Le « Magique Système » du foot africain : entre arnaques et rêves brisés
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Afrique :: Le « Magique Système » Du Foot Africain : Entre Arnaques Et Rêves Brisés

Le livre « Magique Système » dénonce le traitement des jeunes joueurs du continent de la part de clubs et d'agents prêts à tout pour s'enrichir.

L'Afrique, un eldorado pour les clubs du monde entier, un vivier « bon marché » dans lequel il est devenu facile de venir se servir. C'est en substance le message délivré par Magique Système, sorti le 31 janvier dernier aux éditions Marabout. Dans cet ouvrage, deux journalistes, Barthélémy Gaillard (Vice) et Christophe Gleizes (So Foot), dressent un constat alarmant sur les agissements dont sont victimes de jeunes footballeurs africains pleins d'espoirs. Le tout à travers un système où agents et clubs européens apparaissent autant bénéficiaires que complices, où les magouilleurs, faussaires, entités fédérales trouvent tous leur compte. Un business dont tous profitent, sauf les victimes collatérales, dont le destin et la vie ont souvent basculé sous le poids de ce système.

L'omniprésence des « agents » et la complicité des clubs

« Seulement 25 % des transferts réalisés sur le continent le sont pas des agents licenciés. » Ce témoignage de Jérôme Champagne, ex-candidat à la présidence de la Fifa, illustre l'un des grands maux de ce système. L'omniprésence de ces pseudo-agents, qui sévissent parfois via des réseaux structurés, constitue l'une des plaies les plus profondes du continent. L'Afrique constitue un marché préférentiel : il y a le talent, mais aussi le nombre. La tendance se ressent dans la proportion grandissante de ses joueurs dans les championnats européens : pas moins de 23 % des footballeurs de première division européenne sont africains, souligne l'ouvrage.

La tâche des agents est « facilitée » par l'environnement local. La condition de beaucoup de jeunes Africains, soumis à la misère et portés par le rêve de percer, confère à l'intermédiaire une posture d'homme providentiel. Pourtant, dans les faits, son rôle s'apparente à celui des passeurs en Méditerranée. La promesse est celle d'un promoteur. Moyennant une somme importante, pour laquelle c'est parfois un village entier qui se cotise, on fait miroiter au jeune l'opportunité d'un « pack clés en main » avec visa, trajet et essai dans un club du Vieux Continent.

Souvent, l'apprenti footballeur n'a même pas encore posé le pied en Europe que l'agent s'évanouit dans la nature avec l'argent. Sinon, il se peut qu'il finisse par attendre désespérément d'être pris en charge à son arrivée en Europe. Une situation qui peut déboucher sur une clandestinité subie, conjuguée à une honte de l'échec qui l'enferme progressivement et le coupe de sa famille. Et, y compris pour celui qui aurait réussi à se frayer un chemin jusqu'aux essais, le livre estime à 70 % le nombre de footballeurs africains en situation d'échec une fois en Europe.

Les instances et les clubs ferment les yeux

Que des agents locaux tirent leur épingle du jeu en misant sur la crédulité des plus démunis et sur une réglementation passoire était plus ou moins avéré. En revanche, il est plus surprenant de mesurer combien certaines entités, fédérations ou clubs, peuvent se montrer permissives sur l'origine des joueurs que leurs intermédiaires peuvent présenter, et sur les méthodes peu scrupuleuses de ces derniers.

L'une d'entre elles concerne le trafic d'âge et d'identité. « Tricher sur son âge, c'est un passage obligé pour rêver », dit clairement le livre. Les académies locales sont coutumières de ces pratiques, qui ouvrent à leurs protégés des horizons plus larges le jour des détections ou des matches durant lesquels ils sont susceptibles de se faire repérer. Ces pratiques sont encouragées par la recherche du « toujours plus jeune » chez les clubs européens. Après tout, un joueur à l'identité changeante n'est autre qu'un élément qui échappe au radar des fichiers fédéraux des pays. Ce qui les dispense, à l'arrivée, de verser aux académies et petits clubs locaux des indemnités de formation.

La complicité des fédérations au sujet du trafic d'âge et d'identité est avérée dans le livre. L'exemple de certains joueurs comme Chancel Mbemba (Newcastle) ou Franck Kessié (AC Milan) est notamment cité. Les fédérations ne prennent pas le risque d'entraver un système qui peut permettre à certains de ses gamins de percer. Même s'il s'agit d'une très maigre proportion d'entre eux. Elle sait qu'elle en sera bénéficiaire tôt ou tard. Et qu'importe si cela doit se faire au détriment du niveau de compétitivité des sélections nationales, dont il est judicieux de se demander à quel point elles ont pu être handicapées par la présence de joueurs à l'âge parfois réduit de 3, 4 ou 5 ans. Le danger de ce « Magique Système », c'est finalement que chacun semble prêt à en accepter les règles. C'est une aubaine pour les puissants, et une échappatoire que sont prêts à accepter les jeunes Africains, quoi qu'il leur en coûte. Le prix du rêve.

« Magique Système », de Barthélémy Gaillard (Vice) et Christophe Gleizes, éditions Marabout, 184 pages, 15,90 euros

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