Le bien commun et la politique tribale au Cameroun: à  propos de Niat le Boulou
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Le bien commun et la politique tribale au Cameroun: à  propos de Niat le Boulou :: CAMEROON

Il est intéressant de noter que Patrice Nganang, qui semble trop obsédé par la politique tribale, a qualifié le président du sénat, Marcel Niat Njifenji, de «Boulou». En pratique, selon Nganang, le pouvoir est par essence quasiment tribal au Cameroun. Ainsi, il n'y a pas d'autre forme de contrat social en dehors des allégeances tribales qui naturalisent un système patrimonial de patronage et de clientélisme, où seules les personnes qui ont prêté allégeance au roi tribal, Paul Biya, sont autorisées à siéger à la mangeoire. En ce sens, les Camerounais ordinaires qui veulent manger doivent être soumis à Paul Biya. Toujours suivant cette logique, comme pour Marcel Niat Njifenji, la plupart des camerounais qui servent Paul Biya deviennent des tribalistes par nécessité. Ils développent ces comportements tribaux comme un mécanisme d'adaptation, comme des compétences de survie nécessaires pour exceller dans une société tribale qu’est le Cameroun.

Ainsi, il n'y a pas de politique sans rechercher l'approbation et la validation du chef de tribu au Cameroun, transformant le pays en un culte où aucune critique du chef n'est tolérée. Dans ce processus, Nganang délégitimise la politique déclarée de «l’équilibre régional», acté dans le fonctionnement des institutions et en vigueur dans le pays, une politique visant à une répartition égalitaire des ressources parmi les diverses ethnies du pays. En tant que tel, les Camerounais ordinaires n'ont d'autres formes de légitimité que de vendre leurs âmes au diable, par conséquent, aucune possibilité d'entrer dans une logique de contribution.

À ces propos, les organisations de défense des droits humains, telles que le CL2P, qui ont travaillé sans relâche avec d'autres pour la libération du Dr Nganang du cachot de Biya, ne peuvent s'empêcher d'être troublées par son obsession tribale.

Le CL2P est une organisation internationale multiraciale et multiethnique de défense des droits humains et qui ne soutient pas le régime de Biya, mais condamne la manipulation obsessionnelle et paranoïaque de la politique tribale qui, en fait, rabaisse tous les Camerounais. Ce genre d'attitude fait le jeu des tribalistes et de Biya qui ont passé 35 ans au pouvoir en infantilisant les Camerounais ordinaires comme des enfants masochistes incapables d'un égoïsme éclairé, soutenant un régime tyrannique seulement à cause d'une peur existentielle inconsciente de la mort, et l'espoir de recevoir un jour de maigres miette du régime. En somme, des individus incapables de comprendre les politiques de l'inégalité quand celle-ci les frappent au visage et de plein fouet.

Donc, en jouant dans ce genre de politique tribale, Nganang par inadvertance dénigre, non seulement Niat, mais en fait tous les Camerounais, et élimine les questions de fond qui importent le plus aux Camerounais ordinaires. Il questionne l'intelligence et les motivations de la grande majorité des Camerounais et des organisations comme le CL2P. Et il s'aligne idéologiquement sur un régime qu'il prétend combattre et qui était assez stupide pour en faire un martyr et lui offrir une tribune internationale. Si cela ne fait pas de lui un allié du RDPC et de la politique tribale de Biya, je ne sais pas ce qu'il en serait alors qu'en fait il plaide pour l'autonomisation de l'Etat contre les institutions de la société civile à travers la politique tribale. En effet, la politique tribale tend à renforcer l'État comme l’a démontré les travaux des intellectuels comme Jean-François Bayart. Mais quoi qu'il en soit, cela ne peut pas être bien pire que ce que Patrice Nganang a déjà dit et fait, notamment depuis sa libération médiatisée du mouroir carcéral de Kodengui.

Le CL2P a une longue liste de prisonniers politiques qui ne correspondent pas à la définition de la politique tribale de Nganang.

Si nous suivons la logique de Nganang, il n’y aurait aucun prisonnier politique Boulou. Mais le fait est qu'il y en a beaucoup dans les prisons de Biya. Dans la même veine, pourquoi des gens qui étaient déjà des grands commis accomplis de l'État avant l’avènement du régime de Biya, tels que Pierre Désire Engo, ou des hommes d'affaires prospères d'une famille puissante et financeur du RDPC, comme Yves Michel Fotso, étaient ou sont actuellement en prison? Pourquoi diantre une organisation des droits de l'homme telle que le CL2P voudrait-elle être l'esclave du régime de Biya?

Il est important de reconnaître que Nganang n'a pas inventé la politique tribale au Cameroun. Cependant, il devient le symptôme pathologique d'une politique cynique dans laquelle nous perdrons tous, si le contrat social, qui est la base de ce pays, est conduit par le tribalisme. Nous allons continuer à être moins bien lotis que nous l'avons déjà été au cours des 35 dernières années.

Le CL2P croit qu'il y a un bien commun, et si le discours tribal actuel peut au moins aider à une chose, c'est d'engager une discussion franche et directe sur la possibilité de rétablir un sentiment de bien commun au Cameroun.

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