Le Sénat et nous
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La cuvée des sénateurs de la législature 2018-2023 affiche complet depuis jeudi. En application des dispositions de la Constitution, le chef de l’Etat a nommé 30 sénateurs (et leurs suppléants), lesquels viennent se greffer aux 70 élus. Au-delà de menus surprises qui résultent du recrutement des sénateurs, par voie d’élection et de nomination, l’on retient que fort de ses 87 sociétaires, seul le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) aura un groupe parlementaire au sein de la chambre haute du Parlement camerounais. Avec  moins de 10 sénateurs (sept exactement), le Social Democratic Front (SDF), contrairement à la dernière législature, n’aura pas de groupe parlementaire au Sénat.

Ces considérations évacuées, la question de savoir à quoi sert le Sénat au Cameroun reste d’actualité. D’après la loi fondamentale, le Sénat représente les collectivités territoriales décentralisées (communes et régions), à la différence de l’Assemblée nationale qui représente le peuple. On pourrait d’emblée se demander si le sénat dans sa représentation actuelle n’est pas boiteux (illégitime ?), car il est de notoriété publique que les régions, prévues dans le marbre de la Constitution de 1996, ne sont pas toujours mises en place.

Quelle est la plus-value du Sénat dans le vote des lois et le contrôle de l’action gouvernementale depuis son entrée en service en 2013 ? La navette parlementaire a-t-elle permis d’améliorer la qualité de la production législative ? L’Assemblée nationale, réputée pour être elle-même une chambre d’enregistrement, n’aurait-elle pas suffit ?

Pour un pays en proie à des difficultés économiques, la suppression de cette chambre ne permettrait-elle pas de réaliser d’importantes économies, lesquelles pourraient être injectées dans des projets de développement ? Pour le seul exercice 2018, l’enveloppe budgétaire du Sénat s’élève à 15 milliards Fcfa. Sur cinq ans, ça culmine à 75 milliards Fcfa, excusez du peu ! Le cas du Sénégal interpelle. Au lendemain de la suppression de cette chambre en 2012, le président Macky Sall s’est fendu d’un propos qui snobe le temps et les frontières. « Jai supprimé le Sénat et j’ai utilisé les fonds alloués à cette institution [un peu plus de 8 milliards Fcfa, ndlr] pour construire cette centrale [centrale solaire photovoltaïque d’une capacité de 20 mégawatts, à Boklol, ndlr], car mon peuple a plus besoin d’électricité que de sénateurs qui ne servent à rien ! ».

Au Cameroun, on n’en prend pas la direction. Tout porte à penser que le Sénat est un asile pour anciens ministres, chefs traditionnels ; une maison de retraite qui sert à récompenser des camarades et alliés politiques. Au contribuable de régler la douloureuse ! D’aucuns invoquent l’article 6 (4) de la Constitution pour situer le véritable enjeu de la mise en place du Sénat au Cameroun. « En cas de vacance à la présidence de la République pour cause de décès, de démission ou d’empêchement définitif constaté par le Conseil constitutionnel, l’intérim du président de la République est exercé de plein droit par le président du Sénat », dispose-t-il.

Le président de l’Assemblée nationale ne pouvait-il pas jouer ce rôle ? Selon le rapport de la commission Hilarion Etong sur le projet de loi portant révision de la Constitution du 02 juin 1972 (cité dans l’excellent ouvrage « Le Sénat au Cameroun et en Afrique, Vademecum », L’Harmattan, 2011, de Jean Claude Eko’o Akouafane), « la préférence du président du Sénat est justifiée par le fait que le Sénat ne menace pas l’exécutif, qui n’est ni politiquement, ni administrativement responsable devant lui. Le Sénat apparaît plus neutre face aux députés réputés politiciens de carrière [et] donc, plus engagés dans la lutte pour le pouvoir de l’Etat ».

Additions et soustractions faites, la question de l’opportunité de garder le sénat dans notre architecture institutionnelle se pose. La cohérence commande tout au moins la mise en place des régions afin que cette chambre trouve un début de raison d’être.

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