« Marginalisés » au Cameroun: Lettre aux « intellectuels » camerounais
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« Marginalisés » au Cameroun: Lettre aux « intellectuels » camerounais :: CAMEROON

Au cours des années 1990, j’ai patiemment observé comment les universitaires camerounais d’expression anglaise ont manœuvré pour créer artificiellement la «marginalisation » des universitaires d’expression anglaise au Cameroun. Ils ont magistralement démontré ce qu’ils ne recevaient pas du système universitaire camerounais dans lequel ils baignaient, en taisant hypocritement les avantages que leur procurait ce système. 

Ils refusaient par exemple de reconnaître publiquement qu’ils dispensaient leurs enseignements dans la langue de Shakespeare dans une université bilingue dont la grande majorité des étudiants étaient d’expression française. Ils refusaient aussi et surtout de reconnaître que du fait de leur appartenance au système éducatif anglo-saxon, ils avaient un avantage sur leurs homologues du système éducatif français : ils n’étaient soumis qu’à un doctorat, le PhD, qu’ils obtenaient à l’issue de trois ou quatre années après la licence ou le bachelor degree et qu’avec ce diplôme considéré terminal, ils pouvaient gravir tous les grades de la carrière universitaire et devenir professeur en un temps record ; par contre, leurs homologues de l’autre système étaient soumis à deux doctorats, celui du troisième cycle obtenu, comme le PhD, trois ou quatre années après la licence ou le bachelor degree, et le doctorat d’Etat qui s’obtenait avec un minimum de dix ans après le doctorat de troisième cycle. Ainsi, ceux soumis à ce système éducatif ne pouvaient devenir professeur qu’après avoir obtenu le doctorat d’Etat. D’où le nombre impressionnant d’universitaires camerounais d’expression française ayant terminé leur carrière à l’université sans avoir atteint le prestigieux grade de professeur, ni même celui de professeur adjoint, aujourd’hui appelé maître de conférences.

Cette « marginalisation » ainsi artificiellement construite par des universitaires d’expression anglaise a été récupérée par des hommes politiques en quête de pouvoir par tous les moyens, et, par conséquent, a fait le lit de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui « problème anglophone » qui, de corporatiste au départ, s’est mué en « mouvement sécessionniste » aujourd’hui. A ce propos, je me permets d’observer, avec étonnement, après la récente arrestation des leaders sécessionnistes au Nigéria, qu’aucun universitaire camerounais, qu’aucun « intellectuel camerounais » ne se soit indigné de constater que ce sont des Camerounais de la diaspora (s’ils se considèrent encore camerounais) qui vivent le Cameroun par procuration, ce sont ces Camerounais-là qui poussent les Camerounais de l’intérieur à s’entretuer, à empêcher leurs enfants d’aller à l’école, à brûler les édifices publics et à respecter les mots d’ordre de villes mortes. 

C’est le même silence qui s’observe lorsque ces « Camerounais de l’étranger » s’attaquent, sans vergogne, à l’étranger, au chef de l’Etat camerounais lorsque celui-ci s’y trouve. Ils peuvent penser, à juste titre certainement, que ce chef d’Etat ne mérite pas leur respect puisqu’ils ne lui ont pas accordé leurs suffrages pour le porter à ce poste. Mais, de grâce, qu’ils respectent au moins ceux des Camerounais qui lui ont accordé leurs suffrages car, s’il est président de la République du Cameroun, il le doit à des Camerounais qui l’ont élu. Or, ces Camerounais-là ne sont pas moins camerounais que ces Camerounais de l’étranger qui ne lui ont pas accordé leurs suffrages. Le président de la République du Cameroun mérite le respect de tous car, élu, il est le président de tous les Camerounais. C’est la même attitude qui sera exigée des Camerounais pour tous les chefs d’Etat qui seront élus après celui qui est actuellement en fonction.

Pour revenir à l’objet de ma réflexion, « intellectuels camerounais», cessons de créer artificiellement des « marginalisés » au Cameroun, je suis au regret de constater que des « intellectuels camerounais » sont, sans coup férir, en train de créer de nouveaux « marginalisés », depuis quelque temps, sous nos yeux. Il s’agit de ceux qui font naître, par des replis identitaires construits artificiellement (car n’ayant aucun fondement historique) de «nouveaux marginalisés camerounais ». Ils le font à travers des associations dont l’objectif essentiel est de défendre exclusivement, pour de bonnes ou mauvaises raisons, les intérêts d’un groupe de Camerounais au détriment des intérêts de tous les autres Camerounais. On les retrouve partout au Cameroun, certains par contagion, pour faire comme les autres. De toutes ces associations, celle qui me semble la plus percutante dans la création de ces « nouveaux marginalisés » au Cameroun, par la récurrence de ses dénonciations, est le Laakam, qui se présente comme « une classe de hauts dignitaires et gardiens de la tradition des Bamiléké ».

Depuis quelques temps en effet, par ses nombreuses « lettres ouvertes », l’association Laakam s’emploie à démontrer, comme le faisaient les universitaires camerounais d’expression anglaise, que les « Bamiléké » sont l’objet de « discrimination », qu’ils sont « marginalisés » au Cameroun. Pour donner un sens à leurs dénonciations, les « intellectuels » du Laakam ont, de toute pièce, inventé une nouvelle ethnie au Cameroun qui s’appelle « Bamiléké» comme les universitaires d’expression anglaise ont artificiellement créé l’ethnie « anglophone ». D’ailleurs, ils affirment que la situation des « Bamiléké » n’est pas éloignée de celle des « anglophones » : « Laakam rappelle que l’Ouest, dans sa généralité et les Bamiléké dans leur particularité, ont fait montre jusqu’ici d’un patriotisme, d’une retenue et d’une sagesse exceptionnels sur
le nouveau débat suscité légitimement par la situation dans les régions anglophones du pays, bien que les discriminations et les marginalisations invoquées à la source des mouvements d’humeur et de la révolte, ne soient pas éloignées de leurs propres soucis
»,écrivent-ils.

Les extraits de deux « lettres ouvertes » des « intellectuels du Laakam » vont servir de socle à mes analyses. Le premier extrait est tiré de la lettre ouverte du 31 octobre 2017 ayant pour objet : «Protestations contre la discrimination subie par les Bamiléké dans les nominations et promotions officielles, l’exemple des services extérieurs (sic) du ministère de la Communication ». Dans cette lettre ouverte, les « intellectuels du Laakam » reprochent au chef de l’Etat d’avoir apposé sa signature sur une liste de nominations où « aucun Bamiléké ne figure dans les personnels ainsi promus».

Pourtant, une lecture attentive de cette liste permet de constater que nombre de ressortissants des 250 vraies ethnies qui constituent le Cameroun n’y sont pas promus. Pourquoi les « intellectuels du Laakam » ne s’intéressent-ils qu’aux seuls « Bamiléké » ? Est-ce à dire que l’absence des autres Camerounais de cetteliste est « sans objet » pour eux ? Comme il est de coutume pour ceux qui créent artificiellement les « marginalisations » au Cameroun, les « intellectuels du Laakam», ne pouvant honnêtement ignorer et taire les avantages accordés aux « Bamiléké » par le régime en place - tant cela saute aux yeux-, ils préfèrent les minimiser :- « LAAKAM observe qu’à l’évidence du terrain, la présence d’un Bamiléké à la présidence du Senat et d’un autre à celle du parti au pouvoir n’a en rien permis (sic) de mettre fin à cette grave injustice ou même simplement d’inverser la tendance, bien au contraire ». 

Peut-on honnêtement, dans notre Cameroun d’aujourd’hui, sans être de mauvaise foi, minimiser le fait d’avoir dans son ethnie de tels personnages ? D’ailleurs, ont-ils été désignés à ces hautes fonctions, à ces hautes responsabilités, pour servir les seuls intérêts des « Bamiléké » au détriment de ceux des autres Camerounais, comme semblent le suggérer les « intellectuels du Laakam » ?- Le « Laakam observe… (que) le nombre de magistrats, de préfets, de sous-préfets, de douaniers, d’inspecteurs des impôts, de commissaires de police, de directeurs d’administration centrale attribué aux Bamiléké est aujourd’hui réduit à une insignifiante proportion (moins de 5%) ». Quel pourcentage faudrait-il aux « intellectuels du Laakam » pour considérer que les « Bamiléké » ne sont pas «marginalisés » au Cameroun ? Ils ne le disent pas.Savent-ils seulement qu’il existe au Cameroun des vraies ethnies qui n’ont aucun de leurs ressortissants dans cesgrands corps de l’Etat ?

Le deuxième extrait pris en compte dans ma réflexion est tiré de la dernière « lettre ouverte du Laakam » dont le titre tiré du journal Camer-be est le suivant : « Cameroun:pratiques discriminatoires à la source dans les récentes promotions au ministère de la Défense, le Laakam interpellele Mindef ». En dehors de leur rengaine sur la « discrimination» et la « marginalisation » des « Bamiléké » qu’on y trouve en bonne place, les « intellectuels du Laakam » y invitent le Mindef à la pratique de la méritocratie : « Vous avez dès maintenant le pouvoir d’inverser la tendance discriminatoire en exigeant le respect scrupuleux du mérite et de la compétence comme conditionnalités non négociables pour les admissions dans les écoles de formation, les départs en stage et même le recrutement des hommes de troupe… »

Oui pour l’avènement du règne de la méritocratie au Cameroun. Notre pays en a besoin. Tout Camerounais désireux du progrès réel de ce pays, et j’en suis, ne peut que revendiquer le respect de la méritocratie dans tous les domaines. Seulement, il faudrait que ce soit une méritocratie objective et non celle fondée sur le faux postulat qui veut qu’il y ait deux types de Camerounais : ceux qui ne réussissent que par leurs mérites parce qu’ils ont la science infuse, qu’ils sont nés dynamiques, intelligents, compétents et ceux qui ne réussissent que grâce aux faveurs qui leur sont accordées parce qu’ils sont nés indolents, paresseux, incompétents et peu intelligents. C’est une insulte aux Camerounais que de le penser car, dans toutes les ethnies de notre pays, il existe des génies et des cancres.
Aucune n’y échappe.

Oui pour une méritocratie qui fait droit à la justice si tous lesCamerounais sont mis dans les mêmes conditions de compétition.Or, tel n’est pas encore le cas dans notre pays, car toutes les régions du Cameroun ne sont pas au même niveau de développement et, pour ce faire, tous les efforts doivent être déployés pour doter chacune d’elles du minimum nécessaire. C’est conscientes de cette inégalité et pour rendre justice à tous les Camerounais que les autorités de notre pays ont adopté et appliqué les principes de quota dans les concours d’entrée dans les écoles de formation et d’équilibre régional dans la répartition des postes de responsabilité, principes tant décriés par les « intellectuels du Laakam ».

« Intellectuels camerounais », cessons d’agiter les germes de la division afin de conserver UN et INDIVISIBLE ce beau pays que nous ont légué nos ancêtres. Utilisons plutôt nos intelligences pour donner plus de consistance aux différents principes qui gouvernent notre pays dont le plus pertinent à l’heure actuelle est celui qui recommande la protection et la préservation des droits des minorités. Oui, beaucoup de minorités souffrent dans notre pays, car leurs droits sont confisqués par des majorités qui rechignent au partage. Bien que minoritaires, ils sont camerounais et méritent de bénéficier de tous les avantages reconnus aux Camerounais. Bien que minoritaires, ils peuvent et doivent devenir des maires, des députés et des sénateurs dans leurs circonscriptions électorales. Les « intellectuels du Laakam » feraient plus œuvre utile en se mettant du côté des vrais opprimés du Cameroun que sont les minorités car, honnêtement, les « Bamiléké » n’ont pas besoin d’eux pour les défendre, ils se défendent suffisamment bien par eux-mêmes. N’est-ce pas ce que leur disait Dr. Modestine Carole Tchatchouang Yonzou, « Reine mère couronnée par cinq grands rois de l’Ouest et…. princesse » dans une lettre ouverte qu’elle leur avait adressée ? « Intellectuels camerounais », cessons de créer artificiellement des « marginalisés » dans notre pays.

 

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