Sarkozy mis en examen : Le fantôme de Kadhafi aura-t-il la peau de la Françafrique ?
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France :: Sarkozy Mis En Examen : Le Fantôme De Kadhafi Aura-T-Il La Peau De La Françafrique ?

Qui indemnisera les peuples africains de leur spoliation par la France depuis le XVIIIème siècle ? Qui ressuscitera tous les Africains passés de vie à trépas parce que l’argent nécessaire à la construction d’un centre de santé, d’un hôpital ou d’un dispensaire est allé financer les partis politiques français de gauche comme de droite ? Qui éduquera tous les enfants africains sans écoles parce que la Françafrique est une pieuvre avaleuse de fonds nécessaires aux investissements nécessaires à la formation en capital humain des générations africaines présentes et futures ? De quelle légitimité se prévaut le pouvoir français lorsqu’il décide du rapatriement d’un migrant africain venu de Libye alors que c’est la France qui a détruit son pays ? Ne doit-on pas parler de partis politiques odieux en France lorsque ceux-ci se financent par des ressources venues de pays africains dits pauvres ? Qui aide finalement l’autre entre la France et l’Afrique ?

Ces questions méritent d’être posées car le financement de la gauche et de la droite française par l’argent africain date, grosso modo, des année 1970. C’est une réalité connue, de triste mémoire et documentée. Ces derniers jours, ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Kadhafi/Sarkozy est juste une piqure de rappel à tous ceux qui, à travers le monde, avaient oublié que les principaux partis politiques français sont financés par l’Afrique depuis près de cinquante ans. C’est donc une continuité si, en 2018, la pauvre Libye détruite justement par l’armée française, apprend que ses ressources auraient financé la campagne électorale de Sarkozy en 2007. En effet, l’Afrique, aujourd’hui majoritairement composée d’Etats dits pauvres et très endettés, a rendu et rend les parties politiques français de gauche et de droite riches et très prospères. On peut légitimement se demander si les populations africaines n’ont pas le droit d’accuser l’Etat français de biens mal acquis, notamment du temps d’Omar Bongo où toutes la classe politique française se servait au distributeur automatique gabonais.

Comme l’a été le système colonial, la Françafrique est un complexe de domination avec une dimension culturelle, politique, économique, affairiste et mafieuse. La dimension affairiste a pour figure de proue actuelle Vincent Bolloré dont le contrôle de tous les ports africains en fait désormais un danger pour la sécurité économique et politique de ce continent. La dimension mafieuse se manifeste par tous les hommes de main africains comme français, tous les intermédiaires, tous les réseaux et toutes les transactions obscures qui alimentent commissions et rétro commissions de la Françafrique. La dimension culturelle est représentée par la Francophonie où un haut fonctionnaire béninois s’est dernièrement fait licencié parce qu’il critiquait le FCFA. D’où le lien entre la domination de la dimension culturelle de la Françafrique et la domination de sa dimension monétaire représentée par le FCFA et la Zone Franc. La monnaie et la langue étant des composantes politiques dans une société, la domination monétaire rejoint la domination culturelle pour faire un tout au service de la domination politique. L’Afrique ne fait pas seulement les frais de celle-ci via les interventions intempestives de la France au sein du continent noir (Côte d’Ivoire, Libye, Mali, Centrafrique…), mais aussi par le fait que les richesses qui doivent aider au développement de l’Afrique financent la vie politique française. D’où une indépendance économique africaine dont les conditions de possibilités culturelles, monétaires et politiques sont inexistantes à cause de ce qui précède.

Par conséquent, la Françafrique est la forme moderne la plus marquante, la plus cynique et la plus dévastatrice du néocolonialisme de la France sur l’Afrique. Le peuple français devrait s’allier aux populations africaines pour se débarrasser de cette gangrène avec laquelle l’avenir des rapports franco-africains restera marqué d’une infimité morale et éthique par rapport à la justice que mérite l’Afrique dans l’histoire.

L’affaire Kadhafi/Sarkozy est encore plus grave. Elle ouvre une nouvelle phase dans la dynamique du néocolonialisme de la France sur l’Afrique. Il ne s’agit plus uniquement de spolier le continent africain par détournements et corruptions tous azimuts, mais aussi et surtout de détruire complètement l’Afrique au sens de sociétés et d’Etats viables. L’argent Libyen aurait donc financé la campagne de Sarkozy en 2007, sachant que c’est le même Sarkozy qui a orchestré la destruction d’un pays stable et prospère comme la Libye. Désormais un Far West entre les mains de djihadistes, la Libye stable n’est plus qu’un lointain souvenir. Tous les Africains qui sont aujourd’hui faits esclaves en Libye sont, ainsi que la déstabilisation du Sahel, des conséquences de la déstabilisation d’une partie de l’Afrique via l’assassinat de Kadhafi.

Qu’on cesse donc de nous dire que l’Afrique est pauvre. Qu’on cesse de parler de mal gouvernance uniquement concernant les présidents africains quand les hommes politiques et hommes d’affaires français pillent allègrement ce continent depuis des décennies. Qu’on cesse une justice internationale à deux vitesses. Justice qui s’accélère sur les présidents africains comme Laurent Gbagbo mais met ses freins dès qu’il s’agit des présidents occidentaux auteurs de faits plus graves.

Le fantôme de Kadhafi semble ne pas avoir abandonné son Afrique entre les mains de la France. Seul ce fantôme, que dis-je, seul l’irradiation continentale de l’esprit panafricaniste de ce fantôme, peut sortir l’Afrique de cette situation en punissant ainsi les fossoyeurs internes et externes du continent. Aurait-il commencé son travail de sape par l’entremise de la mise en examen Nicolas Sarkozy ? Wait and see.

Une chose est cependant certaine. Seule une nouvelle génération d’hommes politiques africains et français peut épouser cet esprit panafricaniste. Un début à cela exige que combattre la Françafrique, devienne, dans toutes ses dimensions, une problématique centrale des projets de société en Afrique et en France.

* Thierry AMOUGOU est Macro économiste hétérodoxe du développement, Pr. Université Catholique de Louvain (UCL), Belgique, Fondateur et Animateur du CRESPOL, Cercle de Réflexions Sociales, Economiques et Politiques. patimayele@hotmail.com

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