait circuler sur le net un tract qui remet en cause la version la mieux partagée de l'origine des Bon'Ebele ou Deido,se référant à la publication de Martin Ebelè Tobbo, un Deïdo de souche, tirée de son mur Facebook.

Dans d'autres circonstances, la publication de Ebele Tobbo, pour les non initiés, aurait pu passer comme un simple épiphénomène, quand on sait que l'histoire de nos peuples est à base orale, qu'elle est jonchée de controverses, avec des versions multiples qui s'accordent peu ou prou, avec des oublis, des falsification volontaires, lorsqu'il ne s'agit pas tout simplement de l'imagination ludique des narrateurs .

Ceci ne saurait être le cas quand on porte un regard sérieux sur le texte du tract dont voici le titre "Mon grand frère Ebele Tobbo, Interprète/Traducteur au Kenya, est sorti de sa réserve. Lisez plutôt.

OUVRONS ENFIN LE DEBAT.

À la lecture de ce tract, on peut se demander quel est le but inavoué recherché par son auteur qui n'a pas le courage de décliner son identité, et qui qualifie Ebele Tobbo comme étant son grand frère, qui remet en cause la version historique retenue à Deido, qui fait la fierté de ceux-ci dont le chauvinisme n'est pas à démontrer.

Quel est donc ce Deïdo qui coupe la branche de l'arbre sur laquelle il est assis ? Pourquoi avoir choisi ce moment de tension tribale à Douala pour aller tirer d'un mur Facebook cette publication qui date du 01mai 2016 ? S'agirait-il d'un autre cas de ces Sawa qui, après l'incident du 26 mai dernier sus-évoqué, sont allés sur la place publique clamer leur honte en raison de leur origine ?

Quelqu'un d'autre plus malin demandera si c'est une injure que l'origine des Deïdo fusse Bandem à Yabassi dans le département du Nkam, tel que cela est porté dans la publication de Martin Ebele Tobbo.

La réponse est non. Cependant, il faut bien reconnaître que tout individu a le désir d'affirmer son identité qui relève de sa filiation naturelle. S'il est vrai qu'il n'y a aucun mérite d'être né dans telle ou telle tribu, il est d'autant vrai qu'il ne faut pas falsifier l'histoire de l'origine des communautés, au risque de les toucher dans la béance de leur être.

Tous ceux qui ont lu ce tract n'étaient pas des gâteux. Frappés de stupeur par son contenu, plusieurs personnes qui me reconnaissent comme ayant une certaine expertise sur les

questions de la tradition sawa m'ont fait partager cette publication en guise d'interpellation, afin d'avoir le cœur net sur la question.

Très touché également par cette question, je n'irai pas aider à la validation d'un texte qui me semble procéder de l'imagination ludique de son auteur.

C'est le lieu de savoir qu'en 2016 , quand j'ai pris connaissance de cette publication de Martin Ebele Tobbo qui vit effectivement à Naïrobi au Kenya, j'ai eu un long échange téléphonique avec lui qui n'est plus ni moins qu'un membre de ma famille, Tobbo Eyoum et Ekwa Eyoum ayant été nos ancêtres respectifs. J'avais démontrer à mon frère par A+B les incohérences de son texte. Au final, j'avais cru l'avoir convaincu en lui proposant de retirer sa publication du Net, chose qu'il n'a pas faite au vu de ce tract dont le but inavoué est de jeter l'anathème sur les Duala en exploitant le cas des Deîdo qui lui paraît être une fissure oubliée par cette communauté encombrante.

Ainsi donc, me semble-il indiqué de débattre sur cette question de l'origine des Deïdo, si tel est le désir de ce couard, auteur du tract, car à chacun qui aime son métier et qui en a l'expertise de dénoncer ceux qui l'avilissent pour des besoins de ventre, par manque de personnalité, pour des besoins d'égo, ou toute autre raison contraire à l'éthique.

En ce qui concerne l'histoire des Deido comme celles des autres communautés africaines, tel que souligné plus haut, elle se repose sur l'oralité. En dehors de ce qui est tiré des notes de voyages des européens qui ont séjourné au Cameroun à l'époque post coloniale, ainsi que des documents administratifs, les premiers écrits connus qui font allusion à l'origine des Deido sont ceux de Idubwan à Bele-Bele, de Ngaka Akwa, de Léopold Moume -Etia et du Prince Dika Akwa nya Bonambela.

Ces différents auteurs s'accordent sur le fait qu'à l'époque où King Joss Doo la Makongo (1760/1792) était le plus puissant des chefs Duala, il eut une rixe au cours d'un marché périodique dans la région du Moungo. Les Duala qui avaient le contact direct avec les commerçants européens exerçaient un monopole pressant sur leurs frères de l'intérieur qui voulaient en découdre. La situation se transforma vite en une guerre entre les Duala et les Abo. Les Duala, fortement armés par les européens, eurent le dessus et repartirent avec des prisonniers de guerre. Le règlement était que les vaincus paient une rançon pour la libération de leurs hommes capturés. Pour le cas-ci, il s'agissait d'une communauté abo-sud qui était installée dans la région de Miang et Bwapaki. Cette communauté était d'origine Barombi. Elle avait quitté Buea, avait traversé le Mungo, laissant un hameau à Mbonjo avant de s'installer à cet endroit, mêlée aux Abo.

Elle avait pour chef de guerre Ejobe, fils de Ebele Ebonge. Le prince Ejobè avait été fait prisonnier ainsi que son lieutenant Ngabè. Pour les séparer Ejobe était confié à la famille Bell à Bonadouma, tandis que son compère alla chez les Bonambela à Bonakwane (Akwa-Nord).

Ces deux prisonniers étaient libres de tout mouvement sauf de sortie du territoire au risque de subir la sentence de mort. C'est au cours de l'une de leurs fréquentations réciproques que Ejobe, allant voir Ngabè, rencontra la princesse Kanya Épée Kwane et tomba amoureux d'elle.

Leur union donna lieu à la naissance d'un fils qu'on appela Ebele, du nom du père de Ejobè, le nommé Ebelè Ebongè. Puisque cette liaison entre une princesse et un prisonnier de guerre n'était pas légitime, fût -il prince, l'enfant revenait à la famille de sa mère. Ebele était né en 1755, le même jour que Same' Doo la Makongo, alors que le roi Bele ba Doo était né en 1750 et le roi Ngando'Akwa était né en 1777.

Ebele a grandi dans le Canton Bell où il a commencé à faire une grande famille. Il quittera cette communauté à la suite d'un malentendu et, pendant qu'il avait pris le chemin pour rentrer chez lui à Bonakwane (actuel Bonewonda), Ngando'a Kwa, déjà king des Bonambela se proposa de l'accueillir sur son territoire à Bonalembe, chose qu'il accepta.

Ebele Kanya va multiplier le nombre de ses épouses et de ses enfants à Akwa et c'est à Akwa qu'il est mort et enterré dans la zone de l'assurance AXA.

Ebele a épousé sept femmes qui lui ont donné 22 fils auxquels s'ajoutent deux autres fils nés de deux démoiselles de compagnie des épouses. Soit un total de 24 fils.

Ce sont ses fils qui feront l'exode qui a abouti à l'installation des Deïdo sur leur site actuel où ils ont été accueillis par le maître de ces lieux de l'époque, le nommé Mbime Moukoko, un bakoko dont la fille, Ngonkinda, était l'épouse du chef des Deido, le nommé Eboulè Ebele.

Ainsi peut se résumer l'histoire de l'origine des Deido selon la version la mieux partagée.

D'où vient donc ce récit de Ebele Tobbo qui déclare que son ancêtre Ebele avait été banni de son village Bandem d'où il n'est jamais sorti et que ce sont certains de ses enfants qui sont allés à Douala et qui ont été accueillis par les Akwa ? De quel bannissement s'agit -il ?

Du temps de nos ancêtres, quand on avait été banni, on quittait le village et on était accueilli ailleurs pour refaire sa vie. C'est le cas de Bona, chassé de son village de Bwassalo à Pongo, il fut accueilli par le roi Bebe Bell à Douala. Il a fondé une dynastie et deux des épouses de Ebele Kanya, les nommées Jinje et Tènè étaient ses petites filles.

En ce qui concerne l'anthroponomie des noms du Canton Deïdo sur laquelle Ebele Tobbo voudrait s'appuyer pour les rapprocher aux noms qu'il dit être ceux des Bandem, notre auteur doit comprendre qu'il va vite en besogne dans son analyse. Car, dans la tradition africaine en général et celle des Sawa en particulier, les noms des individus sont liés aux phénomènes de la nature, ils sont tantôt événementiels, tantôt considérés comme la marque d'affection à un être cher dont le nom sera donné par les parents à leur enfant en guise d'homonymie (mbombo).

A ce facteur s'ajoutent les liens matrimoniaux qui entraînent l'éparpillement des mêmes noms dans une certaine sphère géographique donnée. Il y'a enfin le phénomène des plantations né de l'abolition de l'esclavage et l'avènement du colonialisme. Puisque les premiers planteurs étaient essentiellement les Duala, ils s'étaient partagé les zones d'exploitation des terres agricoles. Les plantations des Deido étaient majoritairement dans le Nkam, ce qui a occasionné des liens de mariage entre ces planteurs et les filles de cette région.

Qu'est ce que Ebele Tobbo entend par noms typiquement Deido si ce n'est celui de l'ancêtre éponyme Ebele, ceux de ses épouses et ceux de ses enfants ?

Parlant de Tek'a Dibanga, il le rapproche à Tek-Dibang. Du n'importe quoi ! Pour ta gouverne, mon frère, Teki était la troisième femme du patriarche Ebele, originaire de l'île de Jebale, fille de Dibanga Makoubè.

Tek'a Dibanga est la contraction en duala de Teki, fille de Dibanga. Pour le nom de Ndema Ebele, le seul Deïdo ayant eu ce nom a été Ndema Ebele Ntone Ebele ll, à Bonateki. Il fut charpentier, l'un des bâtisseurs de la chapelle catholique de Deido. Son nom Ndema lui vient de sa famille maternelle bakoko, vers Dibombari. Le nom Dissake est beaucoup plus répandu chez les Bonkeng. C'est de là que Dissake Mboumwa a eu ce nom, qui lui vient aussi de ses grands parents maternels.

Pour ce qui est de la pirogue mythique de Deido, "Eyum'a Bolo", contrairement à ce que dit Ebele Tobbo, elle a été construite par Epee Bilè à Mabe-Matong, vers Njanga et non chez les Bandem à Yabassi.

L'autorisation de couper l'arbre transformé avait été donnée à Epee Bile par le chef de ce village qui s'appelait Ekoka Mboka, témoignage qui nous vient de Canaan Epee, fils du concerné.

A la suite de cet éclairage, je voudrais rappeler également à Ebele Tobbo que les mouvements migratoires au Cameroun sont allés dans tous les sens, avec des flux et des reflux. Par exemple, il y a des Fongo Songo à Nanga Eboko, un hameau du même groupement est à Yaoundé à Étoudi, tandis qu'un autre hameau appelé Pongo -Songo se trouve être des Sawa, dans la Sanaga-Maritime chez les Balimba. Rien n'empêche qu'un membre de la Famille Ebele Ébonge à Miang, eût été banni et qu'il eût attéri chez les Bandem. Ça reste une possibilité. Mais il ne s'agit pas de Ebele, ancêtre des Deido. Pour preuve, lors de la guerre de la coalition des autres Douala contre les Deido (5,6 et 7decembre 1876), les Deido défaits, ont fui à Moussoko en pays Abo, terre d'origine de leur géniteur, Ejobè Ebelè Ebongè.

Pour conclure, mon frère Martin Ebele Tobbo doit se rappeler que la culture étant la parure qui orne l'esprit de l'homme, nous Africains, plus que tous, avons besoin de retrouver notre passé devant nous permettre de recouvrer notre personnalité. Mais cela nécessite une collecte de nos valeurs essentielles, des informations fiables, un travail de longue haleine, afin d'aboutir à un processus dynamique, afin que des générations à venir y trouvent leur compte.

Ebele Tobbo, au plan scolaire, a été parmi les meilleurs de sa classe d'âge à Deido, celle qui est également la mienne. Les échos qui nous viennent du Kenya où il est reconnu comme meilleur traducteur des Nations Unis, montrent à suffisance qu'il est d'une intelligence éprouvée. Partant de sa formation universitaire, il est capable de déverser des pluies d'éloquence, parce qu'il a appris comment manipuler les choses plaisantes au cœur et à l'oreille, mais qu'il se rappelle que personne ne peut tout savoir ni tout faire. Qu'il laisse le domaine dans lequel il a voulu s'essayer ou alors, s'il veut continuer, qu'il s'arme de beaucoup d'humilité, d'abnégation et de persévérance.

On n'aurait éviter cette situation exploitée par le quidam qui a publié le tract, si mon conseil avait été suivi en 2016.Tout laisse croire que ce fauteur de trouble qui appelle Ebele Tobbo "grand frère" est l'un de ces fils adoptifs. On leur donne tout, mais on n'arrive jamais à les expurger de leurs ressentiments. Une fois qu'ils ont atteint un cadre social louable, leur premier souci est de frapper à la porte du cœur des filles de leurs anciens bienfaiteurs, quand il ne s'agit pas des épouses, pour aller se pavaner dans des lieux sordides et déclarer que les Douala sont des imbéciles.

Si j'ai écrit c'est parce j'ai eu mal et mon silence m'aurait donné plus de mal. J'ose croire que mon avis aura la résonnance souhaitée

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