DELIKATESSEN, UN BOUT DE L'AFRIQUE DANS UN ROMAN !
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La lecture d’un roman est quelque chose de fascinant, de sexy et de rajeunissant. Elle devient objet d’excitation lorsque l’auteur réussit à transporter le lecteur dans l’espace et le temps et à lui faire porter le manteau de l’héroïne ou du héro pour vivre l’histoire à sa place, ressentir les mêmes frissons que le personnage auquel elle/il s’identifie tout au long du récit.

L’auteur Théo ANANISSOH nous impose notre propre miroir dans son tout dernier roman « DELIKATESSEN » paru aux éditions Guillemard.

Le temps, présent de l’indicatif, « insistamment » utilisé tient la place d’un martèlement. Comme si l’on te donnait des coups de marteau sur ton crâne têtu afin qu’il comprenne qu’il est question de ton histoire. Ou du moins, de celle de nombreux congénères. L’histoire d’une époque si présente dans une société où le Droit d’exister peut dépendre de quelques Hommes du pouvoir au gré de leurs humeurs.

Les rapports de force entre hommes et femmes quant à eux sont des plus malsains possibles. Ici, la femme, quel que soit son rang social est surtout et désormais un objet. Celui de toutes les convoitises.

Elle n’a droit à aucun respect tant qu’elle ne porte pas le très « distingué » titre de « madame tel ».

Les faux bourgeois, pour la plupart de self-made et des arrivistes qui, par la magie du hasard, se sont retrouvées au cœur du pouvoir, usent et en abusent à volonté.

L’histoire narrée pousse cependant à porter un regard sans complaisance, indécent à la limite, interrogateur et virulent sur notre propre société. Une sorte de reflet rétroviseur.

Dans un alignement des mots si soft qui tromperaient un naïf mais donc la profondeur essouffle, elle expose in fine la corruption, la mal gouvernance, l’abus du pouvoir, la légèreté des mœurs, la promiscuité ; un excellent cocktail qui se savoure sans modération dans « l’establishment ».

Comme une patrouille de police qui t’interpelle à un contrôle, il y a en même temps cet agent qui te questionne pendant que l’autre te sourit. La finesse et la subtile dureté avec laquelle est écrit DELIKATESSEN fait que l’histoire racontée par l’auteur se transposerait volontiers dans n’importe quel autre état francophone d’Afrique sans fâcher personne car elle épouserait malicieusement le nouvel environnement.

Il suffirait alors de changer les noms des héroïnes et héros, des rues et hôtels pour se retrouver au Kamerun, au Gabon, en Côte d’Ivoire, au Mali…et constater que le but des dirigeants de ces pays à nous créer des républiques jumelles a royalement été atteint.

Théo nous offre un vrai délice sociologique et expose graduellement les relents de la culture de domination, d’intimidation, de chantage malheureusement fabriquée à l’aube de la décolonisation qui se juxtapose dans la plupart des sociétés contemporaines africaines et spécifiquement celles d’expression officielle française.

Mais au-delà de tout cela, il y a pourtant l’amour. Sur un coup de tête ou de cœur, il est là, lamentablement malmené mais il survit.

Il se dispute entre une jeunesse prolétaire ou celle contrainte à l’exil et des hommes qui n’ont de décent, que leur « rang » social, l’achat des consciences, l’argent et la collection de femmes pour leurs villa-musées.

Cet amour qui a conduit Enéas malgré lui, dans les bras d’Apolline le soir même qu’elle le repêche perdu dans ses déboires.

Celui pour lequel, Sonia préfère se déshabiller devant des inconnus pour crier son ras-le-bol au harcèlement du haut commis de l’état Acka, médusé, pour qu’il lui foute la paix. Dans mon Kamerun natal, on parlera du chef bandit qui meurt dans son propre film.

Combien de jeunes femmes ont encore le courage de Sonia, à refuser tout l’or qu’offrirait un courtisan et homme de pouvoir dans nos sociétés apprivoisées par la vie facile ?

La beauté d’un roman voudrais-je dire, réside dans sa capacité à captiver le lecteur dès la 5e page.

Cette beauté, DELIKATESSEN l’a. Elle est couchée sur 186 pages dont le son mélodieux des mots te percute, hypnotise en te rendant subitement addicte. Chaque phrase te pousse à découvrir la prochaine intrigue et cela, page après page, sans jamais te permettre de volontairement vous arrêter.

Et finalement, le lecteur qui reste sur sa soif. Ressent le goût de l’inachevé en lisant la dernière phrase de ce savoureux roman qui se lit comme on mange des popcorns devant un film fascinant. On se rend compte d’avoir fini lorsqu’on découvre qu’’il n’y a plus de page suivante alors qu’on espère trouver une dernière après la 4e de couverture.

Enéas a choisi Apolline mais, c’est quoi le projet désormais pour Sonia ? Bah, trop tard, elle va gérer !

C’est ainsi que la réalité nous rattrape. Le lecteur peut continuer le rêve, imaginant Théo assis dans sa bibliothèque, alignant de nouveaux mots qui donnent la promesse d’un autre fabuleux roman tel qu’il en a le secret.

Personnellement, je l’aurais intitulé « PIF = Pouvoir, Ivresse et Froufrous »

Mais le titre est aussi DELIKAT que son contenu. Tout ce qu’il me reste à faire, c’est d’encourager chacun de vous qui lirez cette note à vous procurer, lire et faire lire cette œuvre que j’espère retrouver un jour dans les programmes scolaires africains.

Notre littérature est vivante, nourrissons-la et nos enfants ne référencieront plus comme nous des Zola mais des ANANISSOH !

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