YAOUNDé : Le march铦 en cher et en hausse
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Dans la capitale camerounaise, le surcoût a fait un retour particulièrement remarqué en cette année commençante. L'indice des prix a brusquement accéléré son ascension.  

«2018, l’année porte bien son nom pour nous les femmes». Assommée par une superstition, Julienne Fifen emprunte à la démesure pour dire ce que signifie une année paire dans le panier de la ménagère. «Dans notre vraie tradition, il se dit que Dieu envoie ses anges dans les marchés dès le début d’une telle année. Ces anges-là parlent aux vendeurs des produits de première nécessité pour qu’ils ne gonflent pas les prix», développe-t-elle candidement. Pourtant, ce 16 janvier, la ménagère déchante. Des marges de ses croyances, surgit un constat amer. Juste deux semaines après l’entame d’«une année paire».

«Les prix de toutes les denrées ont explosé par rapport à l’année dernière», avance la quinquagénaire, originaire de l’Ouest-Cameroun. Selon elle, le poisson est l’élément le plus criant de la dérive actuelle des prix de détail. Le kilogramme de maquereau, jauge quotidienne des ménages modestes, d’après l’Institut national de la statistique (INS, 2015), s’obtient désormais à 1 600 francs CFA. La Ligue camerounaise des consommateurs (LCC) parle d’une flambée de 1% sur la valeur de cette espèce, «un chiffre sans précédent depuis 2014 !», appuie Delors Magellan Kamgaing, son président. A l’en croire, depuis quelque temps, le niveau de vie est sur la sellette du fait de la hausse des denrées alimentaires les plus courantes.

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Sur le terrain, des espaces marchands longtemps connus comme des circuits bon marché de la capitale ont fini par créer une nouvelle parodie d’eux-mêmes. Cette parodie est désormais raffinée à l’extrême par le surcoût. Au «Marché Huitième», dans le deuxième arrondissement de Yaoundé, pas besoin de convertir les chiffres en mots. Pas question de nuancer le vocabulaire : les prix ont grimpé. A gratter un peu, l’on apprend que la tendance haussière a démarré à petite échelle, au secteur des produits maraîchers. Dès la première semaine de l’année en cours, la spirale inflationniste a emballé tout le marché. On peut rester en surface de ce constat parce que d’emblée, rien ne se déploie dans son intégralité devant nous. Mais, un témoignage suffit.

«A ce jour, renseigne Emilien Sonkeng, le sac d’oignons est majoré de 1 500 francs CFA ; celui de poissons fumés de 2 000 francs CFA». Ce trentenaire qui revendique une dizaine d’années d’activités commerciales au «Marché Huitième», estime que «2018 bat tous les records, s’agissant des prix». Avec fluidité, il égrène d’ailleurs cette réalité. «Avant, ditil, le cageot de tomates se prenait à 4 500 chez tous les vendeurs du marché. Aujourd’hui, il est à 5 000 francs CFA. Le «bounga» (hareng fumé), c’est à 15 000 que nous laissons le sac.

Les pommes de terre, le sac coûte 25 000 au lieu de 23 000 francs CFA. Le concombre ou pistache court entre 35 et 40 000 francs CFA. Le piment, 60- 65 000 contre 50.000, il y a un mois. Pour les autres épices, tout dépend des arrivages. Et même là-bas, rien n’est resté au prix de 2017». Plus pointu, Mahamat Yousouf, président du collectif des vendeurs de fruits du «Huitième», souffle que depuis une semaine dans son giron, le bio est même hors de portée de certaines bourses. Résultat, un panier de «vrais» fruits ou légumes coûte 30 à 50% plus cher que son équivalent en produits «traités». Les pastèques, les ananas et les aubergines occupent le trio de tête du palmarès des surcoûts établis par ce commerçant. Il se murmure que cet état de choses est même devenu un facteur de paroles incandescentes entre clients et vendeurs d’ici.

Au marché Mvog-Mbi (Yaoundé IV), l’ambiance est tramée dans la même dynamique. Comme une épave de bois mort, «le moins cher» a été évacué au lendemain des fêtes de fin d’année 2017, apprendon. La situation a même consacré l’usage d’une nouvelle expression proverbiale dans cet espace : «Mvog-Mbi de 2018 vaut mille marchés de l’ancien temps», entend-on en boucle derrière les étals. Si les mots sont enrobés dans une couche d’humour, ils soulignent néanmoins que les prix sont profilés à la hausse. En l’admettant, Lucas Mveme, régisseur du marché, explique que toutes les denrées alimentaires sont désormais sévèrement tarifiées. «Augmenter le prix des aliments, c’est une vieille soupe qu’on réchauffe de temps en temps ici. Mais depuis que 2018 a commencé, c’est grave !», constate-til, avant de démarrer le logiciel des comparaisons. Il raconte que entre 2015 et 2017, à Mvog-Mbi, le riz «longs grains» coûtait 250 francs la boîte. En décalant son regard vers les premières semaines de 2018, Lucas Mveme préfère s’en tirer avec un regret : «On vend déjà le même riz partout ici à 300 et même 350 francs… Oh !»

Dans son exclamation, l’on devine une couche supplémentaire de sens qui, cette année, fait du Marché Mvog-Mbi l’un des plus «difficiles » de la capitale. «Il ne s’agit pas d’une métaphore absurde, s’empresse- t-il de recadrer. C’est vrai ! Une ménagère qui vient ici ces tempsci avec 2 000 francs Cfa, ne peut pas nourrir convenablement trois enfants de moins de 10 ans par jour». En clair, le Marché Mvog-Mbi a perdu ce qui, jadis, le distinguait des autres places marchandes de Yaoundé. En effet, sur la foi d’une enquête faite en 2012 par le ministère du Commerce (Mincommerce), il s’était illustré comme l’espace d’approvisionnement au détail le moins coûteux de la capitale.  

Explications

Pourquoi les prix ne cessent-ils de s’élever à des hauteurs vertigineuses dans les marchés ? Dans ces lieux, la réponse à cette question rampe quand elle ne plante pas. A la vérité,  elle puise dans des hypothèses bricolées par ceux qui tiennent les marchés : les vendeurs de gros et ceux du détail. «Leur débat au fond est très camerounais», tranche le Dr Thaddée Mebenga de l’Université catholique d’Afrique centrale. De son point de vue, le propre de ce qui se vit dans nos marchés est qu’«au même moment, explications et extrapolations y ont créé un enfer et un envers économique. C’est un capharnaüm gigantesque dans lequel le consommateur moyen est tenu à l’écart». De manière survolée, voilà la situation. Dans les détails, il s’avère que grossistes et détaillants des denrées de première nécessité en sont les responsables. Dr Thaddée Mebenga dit que les premiers sont sous «l’effet de contexte» et les seconds sous «l’effet d’aubaine».

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