PRéSIDENTIELLE 2018 : Un membre du Conseil constitutionnel appelle à  la candidature de Paul Biya
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Le nom de Jean Foumane Akame figure en bonne place parmi les signataires d’une motion d’appel à candidature.

Sous le titre : «Le Sud a choisi son candidat : c’est Paul Biya», le quotidien gouvernemental, Cameroon Tribune, a publié dans son édition du vendredi 25 mai 2018, en pages 10 et 11, une motion de soutien de la région du Sud adressée au chef de l’Etat. «Nous, membres du bureau politique, membres du comité central, militantes et militants du Rdpc, élites intérieures et extérieures, chefs traditionnels, notables, patriarches, forces vives de la région du Sud, toutes couches socio-professionnelles confondues, adressons à son excellence Paul Biya, président de la République du Cameroun, président national du Rassemblement démocratique du Peuple camerounais, chef de l’Etat, la motion de soutien et de déférence dont la teneur suit : (…) Lui demandons solennellement de se porter candidat à l’élection présidentielle de 2018, pour laquelle il est assuré de notre soutien massif, unanime et inconditionnel», peut-on lire dans ce document.

En cette saison de veille électorale, ce type d’appel fait partie de la rhétorique habituelle publiée dans le quotidien de la rue de l’aéroport. Sauf que cette fois-ci, figure dans la liste des signataires l’un des onze membres du Conseil constitutionnel. Il s’agit de Jean Foumane Akame, le plus ancien et le plus vieux magistrat encore en fonction dans l’administration camerounaise. Sur cette liste «obèse» des dignes fils et filles de la région du Sud, le nom de l’ex conseiller technique du chef de l’Etat en charge des affaires juridiques se trouve bien à la quatorzième place, juste après les membres du bureau politique, des ministres et autres dignitaires en poste ou en réserve de la République… Une énorme curiosité. En sortant, en effet, de sa réserve et en invitant publiquement un citoyen à briguer la magistrature suprême, Jean Foumane Akame, magistrat chevronné, n’ignore pas qu’il viole de ce fait certaines dispositions de la loi n°2004/005 du 21 avril 2004 fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel, en particulier celles qui servent de balises à l’indépendance des membres de cette institution afin d’en assurer sa crédibilité.

«Les membres du Conseil constitutionnel doivent s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la dignité de leurs fonctions. Ils s’interdisent, en particulier, pendant la durée de leur fonction : (…) d’occuper au sein d’un parti ou d’une formation politique, d’une association partisane ou syndicale, tout poste de responsabilité ou de direction et, d’une façon plus générale, de faire apparaître de quelque manière que ce soit leur appartenance politique ou syndicale (…)», stipule l’article 5 du chapitre III de la loi sus-citée. L’obligation d’indépendance des membres du Conseil constitutionnel, qui n’est d’ailleurs pas la seule qui leur incombe, est si prégnante que la loi a prévu une sanction à l’égard de ceux qui s’en émancipent. L’article 18 de la loi du 21 avril 2004 dispose en effet que : «Le Conseil constitutionnel, statuant à la majorité des deux tiers de ses membres, peut d’office ou à la demande de l’autorité de désignation, mettre fin, au terme d’une procédure contradictoire, aux fonctions d’un membre qui aurait méconnu ses obligations, enfreint le régime des incompatibilités ou perdu la jouissance de ses droits civiques et politiques, conformément aux modalités fixées par son règlement intérieur».

Il ne fait donc l’ombre d’aucun doute que la présence du nom de Jean Foumane Akame sur la liste des signataires de la motion de soutien des «membres du bureau politique, membres du comité central, militantes et militants du Rdpc, etc.» jette du discrédit sur le Conseil constitutionnel. La gravité du constat a amené L’oeil du Sahel à s’interroger sur l’authenticité des motions de soutien publiées par Cameroon Tribune : le journal est-il garant des listes des personnalités qui sont toujours couchées à la suite de ces appels partisans ? Contacté par nos soins, un responsable du quotidien gouvernemental apporte l’explication suivante : «Les motions de soutien parvenant à notre rédaction sont de la responsabilité de la personnalité politique autorisée à assumer une telle démarche. Nous ne pouvons ni vérifier ni certifier les noms et les signatures des uns et des autres. Nous les publions telles que transmises par les voies autorisées».

La motion de soutien de la semaine dernière, qui compte entre autres le nom de Jean Foumane Akame, est arrivée à la rédaction de Cameroon Tribune sous la forme d’un tapuscrit, a appris votre journal. Selon les sources de L’oeil du Sahel, cette motion de soutien a été acheminée par les bons soins du ministre Jacques Fame Ndongo, patron politique de la région du Sud, dont le nom trône au premier rang de la liste. Cette liste a, en principe, été dressée à Ebolowa le 24 mai 2018. M. Foumane Akame était-il présent à cette occasion ? Nos nombreuses tentatives, y compris par message écrit, en direction de Jacques Fame Ndongo, ont été vaines pour obtenir la réponse. Certains habitués des couloirs du Rdpc ne doutent cependant pas un seul instant de l’authenticité de la motion de soutien signée par les «forces vives de la région du Sud» avec parmi eux, Jean Foumane Akame.

«Cette liste, analyse un familier des couloirs du comité central du Rdpc à Yaoundé, est actuelle et a été confectionnée avec l’accord de qui de droit. Vous pouvez bien constater qu’elle traduit les nouvelles positions politico- administratives dans la région du Sud. C’est un secret de polichinelle qu’à l’exception des magistrats Essombé et Mme Arrey, tous les autres membres du Conseil constitutionnel ont flirté avec la politique et notamment avec le parti au pouvoir. Ça, c’est un fait. Mais le plus grave, c’est qu’ils veulent toujours se comporter comme par le passé, comme des militants en attente d’éventuelles promotions politiques. Ils doivent changer de mentalité et travailler à crédibiliser le Conseil. Le cas Foumane est symptomatique de cette confusion».

DISCRÉDIT

Quelle va être la suite au sein du Conseil constitutionnel, de ce qui apparaît comme une prise de position partisane de la part de Jean Foumane Akame ? En raisonnant par l’analogie, on peut prédire qu’une procédure disciplinaire pourrait être engagée à l’égard du vieux magistrat. En octobre 2011, Pauline Biyong, membre du Conseil électoral de «Elections Cameroon» (Elecam), avait été limogée pour une sombre affaire de marché d’affichage publicitaire du candidat-Président Paul Biya qui trahissait ainsi son parti-pris pour le candidat du Rdpc à l’élection présidentielle. Cet exemple est encore présent dans les esprits. Cette décision avait restitué à l’organe en charge des élections, le minimum de crédibilité qui lui était indispensable pour un travail dans la sérénité.

Les membres d’Elecam comme ceux du Conseil constitutionnel, sont astreints aux mêmes obligations d’impartialité et d’indépendance. Rappelons que Jean Foumane Akame, ancien ministre de l’Administration territoriale, a été pendant plus d’un demi-siècle, le conseiller technique en charge des affaires juridiques à la présidence de la République. Il occupait dans la même période la fonction de secrétaire du Conseil supérieur de la magistrature. Du fait de cette double casquette, le haut magistrat avait quasiment la haute main sur toute la magistrature camerounaise. Certains observateurs estiment que sa nomination comme membre du Conseil constitutionnel, présidé par un de ses cadets, n’était rien moins qu’une mise au placard. Le haut magistrat serait-il en train de manoeuvrer pour «s’éjecter du Conseil constitutionnel» et repartir au palais de l’Unité ? Il y en a beaucoup qui le murmurent au sein du sérail. 

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