L'ethnicité au Cameroun expliquée par ma fille de 3 ans aux professeurs d'université
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L'ethnicité au Cameroun expliquée par ma fille de 3 ans aux professeurs d'université :: CAMEROON

Il fallait s’y attendre, l’ethnicité et son pendant le tribalisme ont fait leur irruption dans la campagne électorale présidentielle au Cameroun. Il s’agit de vieux débats, des nouveaux médias certes, mais le contenu est toujours plein des mêmes préjugés et même raccourcis mentaux. La capacité d’ubiquité des médias sociaux (surtout Facebook, les « politologues, politistes, politoulous » camerounais ne sont pas encore trop chauds sur Twitter et Instagram) permet de rependre à une vitesse inouïe des sornettes qui maintiennent notre pays dans la nuit noire de l’obscurantisme quand vient le temps de parler ethnie. Les erreurs que nous faisons collectivement (du président de la République au citoyen lambda, des vieillards aux jeunes)  dans la compréhension de l’ethnicité au Cameroun sont tellement banales que je suis convaincu que ma petite fille de 3 ans pourrait les expliquer aux professeurs d’université. Pour commencer ce serait extrêmement naïf de croire que ces quelques lignes à elles toute seules ont le pouvoir de venir à bout des décennies de stéréotypes qui nous ont été servis sur une base quasi quotidienne. Ce propos se divise en fait en quatre parties d’inégales répartitions. D’abord je vais présenter les faits qui ont déclenché sur Facebook les débats sur l’ethnofascisme sur le net. Ensuite je vais procéder à une mise au point pour éviter que les considérations de bas étage prennent le dessus sur la question qui est ici abordée. Enfin nous parlerons d’ethnicité sur le plan sociologique et sur ce plan politique.

Mise au point et mise en garde

Les discussions sur plusieurs sujets chez nous tournent très souvent à la querelle des personnes et aux comparaisons sur la valeur des uns et des autres. Ceux qui se livrent à ces pratiques savent quels sont les indicateurs qu’ils utilisent pour leur évaluation. Ce propos se veut très critique et même un tantinet irrévérencieux envers les sommités de l’intelligentsia du pays. Bien sur les professeurs Abé Claude et Mathias Éric Owona Nguini, mais d’autres de leurs collègues n’échappent pas à ma critique. Cela ne signifie pas du tout que je sois plus intelligent qu’eux. Je reconnais avant toute chose que ces deux et même d’autres que je critique sont de loin, mais alors très loin, plus intelligents que moi. L’idée ici est de dire que si nous évacuons, la question de comparaison personnelle, on peut alors rester concentré sur celle du contenu et du fond du problème.

L’autre point est une mise en garde. Nous sommes nombreux à ne pas supporter la contradiction alors, il serait particulièrement frustrant de lire ce petit texte parce qu’il remet en cause tout ce que vous savez et/ou vous n’avez jamais su sur l’ethnicité dans notre pays et même pourquoi pas ailleurs. Il n’est jamais plaisant de découvrir que les éléments que l’on percevait pour des religions sont totalement éloignés de la réalité. Ainsi si vous êtes réactionnaires comme ceux qui peuplent les médias sociaux dernièrement, il serait conseillé de ne continuer la lecture des lignes qui suivent.

Les faits 

Au lendemain de la convention qui a désigné le professeur Kamto comme candidat du MRC à l’élection, présidentielle, un débat fait rage dans les médias sociaux. Des personnes bien pensantes dénoncent la tentation du messianisme qui a entouré toute la convention, mais très vite le débat bascule sur la question tribale et pour répondre aux groupies du professeur Kamto, les professeurs Abé Claude et Owona Nguini entrent dans la danse. On s’accuse mutuellement de tribalisme. Les fantômes du Rwanda rampent sur les claviers. Des villages sont menacés d’être rasés, les invectives fusent d’un côté comme de l’autre. On est en dans l’un des camerounisme les plus ambiants qui consiste en l’auto promotion de sa tribu et le dénigrement de celle de l’autre. Le propos de cette sortie est de dire que tous ces gens, les supporteurs du professeur Kamto dont beaucoup se recrutent dans le forum le Cameroun c’est le Cameroun (LCCLC) ainsi que leurs contradicteurs les professeurs Abé Claude et Owona Nguini n’ont aucune idée de quoi ils parlent. Ils amplifient la réification de l’ethnicité dans les débats. Ils font en fait une analyse sur la base d’un processus de catégorisation qui constituent un raccourci intellectuel dans lequel nous tous camerounais baignons comme dans une nuit noire d’obscurantisme depuis trop longtemps maintenant. 

La réalité sociologique de l’ethnicité

Absent de l’ADN

L’ensemble1 des camerounais est convaincu d’une erreur incroyable qui est le fruit d’une construction sociale de la réalité. L’ethnicité ne se transmet pas à la naissance. On n’hérite pas de la tribu de son père dans son code génétique comme croient religieusement 25 millions de Camerounais. Même si vous êtes le digne fils, la fille aimée de votre géniteur, même s’il vous a transmis ce courage exceptionnel qui est le sien, même si vous tenez bien votre trait de caractère le plus trempé de lui ou d’elle, vos parents ne vous ont pas transmis votre ethnicité à votre naissance. L’ethnicité ne fait pas partie de l’ADN, elle ne peut donc pas vous être transmise par le sang. Pour mieux comprendre, il faut se poser la question qu’est-ce que la tribu ou l’ethnie. Nous sommes nés dans un environnement donné. Ce cadre géographique offre des opportunités et des contraintes. Un grand philosophe camerounais Basile Juléat Fouda pour ne pas le nommer disait que l’homme est né à genoux devant les forces écrasantes de la nature. En fait pour apprivoiser la nature, l’humain a créé des pratiques culturelles. Ce sont ces pratiques qui fondent l’ethnicité. En fait tout ce que fait notre tribu a été conçu pour répondre aux pressions de l’environnement. Oui absolument tout ce que fait notre tribu était au départ une réponse à une contingence environnementale. Oui le fait que le couscous de maïs soit notre met principal est uniquement lié à la géographie, notre façon d’attacher le pagne c’est juste l’environnement qui nous a conduits à adopter cela, les sons de musique qui font tant notre fierté sont nés uniquement du fait que la nature qui nous entouraient les a rendus possibles ou nécessaires. Oui et trois fois même nos croyances, la façon de célébrer les funérailles, les mariages, la dot, les mots du langage, le culte des crânes, l’habilité à gravir les montagnes, les rituels diverses comme l’initiation, le type d’activité économique et bien d’autres n’ont été conçus par nos ancêtres que parce qu’il fallait s’adapter aux contraintes ou tirer profit du cadre de vie dans lequel ils se sont retrouvés. Ainsi aucune ethnie ne saurait donc être supérieure aux autres puisque les pratiques distinctives de notre ethnie ne sont que des adaptations aux conditions naturelles. Pour l’illustrer, les groupes ethniques qui se sont retrouvés autour de l’océan au Cameroun ont quelque 200 façons de désigner la mer. Les montagnards de l’extrême nord Cameroun eux ont environ 150 mots pour appeler la montagne. 

Réalité dynamique et construite

En fait il y a plusieurs façons de concevoir l’ethnicité. Celle qui prévaut au Cameroun et qui est utilisée par la plupart des professeurs mêmes les plus éminents (même s’ils ne vont jamais l’avouer) c’est le primordialisme. Il s’agit d’une vielle conception selon laquelle, les ethnies sont assignées à la naissance et se passent de génération en génération et ont des caractéristiques fixes. Le primordialisme au Cameroun a pris la forme de ce que l’on nomme en science sociale les théories zombies. Il s’agit des théories qui ont souvent été battues en brèche par les réalités empiriques, mais qui réussissent à survivre et à rejaillir de la tombe de l’obscurantisme pour venir embrouiller la connaissance. L’autre lecture de l’ethnicité relève du constructivisme qui stipule que les ethnies sont des constructions sociales rendues possibles par le discours. Elles ont une dynamique évolutive. Cette approche remet en question le fait que les ethnies ont toujours été les mêmes depuis des années. Si on s’en tient au Cameroun, une lecture constructiviste permet de comprendre bien des choses. Au-delà des légendes qui se racontent, la majorité des groupes ethniques se sont plusieurs fois reconstitués depuis. Il y a ainsi des travaux remarquables comme ceux qui professeur Bot Ba Njock avec sa thèse de doctorat en 1962, les recherches faites par Jean Hurault la même année ou même les recherches publiées par Pierre Alexandre en 1965 qui montrent l’évolution de certains groupes ethniques au Cameroun. On peut essentiellement dire que la réalité de plusieurs des groupes s’est constituée et reconstituée au fil des années. Sur cette base la fameuse légende de la racine ancestrale fait long feu. Je ne parle même pas de toute la question de l’hybridité culturelle qui démontre que les thèses sur l’homogénéité des groupes ethniques sont désuètes.

Les limites du déterminisme

Le déterminisme est l’autre erreur incroyable de nos jugements collectifs sur l’ethnicité. C’est cette conviction que la vaste majorité si ce n’est tous les Camerounais partageons qu’une fois fixés, les conditions de notre naissance déterminent tout notre être et ceci toute notre vie. En fait nous sommes peut-être les seuls à ne pas comprendre que notre personnalité évolue. Elle pourrait être autant déterminée par nos conditions de naissance que notre existence de tous les jours. Le revenu de ton géniteur détermine plus ton futur que son groupe ethnique. Mieux ta formation, le quartier dans lequel tu grandis, l’école que tu fréquentes et plusieurs autres contingences comme tes choix de vie ont un impact beaucoup plus important dans ton existence et la formation de ta personnalité que l’ethnicité de tes parents. L’ethnicité n’est qu’un aspect de la personnalité. Un aspect d’ailleurs plus infime qu’il n’y paraît. Donc non professeur Abé, ceux qui répondent sur Internet ne le font pas seulement à cause de leur origine ethnique, il y a de nombreux déterminants qui poussent les gens à agir. L’ethnicité peut certes ordonner certaines de nos préférences, mais elle n’en explique pas tout. D’ailleurs si on revient sur le fait que l’ethnicité est une pratique, il y a d’autres identités que l’on pratique plus que notre ethnicité. On pourrait toujours prétendre le contraire, mais la réalité est qu’au Cameroun, nous recevons plus d’information, de nos rencontres, de nos fréquentations, de notre formation académiques, de notre expérience que de notre ethnicité. Il s’agit d’un processus de socialisation qui est celui par lequel on apprend des formes particulières de cultures et on acquiert des normes et valeurs. On peut recenser en fait deux types de socialisation, la primaire qui se déroule à la maison et dans les écoles durant notre jeune âge et la secondaire qui s’acquiert dans son milieu professionnel et dans l’interaction avec les collègues, amis, mais aussi à travers les différentes expériences.  Je comprends encore que dans le contexte d’infobésité déclenché par les médias sociaux, les groupies de Kamto fassent l’erreur de ne pas comprendre cela, mais comment expliquer que les professeurs d’université qui le comprennent 100 fois mieux que l’auteur de ces lignes fassent les mêmes amalgames et tombent dans les mêmes raccourcis?

L’heuristique de responsabilité

L’autre erreur que nous avons en partage au Cameroun sur la question ethnique est celle dite métonymique. On prend très souvent la partie pour le tout. Vous avez une interaction sur le Net avec deux pellés et trois tondus et immédiatement leur attitude est étendue à l’ensemble de tous ceux qui seraient de leur groupe ethnique. Pour comprendre à quel point le discours est puissant, cette généralisation se fait tout simplement en ajoutant un article : les. Avec ce simple article nous camerounais avons fait des miracles, englober des millions de personnes à partir de l’attitude d’une ou deux. Ces stéréotypes qui n’ont jamais résisté au test de la réalité sont à l’origine de toutes les connaissances que nous avons sur l’ethnicité au Cameroun. Dans les faits, un traitement de l’information en catégories simples, voire même simplistes, est plus commode et intellectuellement moins fatigant qu’une analyse liée aux caractéristiques de la personne. En effet dans le discours sur les tribus au pays, nous sommes nombreux à utiliser l’heuristique de responsabilité. C’est une règle qui conduit à fonder l’estimation de la probabilité qu’un objet appartienne à une catégorie en fonction de sa ressemblance avec d’autres objets de cette catégorie. Il s’agit d’un raccourci mental qui met en œuvre la recherche quasi forcée des similitudes tout en négligeant les informations qui pourraient contredire cette lecture dogmatique. Non chers amis, le résultat d’une relation avec une personne ne présage pas du rapport que l’on va avoir avec une autre personne de la même ethnie. Pour le comprendre faisons un peu appel aux mathématiques puis que les sociologues sur qui on comptait nous laissent au carrefour avec leur généralisation facile. Attribuons au hasard les lettres de l’alphabet aux ethnies camerounaises suivantes, juste pour les besoins de la démonstration. Donnons les lettres suivantes aux groupes ci-après : a-) Arabes-chocs, b-) Moundang, c-) Banso, d-) les Nsungli, e-) les Mvutes, f-) les Batis, g-) les Bonkeng, h-) les Njanpetas, i-) les Konabembe, g-) les Bayanguis, k-) les Akunakuna,  l-) les Gbete. On pourrait après assigner les chiffres aux emplois par exemple 1-) maçons, 2-) enseignants, 3-) infirmiers, 4-) commerçants, 5-) sans emplois pour ne citer que ceux-là. Cette classification sommaire et arbitraire nous conduit au tableau suivant :

 

Si on prend uniquement cette petite variable, il n’y a aucun mathématicien qui va établir une égalité entre A1 et A2. Il leur est impossible de dire qu’E2 est égal à E4 ou même que G3 équivaut à G5. D’où vient-il alors que nous procédons vite aux généralisations sur la base d’une interaction voire même deux ou trois. Comment arrivons-nous à une attribution causale qui ne traite plus d’informations, mais produit des connaissances sur la base des peurs?

La politisation de l’ethnicité

Au centre du débat entre le professeur Owona Nguini, un des plus grands activistes politiques du pays sur le net (les  Abdelaziz Moundé et Venant Mboua n’ont qu’à bien se tenir), et les groupies de Maurice Kamto, se trouve la conviction toute camerounaise que les personnes qui se revendiquent du même groupe ethnique ne peuvent que supporter « leur frère » de sang. Il s’agit là d’un des plus gros mythes de la politique camerounaise contemporaine qui s’est souvent transformée en prophétie qui s’auto réalise. Ces errements sont surtout dus à la méconnaissance de la chose politique par la majorité d’entre nous. Le paradoxe chez nous est que d’Olivier Bilé à Messanga Nyamdjing en passant par Owona Nguini, Abé Claude, Cabral Libii, Charles Atengana Manda, Moussa Njoya et j’en oublie certainement, les politiques se succèdent sur nos tubes cathodiques, mais l’ignorance se multiplie. Les spécialistes cités ci-dessus comptent collectivement plus de 10 000 heures de télévision et nous sommes encore près de 98% des Camerounais à ne pas savoir ce qu’est exactement la politique. Si ce n’est pas la mauvaise foi et la malhonnêteté intellectuelle, c’est simplement un complot contre la masse que nous sommes de la part de ces experts. On vous dira que la politique est la gestion de la chose publique (la fameuse res publica), mais encore? Pour savoir pourquoi quasiment tout un peuple se trompe lourdement sur l’implication de l’identité ethnique en politique, il faudrait d’abord lui expliquer en des termes simples ce que c’est que la politique. Ce n’est pas vraiment la peine de revenir sur le passage de l’état de nature à celui de droit ou même sur l’origine de la propriété privée. Bao toi qui attaques au marché Nkololun, voici ce que tu dois savoir quand on parle de politique. Toi, moi et d’autres camerounais qui nous occupons de produire la richesse en nous débrouillant comme on peut, mais toujours dans la légalité, sommes trop chargés au quotidien. On a donc ensemble confié la gestion des biens communs et de la chose publique à un groupe de personnes que nous allons appeler Gouvernement. Cette gestion s’effectue essentiellement par détermination des priorités et répartitions des ressources. Or dans tous les pays du monde et surtout au Cameroun, les ressources sont limitées. La politique de distribution selon les orientations se fait sur trois bases essentielles qui constituent le socle d’une justice. Elle peut ainsi être soit commutative (à chacun la même chose) soit distributive (à chacun selon ses mérites), ou positive (à chacun selon ses besoins). C’est exactement à ce moment que commence la politique. Il s’agit du jeu d’intérêts qui consiste à faire en sorte que les ressources soient attribuées aux aspects qui te sont prioritaires. C’est justement pour cela qu’il est impossible que tout un groupe ethnique ait les mêmes intérêts politiques.

Racisme 

Ma sœur avec qui on tape nos divers à Rue Manguiers les jeudis matins, il faut savoir qu’à la base de la conception populaire que tu ne peux voter et supporter que ton « frère » du village, se trouve d’abord une pensée raciste. C’est l’idée selon laquelle, seuls les liens affectifs sont importants pour toi. En fait tu ne peux pas reconnaître un intérêt matériel et tu ne peux surtout pas faire l’expérience d’une adhésion à une idée politique. Concrètement ce que nos experts en politologie disent est que si jamais « ton frère ou ta sœur » du village met en place ou souhaite développer des politiques qui vont faire mal à ton porte-monnaie, toi tu vas quand même bêtement voter pour lui/elle, parce que tu n’as pas assez de jugeote pour savoir où se situent tes intérêts. Pire, le candidat peut avoir des idées que tu détestes que ce soit sur le plan social ou même de la morale, mais peu importe selon cette théorie, tu vas aveuglement voter pour lui contre tes propres convictions. Tu appliquerais alors une sentence bantoue qui dit que « le sein de ta mère, même envahie par la gale, tu n’as pas le choix que de le sucer, toi le bébé ». Alors que nous connaissons tous de nombreux enfants qui ont refusé de sucer le sein de leur mère même sans gale. Dans la réalité, il y a de nombreux déterminants qui interviennent dans les préférences politiques et l’ethnicité n’en est pas toujours au centre, au Cameroun comme ailleurs. La raison pour laquelle on a institué à travers le monde le fameux une personne, une voix, c’est parce qu’on avait compris que pas besoin d’être maître de conférences comme les professeurs Abé Claude, ou Mathias Owona Nguini ou même Maurice Kamto pour comprendre ce qui fonde ton intérêt, les idées auxquelles tu adhères ou non. Avant les occidentaux par complexe de supériorité raciale croyaient que nous ne pouvions pas comprendre les nuances de nos propres intérêts matériels ou les subtilités de nos valeurs morales. Aujourd’hui nos propres frères par sentiment de supériorité académique (les professeurs Abé Claude et Mathias Owona Nguini) ou résidentiel (les groupies de Kamto du forum LCCLC se recrutent plus dans la diaspora) reprennent le même mantra et nous prennent pour des valises.

Quid de la question des classes sociales, du genre et des générations

 Mais pourquoi 2% des Camerounais parmi lesquels se trouvent nos professeurs s’évertuent-ils à faire croire à nous le reste des 98% que la seule chose qui importe dans le choix politique c’est l’ethnicité? Ne vous faites pas d’illusion, tout ce qui est écrit ici, Owona Nguini Abé Claude et les autres professeurs le connaissent encore mieux que l’auteur de ces lignes. Mais pourquoi persistent-ils dans l’erreur? La raison est toute simple, le discours sur l’ethnicité subsume celui sur les classes sociales. Il sert de miroir aux alouettes et empêche aux gens de poser les bonnes questions. Il faut le dire encore et encore, il ne peut y avoir un intérêt commun entre tous les membres  d’un groupe ethnique. Si on permet aux commerçants de faire plus de bénéfices, cela va se faire sur le dos des acheteurs et non bien sûr que non, (je vous vois venir) même dans les groupes ethniques que vous avez en tête la très vaste majorité des personnes sont encore et d’abord des acheteurs. Comme à la chasse, même s’ils sont tous des bipèdes et des êtres vivants, il ne saurait y avoir d’intérêts communs entre les chasseurs et les singes. Si vous habitez Bepanda Yonyon à Douala et qu’un gars de votre village devenu douanier par la force du décret qui habite Denver se lance en politique, vous ne pouvez pas avoir les intérêts communs. Ton intérêt à toi ce n’est pas de le supporter aveuglément s’il ne peut te garantir que l’eau que ton fils boira ne va pas lui donner des coliques, que les professeurs que l’on enverra l’enseigner ne sont pas des ivrognes non repentis, etc. On peut donc voir que nous avons des intérêts en commun avec nos voisins de maisons beaucoup plus que nos frères du village. D’ailleurs même au village les intérêts vont par quartiers. Il faut toujours se rappeler que les ressources sont limitées et que même si cela ne fait pas plaisir à entendre, on est dans un jeu à somme nulle. Ce qui n’est pas investi dans l’accomplissement de tes intérêts va ailleurs. Ce qui est retiré dans la réalisation de tes valeurs va ailleurs. Au fait avec une majorité de Camerounais vivant en ville, même quand l’investissement va dans ton village parce que tu crois qu’il doit être privilégié, il demeure que si tu vis en ville, tu as toujours affaire aux nids de poule, la fumée des poubelles que l’on brûle te pollue les poumons, et surtout nos amis d’ÉNÉO te coupent le courant que dans les autres quartiers. Chers amis, la réalité est qu’il n’y a que nous de la plèbe pourtant majoritaire qui croyons aux légendes d’une communauté d’intérêts sur une base ethnique. En fait depuis les années, les 2% on démontré aux spécialistes de la politisation de l’ethnie qu’ils se trompent. Tenez voici quelques exemples qui ne sont pas exhaustifs. Les luttes d’intérêts entre Remy Zé Meka et Edgar Alain Mebe Ngoh ont largement débordés dans les médias. Les débats houleux entre le ministre Zacharie Perevet et les jeunes cadres Mafas sont connus de presque tous dans l’Extrême-Nord. De même, si vous laissez le ministre Bidoung Kpwatt et son « frère » l’ambassadeur Antoine Tsimi dans une pièce sans surveillance vous courrez le risque d’ouvrir la porte et tomber sur au moins un cadavre. Les professeurs Maurice Kamto et Luc Sindjoun ne peuvent plus se saluer même en public. Entre les professeurs Messanga Nyamgding et Moukoko Mbonjo, la hache de guerre est déterrée depuis longtemps, chacun attend une fenêtre d’opportunité pour assener à l’autre le coup fatal. La nuit des longs couteaux entre les promoteurs et les gestionnaires de l’université des Montagnes (tous issus des villages voisins) fait rage et les coups volent bas. L’histoire ne dit pas s’ils se sont réconciliés depuis, mais il y a quelques années, tu prononçais le nom du professeur Joseph Owona devant le professeur Edzoa Titus et vis-versa, et tu pouvais te retrouver avec un œil au beurre noir. Ceux qui organisent les cérémonies du parti des flammes dans la ville de Yaoundé ont tous reçu le mémo alarmant qui disait qu’il ne fallait jamais faire asseoir côte à côte Tsimi Evouna et Mama Fouda sous peine d’un risque de grabuge hyper élevé. Il est carrément impossible qu’un Muketé (père et fils) voit Mafani Mussonge sans traverser la route de l'autre coté en crachant de mépris. On a tous appris en direct et en mondiovision les bagarres exceptionnelles entre les ministres Marafa Ahmidou Yaya et Issa Tchiroma. Il s’agit juste qu’un petit exemple des luttes de toutes formes dans lesquels les 2% qui nous gèrent se lancent sans merci juste sur la base de leurs intérêts politiques. Pendant ce temps, ils nous demandent de les supporter simplement parce qu’ils seraient « nos frères » et « sœurs » du village. La question que l’on doit se poser collectivement est jusqu’à quand notre aliénation collective doit continuer?

Si l’identité est si importante alors parlons de la question générationnelle, dans un pays où des gens qui ont été ministre à 30 voire 26 ans comme l’actuel premier ministre, empêchent à plusieurs générations depuis des décennies de pleinement participer à la gestion des affaires publiques pour défaut de jeunisme. Les mêmes endettent aussi lourdement notre pays pour que les enfants de ces générations sacrifiées paient à leur place, que dire alors de la question du genre. En 2000, à la faveur d’une subvention de recherche le professeur Luc Sindjoun et celui dont il était à l’époque le mentor le professeur Owona Nguini dénonçaient en chœur les logiques phallocratiques de l’État camerounais qui confinaient les femmes non seulement à une sous-représentation, mais aussi uniquement à l’accès aux postes à faible valeur budgétaire et symbolique. Dix-huit ans plus tard le sort des femmes n’a aucunement changé, il s’est même à certains égards empiré mais nos deux professeurs eux ont bougé. L’un (Sindjoun) est dans la mangeoire chuuuttt on ne parle pas la bouche pleine. L’autre (Owona Nguini) fait de l’agitation excessive dans les médias sociaux lancé à fond perdu dans des guerres idéologiques liées à une mauvaise interprétation de l’ethnicité. 

En guise de conclusion

Le réalisme veut qu’on reconnaisse que ce n’est pas quelques lignes qui viendront à bout d’une rhétorique hégémonique qui dure depuis des décennies et qui n’a jamais vraiment été remise en cause. Le débat a souvent tourné autour de la question qui est plus tribaliste que qui? Sans jamais remettre en cause les fondements mêmes de ce qu’est la tribu. La campagne vient de commencer. Si on évacue la question ethnique, on peut encore sauver le débat politique et aborder les vrais enjeux. 

 1-Ce propos n’est pas une recherche approfondie. L’affirmation ensemble tient uniquement du fait que la réification de l’ethnicité n’a pratiquement jamais été remise en cause au pays.

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