Cameroun: Vient de paraître: 2 politiciens anéantis en 1962
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Cameroun: Vient de paraître: 2 politiciens anéantis en 1962 :: CAMEROON

Aussitôt après avoir, sous la pression de notre lutte, proclamé à contrecœur notre indépendance le 1er janvier 1960, Paris a entrepris d’abolir la démocratie qu’ il avait été obligé d’introduire au Cameroun quatorze années auparavant, à savoir en 1946, en faisant de nous des citoyens français. Il s’agissait pour lui de mettre en place un régime qui, à la faveur de l’indépendance, autrement dit d’un gouvernement local soustrait désormais aux lois françaises, allait garantir au mieux la poursuite de son exploitation économique du Cameroun par-delà le 1er janvier 1960. Ce régime ne pouvait que revêtir la forme d’une dictature habillée de « démocratie ». Toute personne qui s’est retrouvée en travers de cette volonté, a été sans ménagement anéantie. La quasi-totalité des politiciens de l’opposition de l’époque, en ont durement fait les frais : assassinats, exils, persécutions multiformes, emprisonnements, etc. Au nombre de ceux-ci, figuraient les deux personnages qui font l’objet de ce livre : Mayi Matip Théodore et Mbida André-Marie.

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Mayi Matip: Deux années de prison pour upécisme.

Quoi qu’il en soit, Mayi Matip est signataire, le 22 avril 1955, de la Proclamation Commune, document réclamant pour la fin de l’année l’indépendance du Cameroun, et d’autre part, lors des massacres du mois de mai 1955 perpétrés par le haut-commissaire Roland Pré, il est incarcéré pendant deux ans. Lorsqu’il est relaxé au milieu de l’année 1957, il trouve Ruben Um Nyobè déjà sous maquis. C’est tout naturellement qu’il l’y rejoint, et reprend ses fonctions de secrétaire administratif. Il est d’autant plus utile que le secrétaire général de l’UPC est en train de créer une administration parallèle en plein maquis, destinée à évincer, à terme, l’administration coloniale française. Celle-ci, lorsqu’arrive Théodore Mayi Matip, établit déjà différentes pièces officielles, sous le sceau République du Kamerun, pour bien opérer une distinction sans équivoque avec les documents de l’administration coloniale qui eux ont pour sceau, République française, Etat du Cameroun : cartes nationales d’identité, actes de naissance, actes de décès, actes de mariage, titres fonciers, etc. Bien mieux, l’UPC dispose déjà d’une armée de libération nationale créée le 2 décembre 1956 et commandée par un ancien combattant : Isaac Nyobè Pandjock.

D’un autre côté, Ruben Um Nyobè entretien une importante correspondance avec de nombreux sympathisants à l’étranger, et de nombreux camarades à l’intérieur du pays, sans oublier toutes les brochures qu’il doit confectionner. Pour tout dire, le travail administratif est important sous maquis.

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Nouvel emprisonnement.

Après le dislocation du con-grès de l’UPC, Théodore Mayi Matip et trois autres députés, leaders de partis politiques, élus comme lui lors du scrutin du 10 avril 1960, André-Marie Mbida, PDC, Charles Guy

René Okala, USD, et Marcel Bebey Eyidi, Parti Travailliste, s’étaient re-groupés en une coalition dénommée « Front National Unifié », FNU. Le 16 juin 1962, les quatre parlementaires avaient publié une lettre ouverte dans laquelle ils se prononçaient sur le projet du président Ahidjo. Puis, sept jours plus tard, à savoir le 23 juin 1962, ils avaient publié un Manifeste. On peut y lire ce qui suit :

«…L’unité nationale telle qu’elle est définie par certains, est un mythe, et ce mythe frise l’utopie. Si réellement nous sommes animés par les uns et les autres du désir d’unité, on n’emploierait un autre langage que celui auquel nous habitue Radio Yaoundé et les officiels (…)Tantôt on nous traite de « politicards attardés et ambitieux » et tantôt on nous traite de « politiciens dépassés », quand on ne nous traite pas de « menteurs et de démagogues » (…) Qu’on nous permette de préciser que non seulement nous ne méritons pas ces épithètes, mais encore que nous ne sommes que des Camerounais comme les autres, et qui plus est, nous ne voulons que vivre notre âge, notre milieu et notre époque. Nous ne sommes donc ni « ambitieux », ni des « attardés », encore moins des « dépassés », des « menteurs » et des « démagogues ». Nous ne voulons non plus être des précoces qui attellent la charnue avant les bœufs. Mais, nous voulons qu’ensemble, avec l’Union Camerounaise et toutes les autres formations politiques, nous puissions d’abord résoudre les problèmes concrets qui se posent à notre pays commun, comme à tous les autres pays sous-développés … »1.

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André-Marie Mbida

André-Marie Mbida, le second Camerounais député à l’Assemblée Nationale Française à Paris et premier Premier ministre – 15 mai 1957-16 février 1958 ― et également tombeur de Louis-Paul Aujoulat, le colon le plus puissant et le plus nuisible du Cameroun, aura marqué son parcours politique par des changements de positions déroutants, au point où ses détracteurs l’avaient qualifié de « girouette politique ». Mais en même temps, tout comme Mayi Matip, il aura été « éteint » politiquement en 1962. Pis encore, son emprisonnement lui aura été fatal, car il en est ressorti aveugle, et n’a plus été en mesure d’entreprendre quoi que ce soit politiquement par la suite, à la différence de Mayi Matip qui était devenu Vice-Président de l’Assemblée.

Le militant BDCiste devenu allié de l’UPC

André-Marie Mbida avait entamé sa carrière politique dans les rangs du Bloc Démocratique Camerounais, BDC, parti anti-indépendantiste créé en 1951 par Louis-Paul Aujoulat, un colon plus

que puissant et plus que nuisible arrivé au Cameroun à la fin des années 1930. André-Ma-rie Mbida faisait ainsi parti des « intellectuels du BDC ». Leurs adversaires les qualifiaient «d’intellectuels de la Bande De Cons », car le BDC était qualifié de «Bande De Cons ». Il s’était fait élire sous cette bannière anti-indépendantiste à l’Assemblée Territoriale du Cameroun, ATCAM, au mois de mars 1952. Quelques mois plus tard, conformément à cette appartenance politique, il avait signé la protestation initiée par le haut-commissaire André Soucadaux et le Président de l’ATCAM Louis-Paul Aujoulat, adressée, le 24 octobre 1952, au Secrétaire général des Nations Unies qui venait d’autoriser une audition de Ruben Um Nyobè devant le Conseil de Tutelle, afin qu’il puisse exposer les vues de l’UPC sur l’indépendance du Cameroun.

Mais, contre toute attente, deux années plus tard, à savoir en 1954, il rompt avec la « Bande De Cons », et crée une structure autonome : le Comité de Coordination du Cameroun, COCOCAM. Autrement dit, il rompt avec l’hostilité tous azimuts à l’indépendance du Cameroun qui était le fondement politique du BDC.

Ce sera le début d’une activité intense aux côtés du nationalisme camerounais, au point où, à l’occasion du scrutin du 2 janvier 1956 pour l’élection des députés à l’Assemblée Nationale Française à Paris, il battra campagne en reprenant les thèmes de l’UPC, à savoir, un discours axé sur la réunification et l’indépendance du Cameroun. Il réussira ainsi à recueillir un grand nombre de voix de patriotes camerounais, qui découvraient subitement en lui un allié inattendu, et terrassera son mentor Louis-Paul Aujoulat. Cette défaite sonnera le glas politique de ce dernier au Cameroun. Onze mois plus tard, lors du scrutin du 23 décembre 1956 pour l’ATCAM, il est également élu, dans la foulée, aisément.

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André-Marie Mbida renoue avec l’UPC.

Au mois de janvier 1959, il avait quitté le Cameroun et s’était exilé en Guinée. Il y avait rejoint les upécistes qu’il combattait quelque temps auparavant. Au mois de février 1959, il s’était joint à eux lors du débat de l’Assemblée générale de l’O-NU, sur l’indépendance du Cameroun. Au cours du débat, il s’é-tait rallié à leurs thèses, notamment, sur la question d’une amnistie générale et inconditionnelle au Cameroun, tout comme sur l’organisation d’une consultation électorale, sous l’égide de l’ONU, avant la proclamation de l’indépendance.

Malheureusement, la thèse Franco-Ahidjo de la validité de l’Assemblée élue le 23 décembre 1956 avait triomphé.

Après la session de l’ONU, André-Marie Mbida était retourné à Conakry, en Guinée. Le 13 août 1959, il avait signé avec Félix Moumié et Ernest Ouandié, un communiqué demandant l’organisation d’une table ronde pour ramener la paix au Cameroun. Puis, il avait déclaré à propos de Moumié :

« …Si Moumié était réellement un communiste, ne pensez-vous pas que ce serait une bonne cho-se si moi, catholique pratiquant et anti-communiste notoire, je me rapprochais de lui pour le convertir ou l’empêcher de faire du mal ? Un communiste est in-contestablement un pécheur que vous et moi et tous les catho-liques doivent convertir (…) j’étais tenté d’appeler Moumié (et ses compagnons) une géné-ration de vipères. Mais, par cha-rité chrétienne, j’ai résisté à cet-te tentation… »2

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François Sengat Kouoh : contestataire, ministre, finalement opposant.

Au lendemain de la proclamation de l’indépendance, de nombreux étudiants camerounais en France épris de patriotisme s’étaient retrouvés confrontés à un grand dilemme : fallait-il intégrer l’administration camerounaise, malgré les conditions calamiteuses de l’octroi de l’indépendance au pays, et surtout la personnalité de l’homme qui était le Premier ministre du Cameroun, à savoir Ahmadou Ahidjo, un personnage qui s’était plutôt illustré dans l’opposition cette l’indépendance, ou poursuivre la lutte, depuis l’étranger, jusqu’à l’indépendance « véritable », à savoir, celle qui verrait l’accession au pouvoir d’authentiques nationalistes ?

Mais en même temps, nombreux avaient été les étudiants qui ne se considéraient pas comme concernés par la politique et toutes les batailles qui se livraient à la fin des années 1950, et qui étaient retournés tranquillement au pays, pour participer « à l’œuvre de construction nationale », un des thèmes chers à Ahmadou Ahidjo. C’était le gros lot des « carriéristes » qui ont géré progressivement le Cameroun, au fur et à mesure que les coopérants s’en allaient, tout au long du règne d’Ahmadou Ahidjo, et même bien au-delà.

Pour tout dire, le retour de cette seconde catégorie d’étudiants et leur mise à la disposition d’Ahmadou Ahidjo n’avait nullement été surprenant, dès lors qu’un grand nombre d’entre eux avait même déjà, par le passé, tenté, avec l’aide du Ministère de la France d’Outre-Mer – sans oublier l’inénarrable Louis Paul Aujoulat, le colon à la fois le plus influent et le plus nuisible du Cameroun –, de saborder l’UNEK, Union Nationale des Etudiants du Kamerun, proche du mouvement nationaliste. Nguimbous Nliba et Mimbang Martin, avaient, en 1955, créé un mouvement qu’ils avaient dénommé « Groupement Universitaire Camerounais », en abrégé GUC, et qui se voulait « apolitique »3. Adalbert Owona, Owona Vincent, Benoît Essougou, Atangana Engelbert, avaient, à leur tour, créé en 1958 le Rassemblement des Etudiants Camerounais, REC4, sans parler de Georges Ngango qui avait été exclu de l’UNEK en 1966, pour avoir également tenté de paralyser cette association5.

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