Crise anglophone : Fon Mukete tacle Paul Biya
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Le doyen des sénateurs déplore la gestion de cette crise par le pouvoir de Yaoundé et se prononce en faveur du fédéralisme.

La sortie de Victor Fon Mukete s’apparente à une pierre dans le jardin, tant ce dignitaire est l’un des rares du régime à critiquer ainsi ouvertement la politique du gouvernement sur la crise sociopolitique qui secoue les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis  fin 2016. Dans un article à paraitre dans le journal Jeune Afrique du 18 au 24 février, le chef traditionnel originaire de Kumba dans le Sud-Ouest, Fon Victor Mukete Esemingsongo, explique que l’enlisement que connait la crise anglophone aurait pu être évité « si l’on s’était abstenu d’emprisonner des leaders modérés qui n’avaient en définitive que des revendications sociales. Si l’on s’était abstenu aussi de brider la parole des protagonistes des deux camps, celui des modérés comme celui des sécessionnistes ».

En janvier 2017 en effet, le gouvernement fait arrêter les leaders du mouvement de contestation anglophone et quelques mois plus tard, lance un mandat d’arrêt international contre ceux qui l’animent depuis l’étranger. Mais fin août, plusieurs leaders et manifestants sont libérés sans être jugés, sans que la crise ait connue une accalmie. Pour celui qui fêtera ses 100 ans en novembre prochain, « on aurait pu trouver des solutions avant que les choses ne dérapent », rapporte Jeune Afrique. Sénateur nommé par le président Paul Biya en 2013 sous la bannière du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) au pouvoir, Fon Victor Mukete marque sa distance avec la politique du gouvernement sur le sujet et révèle sa sympathie pour le mouvement de contestation : « à peine 10 anglophones sur les 60 membres du gouvernement… Nul ne peut prétendre être à l’aise avec ça ! », proteste-t-il contre ce qu’il est convenu d’appeler la «marginalisation des anglophones ».

Il regrette d’ailleurs que cette marginalisation  des anglophones « soit extrême ». Le « sage » en profite pour se prononcer publiquement en faveur du fédéralisme « dès que l’on sera en mesure de le financer » car, « il ne peut y avoir aucune ambiguïté : l’extrême centralisation actuelle est une erreur ». Il est de fait en rupture de ban avec le discours officiel qui martèle que la forme actuelle de l’Etat n’est pas négociable.

Au passage, celui qui est par ailleurs Président du conseil d’administration (Pca) de la société de téléphonie parapublique Camtel, révèle un peu de sa relation avec le président Paul Biya. Ce dernier aurait le chef supérieur des Bafaw (une tribu du Sud-Ouest) en estime car, il le considère comme « un sage capable d’indiquer les chemins de sortie de crise ». Mais le sénateur pointe l’inaccessibilité du locataire du palais d’Etoudi : « Moi, lui écrire ? Mais qui me dit que cette lettre lui parviendrait ? Ahidjo était plus accessible. A chacun sa méthode ».

L’amertume ressentie par cette figure respectée ne lui fait cependant pas regretter d’avoir voté pour la Réunification en 1960 : « Toutes ces tensions lui font-elles regretter de s’être prononcé contre l’intégration au Nigeria dans les années 1960 ? Certainement pas, tranche-t-il. Si c’était à refaire, il recommencerait », rapporte Jeune Afrique. Le doyen des sénateurs est en effet l’une des rares figures encore vivantes de ce moment de l’histoire du Cameroun ; lui qui a été « membre de la Chambre fédérale des représentants et ministre d’un gouvernement fédéral nigérian ».

Par cette prise de position, Victor Mukete devient - officiellement - l’un des défenseurs de la ligne modérée au sein du pouvoir. En effet, certaines personnalités de haut rang se sont déjà prononcées contre le politique répressive du gouvernement prônée par une aile dure. C’est le cas de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République, David Abouem à Tchoyi qui en janvier 2017, tirait la sonnette d’alarme en expliquant que si le gouvernement avait été en mesure de discuter avec Boko Haram pour la libération d’otages, il devrait discuter avec « tous les compatriotes qui en ressentent le besoin pour libérer le Cameroun des menaces à la paix ».

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