Cameroun: QUELLE CANDIDATURE FAUDRAIT-IL AU CAMEROUN POUR LES PRéSIDENTIELLES DE 2018?
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Cameroun: QUELLE CANDIDATURE FAUDRAIT-IL AU CAMEROUN POUR LES PRéSIDENTIELLES DE 2018? :: CAMEROON

Cette interrogation pourrait surprendre ou agacer ceux qui -non pour des raisons mais pour des considérations personnelles - ne se posent plus aucune question, préoccupés qu'ils sont de réciter invariablement des déclarations invariables en guise de réponses aux questions qu'ils n'osent pas se poser.  

Le fait de s'interpeller sur le profil du futur Président de la République du Camerounrevient cependant à s'émanciper de l'existant pour s'interrogerà la foissur l'itinéraire à venir du Cameroun, etsur le type de Camerounais (e)qui se devra construire tout au long dunouveau parcours civique ainsi préconisé.Bien que le Triangle national soitpar nature une incontestable valeurde profonde inspiration civique, il ne nous souvient pas qu'en dehors de quelques velléités sectorielles orientées et ponctuelles, les Camerounais se soient jamais collectivement donné la chance d'ouvrir unchantier civiqueaussi porteur d'avenir.

TRIANGLE NATIONAL ET INSPIRATION CIVIQUE
La carte du Cameroun représente une figure géométrique qui fait symboliquement désignernotre pays  sous l'appellation imagée de ''Triangle national''. Sa forme fait présumer que le Cameroun reposesur trois socles, ou qu'il devrait reposer sur trois piliers, si stables que le pays en devienne invulnérable et mêmeinexpugnable. Dans leurs innombrables discours publics, les princes gouvernants ne se privent donc jamais d'envolées oratoires sur la stabilité d'un Cameroun : ils la vantentau superlatif comme un ''havre de paix''exemplaire et convoité dans un continentsousgraves turbulences sociales et conflits armés.

Le temps et les évènements successifs de ces dernières années n'ont pas seulement démenti ces discours d'autosatisfaction et d'autoglorification : ils tendent à prouver, hélas, que la stabilité proclamée et la paix claironnée relèvent plus de l'affirmation publicitaire que de l'observation objective : elles n'auront pas été durablement construites.L'analyse révèle en effet que lesfacteurs sur lesquels les gouvernantssuccessifs les ont fait reposerdepuis la veille d'une indépendance elle-même déjà purement nominative - sont plus cosmétiques et circonstanciels qu'essentiels et substantiels.

En effet le 29 décembre 1959 déjà, la veille de la proclamationencadrée de ladite indépendance, Félix Roland Moumié, Ernest Ouandié et Abel Kinguédénonçaientde leur exil de Conakry l'illusion de souveraineté que le Cameroun s'apprêtait à célébrer sous les fourches caudines dela France coloniale–laquelle, pour arriver à ses fins, avait dû se dépasser en manœuvres pour bénéficier de la complicité par démissionmorale des Nations Unies. Cette dénonciation futune mise en gardepuissante. Elle a traversé nosdécennies de démocratie déclamatoire et buissonnière sans prendre la moindre ride. La Bibliothèque du Congrès des États-Unis l'a retenue sous référence 033 C du 8 sept 1961 comme l'écritle plus important des cent dernières années au Cameroun. L'Union des Populations du Cameroun ne s'en plaint pas; maiselle n'en tire pas non plus la moindre gloire exclusive. Bien au contraire, une UPCbien comprise se fait le devoir civique de rappeler à tous les patriotes camerounais que l'invite de 1959 à une veille permanente fait partie intégrante du patrimoine d'éthique politique nationale, et qu'à ce titre elle doit pouvoir inspirer l'ensemble du Triangle national.

C'est qu'au même titre que l'indépendance cosmétique de 1960, la démocratie d'énonciation mérite dénonciation en 2018 comme l'une des formes les plus inqualifiables du machiavélisme.Tout aura en effet fini par révéler à quel point les aspirations les plus légitimes des populations du Cameroun ont été mises entre parenthèses. Et voici plus d'un demi-siècle que durent lesdites parenthèses!Cette mise en morgue pluri décennalese découvre chaque jour comme une irrémédiablemise à mort du destin de plusieurs générations de Camerounais.La misère, chante Aznavour, semble moins pénible au soleil.  Dira-t-on que c'est de soleil qu'aura manqué cette jeunesse africaine qui se déshydrate à corps perdu dans lessables des déserts ou qui se noie dans leseaux tumultueuses de la mer?

Cette jeunesse n'était déjà plus vivante dans son pays de naissance au moment de plonger dans l'inconnu de l'aventure : elle n'avaitdéjà plus rien à attendre d'un système qui lui avaitvolé ses derniers rêves.Le cimetière libyen n'est donc pas leur véritable lieu de décès; les déserts libyens sont simplement l'espace où les morguiersdes organisations internationales récupèrent les dépouilles de nos enfants: le meurtre social, la liquidation économique et politique des enfants d'Afrique en errance s'étaient déjà perpétrés au Cameroun comme ailleurs au sud du Sahara. Il ne serait donc pas exact de prétendre que ces jeunes Africains courent au suicide : au plus intense de leur désespérance et jusqu'au bout de leur course, c'est encore la vie qu'on leur a volée chez eux qu'ils tentent de rattraper dans ces rafiotsde fortune qui, contrairement à la formule qui les désigne, scellentplutôt fatalement leur infortune. Un système qui spolie aussi froidementla jeunesse de son avenir a nécessairement choisi de spolierl'ensemble de la nationde son destin.

Tel nous semble, à quelques rafistolagesconjoncturelset badigeonnages accessoires près,la performancesocioéconomique et politique dont la majorité des Camerounais font lourdement les fraisen cette veille de l'année électorale 2018. Nos chantres de l'inessentiel s'évertuent à détourner l'attention générale par de nouveauxcouplets et refrains de l'inessentiel. Nos comptables de l'accessoire multiplient les adjectifs pour présentercomme réussites des comptesaussi dérisoires que déficitaires. Nos économistes du résiduel exhibent des diagrammes et des statistiquesmanipulés qu'ils tentent de crédibiliser par des adverbes laudatifs dont le dérisoire est précisément trahi par leur caractère excessif.Pour s'être délibérément affirmés comme des ''créatures'', certains de nos cadres universitaires se distinguent comme Intellectuels faussaires, titre sous lequel Pascal Boniface (Paris, 2011 Gawsewitch, 252p)stigmatise''le triomphe médiatique des experts en mensonge''- quilaissent sur leur faim les Camerounais en impatience d'identité nationale et de citoyenneté assumée.Aucun des bilans circonstanciels de nos épiciers et marchands de tapis en procession ne parvient donc plus àdonner le change sur l'inaptitude du système à combler les attentes substantielles despopulations. Tous donnent la preuve qu'on ne gouverne pas un pays à coups de slogans.

Le fétichisme avait, depuis longtemps, affiché ses limites.Les rituels et leurs incantations personnalisées n'ont pas réussi à transformer des limaces en hirondelles. Le Grand Sorcier - dont on a célébré l'omnipuissance, et qui prit grand plaisir à se gausser des ''apprentis sorciers''- n'a pas réussi à faire tomber la pluie annoncée. Il faut donc se résoudre à l'évidence : le fétiche n'a pas fonctionné. Ce n'est  certainement pas de sa faute, le propre des fétiches étant de ne tromper que ceux qui croient aux illusionsauxquelles eux-mêmes ne croient guère. Ce sont donc toujours les fétichistes qui onttort d'attendre d'un papayer qu'il produise des mandarines! Quand un fétiche pêche à ce point par incompétence et minimalisme, le constat d'inopérance inclineà changer non seulement de fétiche, maisde religion. Car si les dieux ont des noms personnels par lesquels on les désigne, la divinité ou la déité est un principe  impersonnel - dont la moindre personnalisation constitue une profanatoire sécularisation. Dans le cas du Triangle national, le fétichisme des Camerounais a, hélas, pris le dessus sur la lucidité et l'efficacité, la défensive sur la créativité. Longévité au pouvoir ayant fait illusion de compétence, les incantations se multiplienten boucle, au nom du refus quasi pathologique de constater que la pluie promise n'est pas tombée, et qu'elle va se faire attendre longtemps.  Une communication de bonne gouvernance aurait déjà demandé aux Camerounais de ranger leurs parapluies, et aux agriculteurs de sécuriser leurs semences pour une meilleure saison.

Mais la multiplication des collines d'ordures et la prolifération des bestioles dont la cité camerounaise est infestée donnent un triste aperçu de ce qui nous tient lieu de gouvernance. Pour l'humoriste Coluche, les métiers d'éboueurs sont des métiers de propreté, tandis que c'est dans la sphère de la politique qu'on trouve le plus d'ordures. Au Cameroun les carences des éboueurs viennent de révéler les incompétences des Décideurs : les ordures ménagères ayant fini par faire corps avec certaines ordures humaines, la Presse camerounaisede cette fin d'année 2017 n'hésite plus à parler d'un ''Pays poubelle!'' (Journal Signatures). Le Cameroun est sale!'', s'exclame le journal L'Anecdote du 21 décembre 2017 dans une titraille plutôt inspirée. Ne pouvant se comprendre ''au propre'' faute précisément de propreté, ce titre ne peut se lirequ'au figuré! Les mouches qu'attirent nos diverses ordures humaines et ménagères auront donc offertà la Pressenationale l'occasion de fairemouche. Au regard de ce qui précède, chacuna son aperçu dece que le candidat de l'avenir ne saurait plus être.Malgré le temps et l'énergie que d'aucuns pourraient encore mettre à s'accrocher et à parasiter nos destins, ce n'est plus une pagede livre qu'il faut tourner : c'est le livremême qu'il faut fermer. 

Nous y arriverons sans hypocrisie si, après avoir rangé nos masques, nous réalisons et convenons que la question n'est plus liée à un individu. Au Cameroun, la candidature aux futures élections présidentiellesn'est plus une question de personne, mais une question d'institution. Au-delà des considérations personnelles, des rituels de routine etdes appétits privés dont le droit peut être reconnu à chacun de nous, il s'agit d'une obligation institutionnelle que chacun de nous se trouve en devoir d'assumer comme interpellation civique.  

CE QU'UN CANDIDAT NE SAURAIT PLUS ETRE …
La configuration triangulaire du Cameroun, ses composantes ethnosociologiques, l'expérience de ses échecs et le recensement de ses carences en matière de gouvernance constituent autant d'ingrédients qui   permettent de définirle programme d'une écolecivique et citoyenneexigeante à laquelle,pour être digne d'intérêt, la moindre ambition pour demain gagne impérativement à s'inscrire.

Au cours de leurs longues décennies d'épreuves, les Camerounais ont souffert de personnages individuels, ethniques et viscéralement régionauxà qui l'on avaitpourtant appris àporterles masquesde l'intérêt général ou nationalpour se jouer des attentes de la communauté nationale en tirant bénéfice de leurs positions de cooptation. Il n'est certes pas un seul pays au monde où ne s'expérimente le jeu des pistons socioprofessionnels ou des cooptations associées à des réseaux aux pratiques plus ou moins recommandables. Mais l'exception camerounaise semblede s'être fait un point de… déshonneur de les institutionnaliser au sein de sa population. A telle enseigne qu'il n'est plus de concours officiel, plus de recrutement, plus d'appel d'offre dont l'opinion ne soit persuadée que tout s'est joué d'avance, la plupart des résultats des concours ou d'appels d'offres étant scellés avant même que les divers candidats n'aient postulé ou composé.L'exception camerounaise  fait publier les résultats du concours d'entrée à notre École Nationale d'Administration et de la Magistrature avec des morts pour Majors!    

Cette tropicalisation du management public a fini par armer la plupart des Camerounais de couteaux et de fourchettes au nom d'unegouvernancegastronomique fondée sur la théorie du ''gâteau national'' : c'est à qui ramènera''au village'' le plus gros morceau du ''gâteau''ou du ''gibier'' national. Les Camerounais auront ainsi été insidieusement formatés pour une gouvernance de prédation. Dans la jungle de cette gouvernance à l'emporte-caisse, la chasse n'a plus ni lieu, ni saison : elle est ouverte en permanence, en tout temps et en tout lieu. Au nom de cette gouvernance cynégétique, le Cameroun n'est plus qu'une proie à chasser, à traquer età dépecer.La machine est si bien conçue et si bien entretenue qu'il est devenu non seulement inutile, mais ridicule, de dénoncer ces travers auprès de ceux qui, en réalité, en ont délibérément fait un choix de vie et un mode de gouvernance. 

L'année 2018 va-t-ellede nouveau nous présenter des chasseurs de primes de jouissance?
Il n'est point de candidature qui n'émane d'une personne. Cependant, tout en étant une personne issue d'une ethnie, le candidat espéré ne saurait plus êtrepersonnel, encore moins ethnique. Si d'aventureil est issu de l'une des formations politiques pléthoriques du Cameroun, ou s'il est présenté par plusieurs  d'entre eux, le candidat de l'avenir ne saurait plus s'afficherpartisan. La pléthore des partis politiques est le piège administratif dans lequel se sont engouffrés des naïfs - sans doute aveuglés par des égos mal contrôlés, ou par la fascination puérile de s'entendre appeler ''Président''. Car la scène politique du Triangle national apparaît comme une véritable usine à présidents…Le plus difficile n'étant pas de trouver un timbre fiscal et de se faire fabriquer un cachet, ces partis n'ont d'existencepolitique que leur récépissé administratif de déclaration. La dispersion des énergies sur fonds de prétentions à diriger les autres a ainsi abouti au ridicule des partis inaptes à remplir une simple cabine téléphonique.L'important n'aura été ni une vision, ni une mobilisation conséquente, mais le nom de la personne affublée du titre de ''président''.

L'année électorale 2018 se passera sans ménagement de candidats individuels et unipersonnels. Comme personne non personnelle, et comme individu non individuel, le candidat de l'avenir aura convaincu de ses aptitudes à sortir du partisanisme pour s'élever au patriotisme. Il aura convaincuden'avoir pour ressort de militantisme que le Triangle national danssalégitime exigence d'inclusion. Le bouquet d'aspirations citoyennes qu'il saura incarner ne sera plus une plate somme arithmétique de ses parties, ou une contiguïté linéaire de ses composantes, mais un pôle de convergenceet de continuité dans lequel la pluralité se reconnaîtra au nom du patriotisme, sa lame de fonds. C'est comme la résultante de plusieurs visions partisanes fédérées en une coalition patriotique, que le candidat de l'avenir sera triangulaire ou ne sera pas.

UN CANDIDAT TRIANGULAIRE    
Dans un contexte autre, Herbert Marcuse a magistralement défini et présentél'Homme unidimensionnel.  En contexte camerounais, le candidat triangulaire se définit commepluridimensionnelau plan humain. Au plan des compétences et en vue des exigences de performances managériales, le candidat triangulaire est polyvalent. Non point qu'il doive réunir tout seul toutes les compétences de tous les secteurs de la vie nationale! Mais au regard du contexte camerounaisil importe qu'il soit d'une ouverture et d'une réceptivité plurielles. D'entrée de jeu,il devra êtreun fleuron du biculturalisme officiel dont le bilinguisme constitue la manifestation la plus spontanée.

Les Camerounais n'ont que trop longtemps souffert du décalage communicationnel qui leur est infligé par la traduction différée des messages d'État, des déclarations publiques ou des instructions administratives. De ce point de vue, il est aussi instructif et significatif que l'une des  mèches allumées dans la crise abusivement dite ''anglophone'' soit l'inexistence de la version en langue anglaise d'un important texte de loi appliqué sur l'ensemble du Triangle national.

Dans le monde, le Canada et le Cameroun tirent fierté de leur bilinguisme officiel. Au Canada, il n'est pas d'allocution du Premier Ministre qui ne soit systématiquement bilingue, avec une partie en anglais et l'autre en français. Même au cours d'une visite d'État dans un pays exclusivement anglophone comme les États-Unis, le Premier Ministre canadien honore cette exigence de bilinguisme en s'exprimant dans les deux langues officielles de son pays. Cela signifie qu'il parle à ses concitoyens  et qu'il n'y a pas de Canadiens à part entière et de Canadiens à part. Tous suivent en temps réel les allocutions publiques de leur dirigeant dans l'une et l'autre langue, indifféremment, loin de ce différécommunicationnel qui frustre profondément une partie des Camerounais, au point de leur laisser l'inconfortable sensationd'être objectivement exclus des préoccupations nationales. Cette communication d'État à deux vitesses révèle des décalages institutionnelsgravement préjudiciables à l'inclusion nationale;elle trahitune sournoiserie politique héritée de la colonisation : l'institutionnalisation,au Cameroun de citoyens décalés, de citoyens de seconde zone qui doivent, eux,toujours attendre que les citoyens première classe (se) soient servis.  L'attente et les efforts de rattrapage  étant le lot des mêmes, l'assimilation apparaît comme le complot social qui sous-tend la dynamique globale. 

Il en découle presque naturellement que le candidat triangulaire doit s'exprimer indifféremment dans l'une et l'autre de nos deux langues officielles, pour qu'il n'y ait plus besoin de traduction décalée et, surtout, afin que l'incitation au bilinguisme s'érige enfin en une obligation citoyenne personnelle, pour opérationnaliser les velléités administratives exprimées par la Commission en charge du multiculturalisme et du bilinguisme au Cameroun. Le candidat triangulaire se fera ainsi distinguer par uneidentitéde bilingue, son bilinguisme étant une carte majeure pour la visibilité du Cameroun et l'audibilité des questions nationales à porter sur la scène internationale. Sa visibilité internationale est donc de mise, sinon de rigueur.

Ce critère est nécessaire, mais certes pas suffisant. Le candidat triangulaire doit être porteur du fonds multiculturel du Triangle national. L'histoire politique du Cameroun enseigne que c'est pour avoir évalué, pratiqué et assuméle fonds multiculturel nationalque Ruben Um Nyobe s'est distingué comme porte-voixde l'ensemble du peuple camerounais aux Nations Unies. A cette époque, l'accent n'était pas encore mis de manière sectorielle sur la langue; la bataille, englobante, intégrait toute la culture, incluait toute la vie et portait sur le destin global des Camerounais des deux rives du Mungo. C'est pour s'être reconnus dans le triangulisme national que les patriotes indépendantistes n'avaient hésité ni à se déployer dans lesdiverses régions du Camerounni à chercherrefugeet protection dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest camerounais pour échapper à la traque et à la persécution coloniales.

Si l'angle premier était la réunification immédiate, l'angle secondfut l'indépendance d'un Cameroun réunifié, et l'angle troisième l'amélioration du standard de vie des Camerounais. C'est donc bien un mandatairetriangulaire que le peuple du Triangle nationalavait désigné comme porte-parole à la tribune des Nations Unies.Au regarddu chiffre rituel de trois (3) dont le multiple, neuf (9) consacre la plénitude et l'achèvement dans l'Afrique culturelle, la culture MbogLiaa dont Um Nyobe s'est nourri sait de sage expérience qu'une marmite sur un foyer à trois pieds jamais ne se renverse (''Mbèèmutgama'a i kôp bé ''). Par sa capacité de conjonction et de convergence, le triangulismeculturel se distingue comme gage d'une stabilité managériale construite sur des options pensées pour la durabilité.

Cet héritageculturel triangulaire, nous le nommerons ''upécisme'', sans crainte de frustrer les Camerounais de bonne foi,mais par reconnaissance légitime à l'Union des Populations du Cameroun. L'UPC s'était en effet donné la vocation de conduireles populations du Camerounet de les élever au statut depeuplecamerounais - dont l'identité soit de loin supérieure à cette fierté artificielle, circonstancielle et de commande dont on se gargarise au cours d'événements de divertissement et de diversion. Ces moments permissifs - si bien connus des potentats de la Rome antique (du pain et des jeux), et si rigoureusement dénoncés par Frantz Fanon dans Les Damnés de la terre- ne sont propres qu'à servir d'exutoire, pour canaliser le trop plein d'amertume d'une population spoliée de sa dignité, de son quotidien et de son destin. Alors, jetant un peu de lest, le Prince du moment offre à la foule l'occasion de se défouler.

Il se trouve cependant que notre ''agriculture de seconde génération'' n'a pas pu devenir une agriculture de seconde germination. Le Cameroun offredonc de moins en moins de pain, mais de plus en plus de jeux et donc de plus en plus de diversion. Il n'y manque même plus les jeux de hasard - dont  la dangerosité socio financière est de siphonner les dernières pièces de la petite épargne nationale, et de dégraderle Cameroun en un Casino à ciel ouvert. C'est le hasard qui,désormais, gère les ambitions des Camerounais dont la majorité végèteet trime sousasphyxie financière. Faute d'avoir su concevoir et organiser une société de compétition où seule la compétence décide de l'avenir, les dirigeants de ces dernières décennies ont laissé prospérer une société à tohubohu où les intelligences, renonçant à forger leur propre destin, s'en remettent aux caprices du Sort- la plus plate expression de ces caprices aléatoires étant la sacro-sainte et quasi divine''nomination''! C'est pour cela qu'au plus fort des jeux parcimonieusement poudrés de mie de pain, les Camerounais gardent au tréfonds de leur intimité la douloureuse conviction d'être cyniquement roulés dans la farine!

Telle est l'impasse sociopolitique que l'UPC s'était donné la mission historique d'éviter ou, à l'occasion, de combattre. L'UPC n'a pas réussi à en faire sauter le verrou, à la différence d'autresmouvements indépendantistes qui, eux, ont accédé à la gestion des indépendances qu'ils avaient conquises de haute lutte. Explication n'est certes pas justification; mais au Cameroun, la puissance coloniale avait, dans un héroïsme tout à fait colonial,choisi de décimer les héros de l'indépendantisme pour ne livrer l'indépendance qu'à ceux qui l'avaient combattue de toutes leurs forces. Il en est sorti un État invertébré dont la survie et la longévité s'évaluent encore à la capacité de soumission et de reptilisme de ses gérants. Il est donc loisible de constater que le Cameroun depuis longtemps en géranceattend de passer en gouvernance!  

Dans une certaine mesure, et toutes proportions gardées, on peut considérer que l'UPC a accompli sa vocation politique. La poursuite héroïque et une certaine réussite de son combat se mesurent à sa tenace résilience, l'UPC ayant dû, ayant su et ayant pu braver et surmonter plus d'une agression pour survivre, soixante-dix ans après ses sanglantes et successives décapitations. Quant au programme socialpar lequel l'Union des populations du Cameroun se propose toujours dedonner corps à son idéalpour enfinmatérialiser sa vocation politique, chacun peut lucidement convenir que le moment est venu pour l'UPC de donner toutes ses chances à l'upécisme.

L'UPECISME ?
L'upécisme est une culture politique fondatrice d'un engagement citoyen et patriotique qui revendique une identité de convivialité nourrie d'altérité, de partage et de tolérance.Il se manifeste par la capacité de concevoir, de reconnaître ou de gérer la complexité que la présence d'autrui inspire de manière nécessairement inédite. C'est autant d'exigences inhérentes au concept d'union qu'on trouve dans la dénomination de l'UPC: car sile rassemblement-où certains plafonnent - ne parvient pas à rapprocher au-delà de l'hétéroclite, l'union, elle, dépasse l'hétéroclite par des passerelles qu'elle entend jeteret entretenir entre les facteurs rassemblés.

L'upécisme mérite donc valorisation et consolidation pour une raison majeure : si importante est la charge d'ouverture de ce patrimoineque nul ne peut et ne devrait (tenter de) le réduire à une seule et unique formation politique. Pas même au parti historique dont l'upécisme tire son nom. L'UPC a certes eu le mérite de donner le jour à l'upécisme; mais aujourd'hui, l'upécisme déborde les contours humains, organisationnels et logistiques de l'UPC. Si grande en effet nous semble sa puissance d'irradiation qu'elle fait échecà toute velléité de destruction par ses adversaires, comme aux velléités de confiscation partisane des upécistes eux-mêmes. La moindre tentation d'enfermer l'upécisme dans l'UPC se rendrait donc coupable deréductionnisme et d'accaparement, tous synonymes de confiscation et d'exclusion. Car au regard des menaces de dislocation dont le Triangle national est la cible, il s'agit de dépasser le simple rassemblement au nom de l'union les populations du Cameroun, en 2018 bien mieux encore qu'en 1948!

L'upécisme assume ainsi une politique de la complexité qui, elle-même, exige l'avènement d'une gouvernance de la complexité. Il ne s'agit naturellementpas de cettecomplexité d'embarras qui naît des actes contraires à l'éthique, et dont la conséquence est de mettre leurs auteurs en délicatesse avec les lois et la morale. Il s'agit plutôt de la culture de la complexité dont l'étude a donné le jour à unethéorie de la pensée complexe. Sa tradition ferait remonter les savants à certains développements de Platon, aux Existentialistes, à la Psychosociologie des Kurt Lewin et aux analyses des Michel Maffesoli. Nous devons à Edgar Morinsa formulation la plus récente et son élaboration la plus achevée. 

Mais en dehors de ces références livresques,savantes, et au demeurantlointaines, c'est dans l'Afrique culturelle même que nous puisonsprioritairement la pertinence, la nécessité et l'urgence d'unegouvernance de la complexité. Dans l'Afrique culturelle en effet, le cercle figure la structure sociale la plus accomplie; la circulation et la circularité fondent la gouvernance des communautés dans un souci d'équité qui exige que toutes les parties en conflit se retrouvent dans le cercle du consensus au plus fort des crises sociopolitiques que les communautés subissent. Cette équité relative des délibérations intègre les uns et les autres, leur donne voix au chapitre par reconnaissance de leur droit de cité. La gouvernance de la complexité à l'africaine responsabilise et fait de tout individu un citoyen dont les droits soient pris en compte. La complétude et l'achèvement du cercle la représente dans une Afrique culturelle assumée, où l'équitéfonde et nourritl'équilatéral du triangle social que sécurisele cercle du consensus. Nous tenons là  autant devaleurs sociopolitiques et culturelles dont l'Afrique pourrait inspirer bien des peuples du monde.

La gouvernance de la complexité qu'inspire la gestion du Triangle national s'ouvredonc par la nécessité reconnue d'identifier, de classifier et d'aménager des passerelles sociales comme autant de ruisseaux existentiels et professionnels qui affluent et se rejoignent dans le fleuve de la vie nationale. On y reconnaît que les fleuves sont redevables aux ruisseaux. L'on y assume que le pouvoir est une relation humaine de reconnaissance, et partant une relation d'interdépendance dans le service et par le service.Pour l'upécisme qui s'en inspire, l'objectif estde constituer un corps social à partir d'une identité nationale que chacun se sera appropriée comme une volonté individuelle de convergence,soucieuse de gestion équitable des différences dûment identifiées et reconnues. Pour le moment, cette identité demeureune valeur à conquériret à construire au Cameroun; mais c'est sa conquête et son élaboration qui feront du Camerounais un être triangulaire, un être équilatéral de par sa volonté d'équité et d'équilibre social, au nom d'une stabilité dynamique productive, propre à améliorer les conditions de vie collectives à partir du standard de vie individuel.

De ce point de vue, les cloisonnementspartisans ne devraient plus s'ériger en barricades opposables au triangulisme national. A la rigueur, ils pourraient fonctionner comme des balises indicatives d'orientation vers des galeries et des sentiers où des citoyens puissent circuler les uns vers les autres, ou les uns à côté des autres,mais tous pour, ou vers un pouvoir de vie circulatoire inspiré et encadré par une gouvernance triangulaire nourrie d'upécisme.

Pendant trop longtemps, nous avons été définis en notre absence. Il n'est pourtant point d'identité attribuée, et il n'est point d'identité d'emprunt qui vaille une identité conquise par soi-même. C'est toute la problématique de l'autodétermination à laquelle aucun peuple ne se dérobe impunément dans le monde. Car tout peuple qui se laisse déterminer par d'autresse condamne au larbinisme de la prédétermination, reflet sans gloire du fatalisme de la prédestination. La vie des peuples ne conçoit pas de souveraineté par procuration.

Mais pour nous être soumis comme produits usinés par d'autres au bénéfice des destins des autres, nous percevons de plus en plus le statut de rebus que les autres nous assignent au premier virage d'un itinéraire dont le tracé nous reste inconnu.La carte de notre destin nous échappe pour avoir été dessinée par d'autres que nous. L'une des preuves courante en est que nous sommes encore appauvris par une exploitation coloniale et multinationale sans état d'âme; mais quoique dépouillés de nos richesses, c'est encore vers nos prédateurs que nous nous tournons pour sécuriser le peu qu'ils nous laissent glaner.  Paradoxalement, ceux qui nous appauvrissent sont encore les seuls à plaiderla cause de notre pauvreté, à notre place!  Nous nous serons ainsi laissé dépouiller de la pauvreté même qu'ils nous ont infligée! Un triangulisme politique assumé parun candidat triangulaire seraitassurément à même de redessiner les contours d'un destin national dont les nationaux soient à la fois les acteurs et les destinataires. 
Il s'agit d'inventer le possible.

INVENTER LE POSSIBLE
A tort ou à raison, et tout idéalisme pondéré, nous croyons encore possible qu'une fois débarrassés des calculs, des mines et des chorales de circonstance dont leur quotidien a été infesté, les Camerounais se construiront enfin une identité nationale qui les redéfinisse, et où ils se reconnaissent par leurs propres actions patriotiques comme destinataires de leur destin. 

Dans un monde devenu multipolaire, ceux qui avaient conçu la mondialisation comme stratégie pour l'occidentalisation du monde ajustent leurs approches et se recyclent dans le multilatéralisme. Seule l'Afrique abusivement baptisée''francophone''semble se complairesous la férule d'un colonialisme monopolistique qui lui a inspiré le dirigisme social et managérial propre au césarisme et au jacobinisme  qui le caractérisent.Au Cameroun, le centralisme outrancier d'État est inspiré de cette culture césariste et jacobiniste. Il a fini par émousser les enthousiasmes, exaspérer les patiences et révolter les soumissions, toutes postures qui rappellent que le Mont-Cameroun reste un volcan dont le réveil ne serait à l'avantage d'aucune fille ni d'aucun fils du Cameroun. 

Il y a donc urgence à trouveren interne, en écho justifié aux tendances d'ouverture du monde, une formule pluraliste triangulaire et un module multiculturaliste national qui, dans l'esprit de l'upécisme et non plus de césarisme, redessinent les sentiers de la concertation et des concessions, pour une convivialitééquitable,voulue et pensée pour une stabilité toute équilatérale du Triangle national. Hors de cette capacité de remise en question pour une actualisationconséquente des méthodes de gestion publique, le Cameroun sera une contradiction flagrante au regard de son histoire politique réelle, de sa configuration socioculturelle et de son discours sur son atout de diversité : l'on ne peut aussi longtemps et aussi officiellement se réclamer du pluralisme culturel et organiser plutôt le monolithisme social quand vient le temps de donner vie à la multiculturalité. Pour sortir du flagrant délit de contradiction, un changement de paradigme s'impose au nom de la viabilité à venir du Triangle national. Certes des spécificités marginales ou circonstancielles voudront sans doute,et toujours, se distinguer. Ce sera dans un résiduel dérisoire. Compte en devra être tenu.Comme des exceptions qui confirment une règle, ces spécificités résiduelleset marginales permettrontde mettre en relief les grandes tendances et les convergencestriangulaires les plus fédératricesde la vie nationale.

Une fois qu'ils se seront ainsi dûment identifiés et retrouvés,lesCamerounais triangulaires diligenteront le bourgeonnement d'une gouvernance de circulation. Nourrie aux racines de l'Afrique culturelle, la gouvernance de circulation pétrie de complexité se donnera la chance d'être circulaire, dans une rupture innovante propre à générer une démocratie circulatoire et curriculaireà prépondérance consensuelle. Un tel saut qualitatif s'appuiera valablement sur le fonds culturel de l'Afrique primordiale. Il permettra de restaurer la démocratie consensuelle de l'Afrique culturelle, en dépassement de l'actuelle démocratie électorale, si clivante et si conflictuelle pour l'Afrique.

Ce chantier est aussi vaste que fascinant; sa réalisation ne se privera d'aucun enthousiasme; mais elle nécessitera davantage de technicité. C'est en cela même qu'elle est à la portée des intelligences  triangulaires qui auront su faire preuve de cette intelligence politique dont le Triangle national éprouve le plus pressant besoin.

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