AKERE MUNA : « L'opacité est érigée en règle dans la gouvernance au Cameroun»
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AKERE MUNA : « L'opacité est érigée en règle dans la gouvernance au Cameroun» :: CAMEROON

Candidat de la « Plateforme pour une Nouvelle République » pour la présidentielle d’octobre 2018, l’avocat leader du mouvement Now, entouré de son équipe de campagne, était face à la presse hier mardi 3 avril 2018. Au cours des échanges, l’homme s’est étendu sur plusieurs sujets d’actualité dont le Messager en fait l’économie ci-dessous. Verbatim !

Comment se passe la campagne électorale au sein de la Nouvelle République ?
Nous n’y sommes pas encore. Ce qu’il faut savoir, c’est que nous sommes en plein déploiement sur toute l’étendue du territoire national. Nos équipes jeunes et dynamiques s’activent à installer des pôles d’action dans les dix régions. Pour l’heure, la démarche consiste à effectuer une descente sur le terrain, faire une analyse froide sur la situation sociopolitique, économique et culturelle afin d’élaborer un programme qui répond à toutes les attentes. Je souhaite qu’au moins 15 personnes de notre mouvement « Now » soient présentes dans chacun des 30 000 bureaux de vote de la présidentielle. Cela a l’air énorme, mais on y arrive en réalité très vite, comme on l’a vu au Nord, dans l’Extrême-Nord et autour de Douala, dans le Littoral. D’ici fin mai, on devrait avoir nos équipes. Vous saurez tout sur moi, dès que ma campagne sera lancée : mon bilan de santé, ma déclaration des biens, rien ne vous sera caché.

En quoi le mouvement « Now » est-il différent de la « plateforme pour une Nouvelle République » ?
« Now » est un mouvement de militants transpartisan qui a pour missions de contribuer au programme politique du candidat Akere Muna en participant aux consultations ; inscrire sur les listes électorales les camerounais et les camerounais qui appellent au changement ; encourager la politique de proximité en identifiant les leaders locaux et en les encourageant à se présenter aux élections législatives ou municipales et surtout de mobiliser et observer les élections. La plateforme pour une nouvelle République pour sa part, est une plateforme essentiellement politique qui investit les candidats lors des différentes élections ; mène la campagne sur le terrain en partenariat avec l’équipe de campagne du candidat et enfin mobiliser le vote et désigner les scrutateurs.

Que répondez-vous à ceux qui estiment, au nom de la proximité de votre défunt père avec l’actuel président, que vous roulez pour le régime ?
Non, je ne roule pas pour le régime. Je pense que nous sommes tous responsables de l’état actuel du Cameroun, chacun, à son niveau. Je n’ai même jamais été convié à une quelconque cérémonie officielle, ni au défilé du 20 mai, ni aux cocktails au palais, où l’on retrouve les personnalités les plus en vue de la République. Même quand l’Union africaine tient ses rencontres à Yaoundé, je n’ai jamais été invité. Je suis quand même surpris de constater qu’à chaque fois lorsqu’on sent que quelqu’un est engagé sur la voix du changement, on dit tout et n’importe quoi. On tente de lui coller un procès d’intention et des accusations aux desseins inavoués. On m’a plusieurs fois annoncé au Secrétariat d’Etat à la défense (Sed) alors qu’il n’en était rien. Les gens prennent le temps de publier sur les réseaux sociaux une même convocation qui date de mars 2017 pour faire croire que je suis en indélicatesse avec la Justice. Ça me fait juste éclater de rire puisque je comprends à quel point on peut être autant allergique au changement. D’aucuns ont même voulu que je panique et que je m’en aille à l’étranger sans jamais revenir de peur de représailles. Mais, je peux vous dire qu’ils perdent leur temps. J’irai toujours et je reviendrais parce que le Cameroun c’est mon pays.

Quel regard portez-vous sur l’Opération Epervier et de la manière avec laquelle elle est conduite ?
Je n’ai pas de regard particulier à poser sur cette opération. Ce qui me désole, c’est de voir les gens jubiler parce que d’autres vont en prison. Je pense sincèrement qu’il y’a quelque chose qui cloche dans la manière de nommer les responsables chargés de gérer la fortune publique, les fonctionnaires à qui on confie la gestion des affaires publiques. Il y’a des gens qu’on interpelle, qu’on condamne et qu’on envoie en prison pour des malversations financières ou des détournements qui datent souvent de plus de dix ans camer.be. On arrête un ministre qu’on envoie en prison pour des griefs qui remontent à l’époque où il était par exemple directeur d’une société d’Etat ou gestionnaire d’un programme piloté par le gouvernement. Cela donne l’impression que la Justice traîne les pas et jette un peu du discrédit sur cette opération d’assainissement des moeurs publiques. Du coup, c’est tout le monde qui veut être aux affaires ; non pas pour gérer et faire avancer le pays, mais, pour « manger aussi ». C’est pourquoi tous les 23 millions de camerounais rêvent tous de se voir confier un beau jour, la gestion d’un ministère, d’une entreprise publique ou parapublique… Bref, être aux affaires.  

Que peut-on retenir de votre périple en zone anglophone ?
J’ai trouvé des populations sous le choc, désemparées, déboussolées. Des hommes et des femmes qui sont sur le qui-vive. Tenez, j’ai discuté avec l’évêque de Mamfé qui m’a confié qu’ils ont passés des années entières sans voir de leur yeux des hommes en tenue ; ils vivaient paisiblement. La première fois ils les voient, c’est le carnage. Conséquence, ils ont tous déserté leurs domiciles ou ce qu’il en reste. A Kenbong par exemple, on est parti de 5000 habitants à presque cinq personnes. Les gens ont fui leur village à cause de la guerre, de la terreur. Aujourd’hui, on leur demande de rentrer. C’est pour habiter où ? On aurait du envoyer le Génie militaire dans ces villages dévastés pour les reconstruire et voir comment les ramener à reprendre sereinement leurs activités. Mais, vous savez, cette guerre profitent aux deux camps.  

Lesquels ?
D’un côté, il y a des groupes violents qui sévissent et qui n’ont pas  grand chose à voir avec les sécessionnistes, même si ces derniers s’en servent parfois pour exister et se vantent de frapper de grands coups. D’un autre, l’État utilise cette violence pour justifier le renforcement des moyens militaires. Résultat : on est dans une forme de guerre civile et tous les anglophones sont stigmatisés. Pour vous dire vrai, je pense que la vraie guerre qu’il faut mener aujourd’hui, c’est la guerre des coeurs. Il faut réconcilier les populations, les aider à se reconstruire, à refaire leur vie, à repartir à zéro. Ce sont des choses basiques.

Comment vivez-vous cette crise en tant que anglophone ?
Je reçois des menaces de la part des supposés sécessionnistes qui estiment qu’annoncer ma candidature à l’élection présidentielle, c’est trahir les populations anglophones dont les revendications sont sérieuses et légitimes. Ils m’appellent pour m’intimider au motif que je trahis ma contrée et espérant que je vais lâcher prise. Ainsi va la politique dans notre pays. Pendant que les Anglophones me traitent de traître, les Francophones, eux, m’appellent sécessionniste.

Un conflit en lien avec le partage de l’héritage familial, vous oppose à votre soeur, l’ex ministre des Arts et de la Culture …
C’est un non-évènement dont il faudra malheureusement faire avec. Je sais que je suis régulièrement interpellé sur le sujet par mes concurrents et je suis conscient qu’on va souvent m’attaquer dessus. Mais je vais faire avec. Nous sommes dans une grande famille, demandez-vous pourquoi, elle est la seule à se plaindre. Mon objectif, c’est d’amener les camerounais à un sursaut patriotique qui puisse faire bouger les lignes ; les interpeller sur la construction de ce pays que nous voulons voir grandir et prospérer ensemble. Je ne suis pas là pour dire que Biya a fait ci ou qu’il a fait ça. Ce n’est pas notre combat.

Le Cameroun ploie sous les dettes et cela a une incidence sur la balance commerciale. Que proposeriez-vous si vous êtes élu président pour remédier à cette situation ?
Je ne sais même plus quel est le niveau de l’endettement de ce pays. Tellement il est lourd qu’on ne sait même plus par quel bout commencer. Dans ce pays, l’opacité, c’est la règle. On fonctionne dans un flou total ; une espèce de brouillard où même le contribuable ne maîtrise pas le carnet de santé de son pays ni comment l’argent de ses impôts est géré. Mais, je peux vous jurer que d’ici un an, chaque citoyen pourra, à travers un clic sur sa tablette numérique ou sur son téléphone, interroger le volume de minerais que le pays exporte, le volume de bois, de matières premières que nous avons sur le marché mondial. Dès mon premier mandat, il y aura une politique de transparence. On saura qui passe les contrats, pour quelle somme, pour combien de temps… C’est une façon de redonner confiance en l’État. Il est impensable que le Cameroun n’ait pas un système de santé qui fonctionne, des routes qui relient les grandes villes

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