JAMES MOUANGUE KOBILA : « L'alliance entre le Nord et le Sud est inébranlable tant que Paul Biya est au pouvoir »
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Cet universitaire, auteur entre autres de «La protection des minorités et des peuples autochtones au Cameroun: entre reconnaissance interne contrastée et consécration universelle réaffirmée », passe au crible les actions des partis politiques de l’opposition dans le Grand-Nord et met en doute la volonté du Septentrion à changer radicalement ses habitudes politiques.

Il semble se dégager un capital de sympathie des nouveaux opposants à l’endroit du Grand-Nord. Cela vous surprend-il ?
Cet intérêt pour le Grand-Nord ne doit pas surprendre, compte tenu de l’importance des trois Régions septentrionales : l’Extrême-Nord, le Nord et l’Adamaoua. L’importance démographique de ces trois Régions constitue de ce fait un vivier électoral important. Vous savez que l’Extrême-Nord est la partie du Cameroun la plus peuplée et que de manière plus globale les trois Régions offrent un socle électoral qui est capital dans la lutte pour la conquête du pouvoir d’Etat au Cameroun.

L’intérêt des différents partis politiques de l’opposition pour cette partie du pays tient à deux raisons principales, il me semble : ils veulent essayer de briser l’alliance entre le Nord et le Sud qui réunit en un pacte qui est aussi fantasmé que réel les trois Régions du Centre, du Sud et de l’Est. Et on sait très bien que c’est sur ce prétendu axe Nord/Sud qu’est assis le pouvoir du président Paul Biya dans la mesure où tant que l’axe Nord-Sud marche, il est incontestable que le président de la République bénéficie d’une majorité politique structurelle dans la mesure où il a avec lui six Régions sur lesquelles il compte. Alors les opposants veulent isoler les trois Régions septentrionales et isoler les trois Régions du Sud, du Centre et de l’Est afin de fragiliser le régime qu’ils veulent renverser en nouant les alliances avec cette partie du Cameroun.

Sauf qu’en 2011 par exemple, il y a eu un câble de WikiLeaks dans lequel Amadou Ali confiait que tant que le président Biya aura besoin d’eux ils vont le soutenir et après lui le pouvoir ne pourra pas revenir à un ressortissant du Sud, du Centre ou de l’Ouest et que le pouvoir devra forcement revenir au Nord…
Non ! Il n’a pas dit au Nord. Il a exclu les ressortissants du Grand-Sud, c’est-à-dire les trois Régions du Centre, du Sud et l’Est, et il a aussi exclu les Bamiléké en disant que les Nordistes ne sont pas prêts en réalité. Il s’est placé dans une posture où il disait que d’après sa lecture des choses, les Nordistes sont prêts à accompagner Paul Biya tant qu’il souhaite rester au pouvoir et que d’après sa lecture des choses aussi, les Nordistes ne sont pas prêts à soutenir un autre ressortissant du Sud, ni un ressortissant de l’Ouest. Il ne présentait pas ça comme son point de vue à lui, mais –il faut quand même lui rendre justice à celases propos ont été déformés, travestis dans l’ambiance qui est à la controverse.

Le Nord n’était pas encore prêt disait donc Amadou Ali, à soutenir un ressortissant du Grand-Sud et du Grand- Ouest. Cabral Libii et Akere Tabeng Muna par exemple donnent donc un coup d’épée dans l’eau en faisant de sérieux yeux doux au Grand-Nord ?
Effectivement. J’ai, dans le cadre de mes activités de membre du Comité de normalisation de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot), eu l’occasion de me rendre au Nord plusieurs fois pour superviser le processus électoral et j’ai fait plusieurs départements de la Région du Nord. Ce qui m’a mis en contact avec des gens des trois Régions septentrionale et on a discuté en profondeur des questions politiques. Ce que j’ai compris, c’est que ce qu’Amadou Ali a dit par rapport à l’alliance de ceux que nous appelons habituellement les Nordistes et le régime de Paul Biya correspond à la réalité. Et ce que j’ai entendu là-bas est que les Nordistes ne peuvent véritablement voter que pour deux partis politiques. En dehors du MDR qui a un socle parmi certaines minorités au Nord L'information claire et nette, les Nordistes de manière globale votent pour le RDPC ou pour l’UNDP. C’est la raison pour laquelle même Issa Tchiroma qui est originaire de là-bas n’a pas pu obtenir une seule mairie. Il n’a pas pu obtenir un seul député. Donc dans ces conditions-là et d’après ce que j’ai entendu, d’après mon expérience d’observateur de la vie politique du Cameroun depuis 1990, je partage le point de vue d’après lequel ce sont de vaines tentatives. Parce que l’alliance entre le Nord et le Sud est inébranlable tant que Paul Biya est au pouvoir. Et cette alliance ne se transformera jamais entre les Anglophones et le Nord, ni entre le Nord et d’autres groupes qui ont déjà été identifiés dans les écrits d’Amadou Ali.

C’est le constat objectif que je fais au regard des éléments de terrain, d’analyse qui se dégagent. Autre chose, l’une des raisons – je ne sais pas s’il sera politiquement correct de le mentionner, mais il faut quand même savoir une chose-, les Nordistes forment un complexe ethnoculturel important, l’un des plus importants, l’un des trois complexes culturels plus importants du Cameroun. Mais en même temps, en raison de leur sousscolarisation, leur complexe ethnoculturel est minorisé, c’est-à-dire est faible ou vulnérable et à ce titre il bénéficie des protections accordées aux minoritaires. L’école normale qui est à Yaoundé recrute très peu de Nordistes, et que les autres enseignants qu’on envoie au Nord ne veulent pas y habiter, ils font tout pour retourner au Sud, de sorte qu’il n’y a pas assez d’enseignants au Nord. D’où l’idée qu’il y ait des enseignants nordistes à l’Ecole normale supérieure de Maroua afin d’améliorer le taux de scolarité de ces Régions. Nous-mêmes devons savoir qu’à partir de ces éléments-là, une alliance entre les Nordistes et nos frères de l’Ouest est difficile à envisager. C’est très difficile à envisager, parce qu’il y a déjà ce contentieux-là. Culturellement et structurellement ce sont des groupes qui sont antagonistes sur la question de la protection des minorités.  

Est-ce que les promesses politiques de Akere Muna, Cabral Libii et bientôt d’autres disant au Grand-Nord par exemple : « Vous avez été abandonnés, avec moi ça va changer », un discours similaire ne peut pas prospérer ?
Parce qu’ils vont ramener Ahmadou Ahidjo ? Non, ils ne peuvent pas. Akere Muna ne peut avoir aucune audience au Nord. C’est ma conviction.

Et Cabral Libii donc ?
Cabral Libii, c’est un fanfaron. Mais vous plaisantez ! Il amuse la galerie, c’est un jeune amuseur public. Je ne pense pas qu’il y ait quatre Camerounais qui le connaissent d’ailleurs, l’idée des sondages qui ont été faits, le seul crédit qu’on accorde à Cabral Libii sur les critères - j’ai récemment lu un sondage fait à propos et donc les résultats ont été publiés- sur dix ou douze critères, le seul qu’on accordait à Cabral remporte le critère de la jeunesse. Si sur les autres critères on n’est pas crédible, personnellement, j’ai de la sympathie pour lui en tant qu’humain, on se parle bien, il a du respect pour moi, je le respecte, mais je ne pense pas que la présidence de la République soit dans ses comptes, je ne pense pas qu’il y ait une frange significative de Camerounais qui pense qu’il puisse faire un bon chef d’Etat.

Alors Nkou Mvondo est du Sud, qu’est-ce qui peut faire que son parti soit basé au Nord ?
C’est parce qu’il est enseignant à Ngaoudéré. Tout simplement. Il est établi là-bas. Il ne peut donc pas vivre de ce côté et mener des activités politiques au Sud, cela lui coûterait cher. C’est un simple calcul coûts/avantages. Il pense que le métier d’enseignant peut lui conférer une audience qu’il essaie de capitaliser politiquement.

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