Me Mang Mayi : Les arrestations en cascade n'intéressent pas le peuple
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L’avocat au barreau du Cameroun explique que la discrétion préserve le secret de l’instruction.

Du point de vue pénal, est-ce que la discrétion dont fait preuve le nouveau président du Tcs dans l’instruction des dossiers se justifie ?
La présomption d'innocence a une valeur constitutionnelle. Raison pour laquelle, que ce soit devant les autorités de police judiciaire (police et gendarmerie) ou devant les autorités judiciaires, ce principe cartésien s'applique. Relativement à ce que vous appelez discrétion d'une juridiction, on ne peut en attendre mieux quant au secret de l'instruction. La justice en tout temps et en tout lieu, a toujours été une grande muette. Ce silence protège aussi bien les justiciables que les magistrats.

Le silence joue-t-il un rôle pour la sérénité des magistrats et des officiers de police judiciaires ?
Le silence est très important pour la sérénité du travail. De plus, actuellement, on peut considérer ces dossiers comme des dossiers extrêmement sensibles, au vu du contexte social dans lequel nous sommes.

Certaines des personnalités qui sont interpellées aujourd'hui avaient été mises à l'index par le ministère délégué à la présidence chargé du Contrôle supérieur de l’Etat depuis plus de cinq ans. Pourquoi la justice met-elle autant de temps avant d'instruire les dossiers ?
L'opportunité des poursuites judiciaires relève essentiellement du pouvoir discrétionnaire du chef du parquet de la juridiction compétente, à savoir ici, madame le procureur général près le Tribunal criminel spécial ; même comme nous savons tous que le chef du parquet c'est le ministre d'Etat ministre de la Justice (Minjustice) garde des sceaux. Cette primauté du Minjustice est confirmée par le parallélisme de forme qui voudrait que lui seul puisse ordonner l'arrêt des poursuites judiciaires engagées. On voit très bien la bifurcation de l'exécutif sur le judiciaire, même comme je refuse de parler de l'inféodation. Encore qu'il ne faut jamais perdre de vue que le chef de l'État est le président du conseil supérieur de la magistrature. S'il jouit d'un pouvoir de nomination et de révocation, vous conviendrez avec moi, comme on nous l'enseigne dans les amphithéâtres, qu'il est un monarque constitutionnel ; puisque c'est la Constitution qui lui donne tous ces pouvoirs.  

La lutte contre les détournements de fonds, ce n'est pas seulement les arrestations. Pour être plus crédible, est-ce que le Tcs ne devrait pas mettre l'accent sur le remboursement  du corps du délit ?
Le remboursement du corps du délit n'est pas de la compétence du Tcs. C'est une faculté offerte par la loi spéciale aux personnes poursuivies qui ont la latitude d'offrir de transiger avec la justice. On peut parler de justice négociée ou de transaction pénale. Mais dans la rédaction du texte relatif au remboursement du corps du délit, un verrou grave s'est glissé, compromettant ainsi l'esprit du législateur. Il a été sciemment et savamment écrit qu’ « en cas de remboursement du corps du délit, le ministre de la Justice peut ordonner l'arrêt des poursuites ».

Ça c'est une grave duperie, puisqu'en cas de remboursement du corps du délit, l'arrêt des poursuites judiciaires n'est ni automatique ni acquise. C'est ce frein qui pousse les personnes poursuivies à ne plus offrir de rembourser, puisqu'elles ne jouissent d'aucune garantie qu'elles seront libérées. Cette loi sur la restitution du corps du délit, pour être efficace, doit être réécrite. Au lieu de «Le Minjustice peut… », il doit être écrit « le Minjustice doit… ». On partira du pouvoir discrétionnaire du Minjustice à la compétence  liée.

Tout ce que le peuple souhaite, ce n'est pas tant les arrestations en cascade, mais le redécollage de l'économie, laquelle passe par le retour dans les caisses de l'Etat des sommes d'argent distraites ou exfiltrées. Nous pouvons prendre exemple sur l'Arabie saoudite où 360 dignitaires du régime suspectés de corruption ont été appréhendés, puis relaxés après restitution du corps du délit. Et ce, après qu'ils ont été retenus pendant plus d'un mois dans un hôtel huppé sans possibilité de sortir.

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