ALIOU CISSé : la fin des sorciers blancs à  la tête des équipes africaines ?
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Dans son ouvrage « Portrait du colonisé portrait du colonisateur », Albert Memmi met en évidence le fait que le colonisé est schizophrénique en ce sens qu’il déteste et admire à la fois le colonisateur. Cette bipolarisation sentimentale est omniprésente dans de nombreux comportements en postcolonies, notamment subsahariennes. Le football africain est un des champs où elle s’exprime avec force et ductilité depuis les indépendances. Les équipes africaines de football sont très souvent, pour ne pas dire tout le temps, « coachées » par des entraîneurs occidentaux blancs. Ces derniers bénéficient désormais d’un titre mythologique, « les sorciers blancs ». Dans la mesure où certains de ces entraîneurs occidentaux sont sans aucun palmarès conséquent en Occident, on peut se demander si ce qu’ils ont de sorcier n’est pas uniquement leur couleur blanche, dimension chromatique qui fait encore penser à plusieurs Nègres que les Blancs sont des dieux dans tous les domaines. C’est après avoir été à la tête d’une sélection africaine que plusieurs entraineurs occidentaux se font souvent connaître du monde entier grâce au talent des footballeurs africains. Quels sont donc ces entraineurs occidentaux qui n’ont de compétences qu’en Afrique ? Pourquoi n’entraînent-ils jamais dans leurs propres pays ou dans un grand club européen ? Pourquoi passent-ils parfois d’un pays africain à un autre pendant toute leur carrière d’entraineur ? Pourquoi, sans résultats conséquents, sont-ils payés aussi chers dans un continent dit pauvre?

Ces questions méritent d’être posées pour plusieurs raisons. Il semble, en effet, que le complexe d’ancien colonisé continue à travailler les pays africains à tel point qu’un entraîneur blanc y soit toujours vu comme le porteur de « la civilisation », mieux, de ce qui est meilleur pour notre football. En conséquence, ils sont, non seulement largement mieux payés que les entraîneurs africains, mais aussi plus respectés par les dirigeants et les populations africaines. Il y a cependant un paradoxe que montre la victoire du Sénégal contre la Pologne au mondial 2018. Tous les entraineurs blancs à la tête des équipes africaines ont été battus alors que le Sénégal dirigé par Aliou Cissé a gagné son match. Cela devrait aider à chasser des têtes des Africains la conviction que seuls « les sorciers blancs » peuvent nous faire gagner un match de football. L’Afrique et les Africains doivent se faire confiance. Ils doivent savoir que les entraineurs africains ont les mêmes diplômes que les entraîneurs occidentaux et que l’Afrique regorge de footballeurs et d’entraineurs de talents. En plus de cela, un entraineur africain est habité par l’amour des siens et de son pays, un patriotisme qui fait généralement défaut aux Occidentaux qui sont uniquement au travail et ont un rapport exclusivement professionnel aux équipes nationales africaines. Un entraineur africain connait la psychologie de son pays, la mentalité de son peuple et les trajectoires sociales de ses joueurs. Il est plus équipé et mieux adapté pour trouver des éléments pertinents de motivation.

Le Cameroun, une des grandes nations du football africain, a été champion olympique en 2000 avec à sa tête Akono Jean-Paul, un entraineur de football camerounais. Aucun « sorcier blanc » n’a gagné un titre aussi élevé avec l’équipe nationale camerounaise. Mais, malgré cela, les Lions Indomptables sont toujours entraînés par des Français, Portugais, Allemands, et même un Soviétique Valery Nepomniachi. Ce dernier est connu aujourd’hui pour avoir atteint les quarts de finale d’un mondiale avec les Lions Indomptables alors que seul le talent des joueurs camerounais a réalisé cet exploit. 

Un Sénégalais peut-il entraîner l’équipe de France, l’équipe d’Allemagne ou d’Italie ? Si l’Afrique veut être indépendante, c’est dans tous les domaines y compris dans le football. Y arriver demande que le continent noir et ses populations se débarrassent du complexe d’un salvateur qui, dans de nombreux domaines, continue à avoir la figure blanche du colonisateur. Nous perpétuons ainsi le néocolonialisme de nos esprits sans exploiter nos énormes potentialités nègres.

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