Cameroun :Discours de la Raison et du Courage à  l'adresse de M. Paul Biya, Président de la République du Cameroun, par le Professeur Franklin Nyamsi
CAMEROUN :: POINT DE VUE

Cameroun :Discours de la Raison et du Courage à  l'adresse de M. Paul Biya, Président de la République du Cameroun, par le Professeur Franklin Nyamsi :: CAMEROON

M. Le Président Paul Biya, Cher Doyen d’âge, Je prends ma plume et ma voix pour vous parler devant  Dieu, le Peuple Camerounais et l’Histoire,  en ma qualité de citoyen natif du Cameroun, mais aussi en tant qu’intellectuel politique et ami de l’humanité universelle. J’ai ressenti l’urgence de vous parler de vive voix des perspectives que votre carrière politique dessinera bientôt, pour le bonheur ou pour le malheur du peuple camerounais, tout comme pour votre bonheur ou votre malheur.

         Bien que je sois fermement opposé, depuis mes 18 ans, à votre manière de diriger ce pays, moi qui en ai 45 à présent, mon discours ne se situe ni dans le domaine de l’invective, ni dans le registre de la menace. Encore moins dans celui des vaines imprécations de prophètes criant dans le désert. Je ne vous promets pas une balle dans le front, je vous présente ma vérité en face.

            Je vous adresse ce jour un discours de la raison et du courage, à l’orée de cette année 2018, année de vos 85 ans. Un discours de fraternité, au-delà des adversités conjoncturelles. Ce discours se tiendra dans les limites de la sincérité et du respect que je dois à votre âge plus avancé que celui de mon propre père. Mais ce discours s’efforcera d’être un acte de vérité et de liberté, afin d’éveiller fortement en vous, ce qui vous reste nécessairement de pensée critique et de sagesse existentielle.

         J’entends par discours de la raison, un discours que vous n’entendez plus autour de vous, car votre long séjour au cœur de l’Etat, depuis 1962, et à la tête de l’Etat du Cameroun depuis 1982, a forcément fini par provoquer en vous et autour de vous, la certitude que vous êtes le Cameroun et que votre raison est celle de notre pays.

 Or quand le Chef de l’Etat confond la pensée du pays avec sa propre raison, il devient alors prisonnier de la raison d’Etat. Celle-ci n’est bien souvent que l’expression des intérêts particuliers et parfois contradictoires de la minorité qui exerce les fonctions de commandement de l’Etat, avec au sommet de celle-ci, le Chef de l’Etat que vous êtes. La raison, ce serait donc d’entendre un discours qui ne mime pas votre raison d’Etat, c’est-à-dire vos propres habitudes de pensée et celles de ceux qui vous entourent depuis si longtemps qu’ils en ont perdu de leur autonomie de pensée, se contentant désormais de bien souvent vous dire essentiellement ce que vous leur intimez l’ordre de vous dire, puisqu’ils se désignent eux-mêmes comme « vos créatures » (Professeur Jacques Famè Ndongo dixit).

         J’entends par discours du courage, un discours qui vous appelle à faire usage de votre sens des réalités, en constatant que malgré tous vos efforts de vous projeter encore et encore comme porteur d’avenir pour notre pays, le Cameroun, vous êtes désormais un homme d’Etat qui a largement fait son temps et qui peut et doit désormais prendre sa retraite pour faire son bilan.

Le courage, monsieur Le Président Biya, consiste ici à prendre acte des deux horloges irréversibles qui vous enjoignent de prendre congé des plus hautes fonctions de l’Etat, afin de bénéficier des grâces d’une retraite bien méritée.

La première horloge qui vous parle incessamment, M. Biya, c’est celle de votre corps. Dieu ou La Nature, vous le savez, nous a faits dans les limites de l’espace et du temps. Elle a fait ceci que par accident ou par usure, « Dès qu’un homme naît, il est assez vieux pour mourir » (Heidegger). L’âme est peut-être immortelle, mais le corps est assurément mortel. Certes en effet, on meurt à tous les âges, puisqu’on est mortel dès qu’on vit. Mais, de toute évidence, la vieillesse est l’annonce naturelle que nous devons nous préparer à l’ultime initiation que le profane appelle la mort.

Je vous souhaite par humanité, la vie la plus longue, M. Biya, pour vos enfants et petits- enfants,  mais il est temps de prendre acte du fait que vous êtes plus proche du tombeau que du berceau, que vos forces physiques, mentales et spirituelles déclinent encore plus vite et qu’en conséquence, vous exercerez difficilement les plus hautes charges de l’Etat dans les conditions que vous impose votre corps bientôt centenaire. Regardez la fin d’un Mugabé, d’un Bourguiba, d’un Houphouët, d’un Mobutu, d’un Mandela ou d’un Kaunda. Méditez, M. Le Président.               

L’horloge politique par ailleurs vous alerte de partir, car vous avez largement dépassé les 25 ans que votre prédécesseur Ahmadou Ahidjo avait faits à la tête du Cameroun ; elle vous alerte de partir car vous appartenez à une minorité démographique de Camerounais, la majorité d’entre ceux-ci se situant entre 0 et 60 ans.

L’horloge politique vous enjoint de partir car le corps politique africain et mondial, y compris en Chine, est en renouvellement permanent et accéléré. C’est ainsi que bientôt, vous rencontrerez votre fils George Weah, nouvellement élu à la tête du Libéria, qui était joueur du Tonnerre de Yaoundé en 1988, quand vous étiez déjà Président du Cameroun depuis plus de 6 ans. C’est ainsi que vous côtoyez difficilement le Président français Emmanuel Macron, né en 1977, alors que vous étiez déjà Premier Ministre du Cameroun, et qui avait 5 ans, quand vous êtes devenus Président de la République du Cameroun, en 1982. Monsieur le Président Paul Biya, votre génération politique a irrévocablement fait son temps, et les Camerounais, quand on les écoute en dehors des zones de chantage politique, pensent en majorité, qu’ils soient de votre propre parti, de l’opposition ou sans parti, que vous devez céder la place, vous et les oligarques qui vous accompagnent à une nouvelle génération de dirigeants camerounais.

 Dans les bars et gargotes, dans les champs et campagnes, dans les foyers et milieux associatifs, dans les chuchotements de vos propres ministres, dans les causeries de nos hauts officiers et petits soldats du rang, dans les débats de nos groupes citoyens de la diaspora, dans les analyses et fiches techniques des officines diplomatiques étrangères, votre départ naturel ou accidentel du pouvoir est absolument envisagé, M. Le Président. L’horloge politique, c’est cette congruence de pensées qui posent comme axiome, l’après-Biya, l’inexorable, l’inévitable, le nécessaire après-Biya.

Monsieur le Président Biya,

Je vous invite dès lors à faire de nécessité, vertu. A agir et d’anticiper en homme d’Etat, en homme de pensée et en homme d’action, sur les sujets d’intérêt vital que je m’en vais à présent aborder. A  savoir quitter les choses de la meilleure des manières, afin que les choses ne vous quittent point de la pire des manières.

Je vous parlerai  de raison et de courage, à propos :

-De la constitution

-Du système électoral

-De la crise socio-économique persistante

-De la crise culturelle et spirituelle camerounaise

-De la crise géopolitique et géostratégique en cours

- De l’agenda politique de votre meilleure fin de carrière politique possible

De la raison et du courage à propos de la constitution

Vous devez reconnaître, Monsieur le Président Paul Biya, qu’en 1961, le Cameroun était une république fédérale, associant les parties francophone et anglophone de notre territoire national actuel.

Vous devez reconnaître qu’à partir du 20 mai 1972, la proclamation de la république unie se fait au détriment de nombreuses prérogatives du Cameroun anglophone, qui passent de fait sous le contrôle exclusif de l’élite francophone du pays, alors dirigée par le Président Ahmadou Ahidjo.

         Vous devez enfin reconnaître que votre proclamation, en 1984-85, de la République du Cameroun, tout court, entérine définitivement l’accaparement des fonctions régaliennes suprêmes par l’élite francophone du Cameroun, le dauphinat constitutionnel glissant par la suite d’un francophone à un francophone, comme on le voit nettement depuis la constitution de 1996.

         La raison et le courage, à propos de la réalité constitutionnelle camerounaise, consisteraient donc à revenir au fait fédéral, non pas pour reconstituer les deux entités de 1961, mais bien mieux, pour faire du fédéralisme, l’instrument politique d’une union camerounaise plus parfaite. Nous pouvons sortir par le faut de notre crise actuelle, non pas par le fédéralisme dualiste des années 60, mais par un fédéralisme multilatéraliste et syncrétique du 21ème siècle camerounais. Contre les sécessionnistes anglophones et contre les dirigistes jacobins francophones, la solution pour le Cameroun se trouve en fait dans une nouvelle république fédérale du Cameroun, en 7 à 10 Etats fédérés, qui rapprocheraient le pouvoir des citoyens, réduiraient l’impact de la corruption lié à l’hypercentralisation de l’Etat jacobin, et améliorerait l’efficacité et l’efficience de nos politiques de progrès écologique, socioculturel, économique et politique. Pour dire non au sécessionnisme, nous devons aussi dire non au dirigisme.

Démocratiser réellement le Cameroun, ce sera penser une forme fédérale de l’Etat, qui puisse permettre une articulation réussie du national et du local et une participation maximale des citoyens à la construction, à l’exercice et au contrôle du pouvoir. Avec sept à 10 Etats fédérés qui gèreraient directement 30% à 40% des ressources nationales et un Etat fédéral central qui gèrerait 60 à 70% des ressources nationales, nous pourrions créer au Cameroun une véritable émulation politique, au double plan national et régional, pour le bien-être, la liberté et la prospérité de tous.

De la raison et du courage, à propos du système électoral

Monsieur le Président Biya,

Vous ne pouvez pas dire que le Président Ahidjo, qui vous a transmis le pouvoir, était un élu. Il n’y avait pas de démocratie au Cameroun, pas de concurrent face à Ahidjo. Le Président Ahidjo, comme vous par la suite, s’autoproclamait Président de la République depuis la fin du multipartisme au début des années 60.

Vous ne pouvez pas dire, M. Biya, que celui qui vous a transmis le pouvoir d’Etat en 1982 était le Président légitime du Cameroun, puisqu’il ne s’est jamais fait élire en concurrence loyale avec d’autres camerounais. Vous avez hérité le 6 novembre 1982, d’un pouvoir légal, mais pas légitime, puisque le monarque constitutionnel Ahidjo vous a délibérément choisi, avec la pression des Français, parmi d’autres prétendants tout aussi aléatoires au trône. Mais ce n’est pas le peuple Camerounais qui vous a choisi en 1982. Et de 1982 à 1988, vous vous êtes reconduit à la tête du pays grâce au parti unique, à la police politique et à l’armature autocratique qu’Ahidjo vous avait transmis.

En 1991, après que vous et votre parti, le RDPC, vous soyez publiquement opposés au retour du multipartisme, vous avez fini, sous la double pression populaire et internationale, par accepter le principe de l’ouverture démocratique. C’est ainsi qu’en 1992, pour la première fois de votre vie, vous vous êtes retrouvé en concurrence avec d’autres personnalités politiques camerounaises, pour l’exercice des fonctions présidentielles. Vous avez encore là, réussi à vous faire proclamer, contre la vérité des urnes – c’est le point de vue de la majorité des historiographes nationaux et internationaux- comme Président de la République du Cameroun, malgré la victoire réelle du candidat Ni John Fru Ndi .

         A partir de 1997, et jusqu’en 2011, vous vous êtes imposé  à la tête de l’Etat grâce au contrôle exclusif de l’ONEL et de l’ELECAM par vos partisans dûment nommés par votre propre fait du prince. Il n’est pas exclu du reste, qu’après avoir réussi à émietter l’opposition (Plusieurs UPC, plusieurs SDF, plusieurs UNDP, etc), vous ayez pu plus aisément gagner des élections après 1992, puisqu’en face, il n’y a plus jamais eu une offre politique aussi imposante que celle de l’Union Pour le Changement (UPC) qui a fait la victoire de l’opposition à la présidentielle 1992.

Vous avez donc, Monsieur le Président Biya, régulièrement fait usage de la force armée et de la ruse politique pour vous maintenir au pouvoir. Les purges de 1984, la répression massive de la période 1988-1998, et la répression récurrente dont vous avez fait usage contre le peuple camerounais lors des émeutes de février 2008, comme celle qui s’abat depuis 5 ans sur le Cameroun anglophone, attestent de cette dynamique arbitraire.

           Le courage et la raison consisteraient donc pour vous à convoquer des Etats Généraux de toutes les forces vives de la société politique, civile, religieuse, coutumière du Cameroun, afin de redéfinir ensemble, un cadre électoral consensuel et irréprochable, pour mettre fin à la suprématie de la ruse et de la violence d’Etat après votre retrait de la magistrature suprême. ELECAM, Monsieur Biya, c’est vous et essentiellement vous. Et dès lors, nos élections nationales ne sont pas crédibles. Elles relèvent encore et toujours de la logique de l’auto-proclamation de la période du parti unique.

De la crise socioéconomique persistante au Cameroun

Malgré toutes les prouesses dont votre régime fait état dans les médias, le Cameroun est devenu sous votre magistère, un PPTE, pays pauvre et très endetté.

Malgré toutes les prouesses que vous alléguez, plus de la moitié de la population du Cameroun, selon vos propres chiffres de l’Institut National de statistiques, vivent dans la pauvreté.

Malgré les relances et promesses inlassables que vous énoncez tous les 31 décembre depuis 35 ans, les jeunes diplômés camerounais sont massivement au chômage. L’économie informelle absorbe l’essentiel de nos forces vives dans un indescriptible désordre matériel, mental et spirituel. Le Cameroun est abandonné à la débrouillardise. Vous l’avez dit vous-mêmes aux Camerounais : « Aide-toi et le ciel t’aidera ». Où est donc passé l’Etat ? Abandonné à lui-même et au ciel, le peuple camerounais est privé de toute perspective d’espérance par la démission officielle de son élite politique nationale.

L’industrialisation et la diversification attendues de l’économie camerounaise demeurent si faibles que notre pays ne sait même plus faire fonctionner une compagnie aérienne. Ne sait même plus assurer l’eau potable dans toutes ses villes. Ne sait même plus garantir la distribution de l’électricité à tous ses foyers et entreprises, alors que nous demeurons immensément riches en matières premières.

Tout ceci se traduit par une société désordonnée, grossière, une diaspora ignorée et souvent rejetée, des injustices normalisées, et une corruption naturalisée à tous les niveaux de la société camerounaise.

Monsieur le Président Biya,

La raison et le courage vous enjoignent donc de laisser d’autres camerounais prendre la relève de ce défi socioéconomique. Elles vous enjoignent, quelque opinion favorable que vous vous fassiez de votre bilan, de laisser une nouvelle élite politique camerounaise assumer les combats infrastructurels et super-structurels que l’émergence de l’économie nationale requiert.

De la raison et du courage face à la crise culturelle et spirituelle

De même, Monsieur le Président Biya, constatez que nos écoles, collèges, universités, instituts de recherche, sont encore largement en-deçà des attentes et potentialités de ce pays. Notre jeunesse est massivement abandonnée à l’échec scolaire, aux formations bâclées et à l’absence de débouchés fiables dans la vie adulte.

Les retraites de nos personnes âgées, comme celle de mon père, ont été volées, détournées par vos collaborateurs. On s’est permis de torturer des vieillards qui s’en plaignaient dans nos rues.

Les acquis de nos sagesses traditionnelles, de la pensée scientifique et philosophique ou des enseignements initiatiques universels, sont ainsi ignorés et donc méprisés par l’écrasante majorité de notre peuple. La sous-éducation et la misère ont écervelé notre peuple : la bière, l’euphorie des victoires sportives, la diversion vers la politique étrangère et la haine de la France servent désormais de voies de dérivation à une opinion publique apeurée à l’idée de se mobiliser pour changer le Cameroun.

Le respect de l’humain a foutu le camp au Cameroun, puisque l’idéal du savoir et de la compétence a été remplacé par le contre-idéal de l’avoir et de la violence. La grossièreté des conversations quotidiennes chez nous témoigne d’un affaissement spirituel inouï, qui n’a d’égal que le cynisme des officiels abordant toujours de biais dans les médias, les grandes tragédies nationales. De Kontchou Kouomégni à Issa Tchiroma Bakary, vous avez légalisé le mensonge comme réflexe naturel de la communication d’Etat.

Vos conseillers et ministres vantent volontiers ce que vous avez réalisé en ce domaine, mais ils le comparent rarement à ce que vous auriez dû et pu réaliser, si notre société était réellement démocratique et consensuelle.

La raison et le courage, Monsieur le Président Biya, vous enjoignent aussi de laisser d’autres Camerounais tenter la révolution culturelle et spirituelle qui s’impose. Elle consistera à remettre l’homme camerounais debout, en posant et justifiant une hiérarchie des valeurs où le travail, le mérite, l’effort, la justice, s’imposeront systématiquement face au parasitisme, à la médiocrité, au fatalisme et à la violence des puissants du jour. Ce combat ne peut plus être le vôtre, M. Biya, vous l’avez résolument perdu, puisque dans votre combat contre la corruption, vous n’avez jamais pu montrer vous-même patte blanche, en prouvant aux camerounais que vous n’auriez jamais confondu les caisses de l’Etat et vos propres poches.

IL appartient donc à la génération politique du changement, de dessaisir l’exécutif du contrôle de la lutte anti-corruption et de libérer la justice de toutes influences mesquines. Cette indépendance judiciaire est l’affaire de l’avenir. En vous retirant, M. Biya, vous la favoriserez, pour que ce pays vous survive.

De la raison et du courage géostratégique et géopolitique

Monsieur le Président Biya, à l’âge de sage auquel vous êtes parvenu, je me désole de vous voir résolument installé dans le discours de guerre, alors que vous appartenez à l’âge où l’on sait user des ressources spirituelles de la sagesse, de la paix, du dialogue et de l’intuition.

Vous avez dit : « Ne dure pas au pouvoir qui veut, mais qui peut », ce qui de fait indiquait au peuple camerounais que vous vous êtes imposé à lui, par la ruse et la force.

Vous avez présenté auparavant les combattants de l’indépendance comme des bandits que vous auriez vaincu, aux côtés de M. Ahidjo, alors que vos propagandistes de diversion vous présentent sur Afrique Media, Vision 4 et autres médias opportunistes comme le chantre de l’anticolonialisme contre la France, pourtant votre parraine de tout temps.

Vous avez de même, moqué les luttes pour le retour au pluralisme politique, qui ont coûté si cher à ma génération citoyenne dans les années 90. Comment pouvez-vous être à la fois, le père de la démocratie que vous prétendez être et celui qui a exclu de toutes les universités camerounaises, un nombre record d’étudiants qui revendiquaient cette même démocratie ? Les corps sans vie de mon ami et frère Jacques Tiwa, comme ceux d’autres citoyens, lâchement abattus par vos hommes en février 2008 et avant, en toute impunité jusqu’à ce jour, demeureront à jamais l’emblème du deuil générationnel qui nous sépare.

Vous avez à un certain moment voulu associer le nom de vos opposants politiques à la secte criminelle de Boko Haram, sans succès heureusement. Tout le monde sait que s’associer à Boko Haram contre le peuple du Cameroun, ce serait la plus grave abjection concevable pour un citoyen du Cameroun. Cet attrape-nigaud contre l’opposition politique n’a heureusement pas fonctionné, car comme un seul homme, les camerounais de tous les bords politiques dénoncent la secte infâme qui ensanglante notre septentrion national et menace de détruire l’Islam de paix et de fraternité qu’est et demeure l’Islam camerounais, en bonne entente avec toutes les autres religions.

Nous avons donc fermement soutenu l’armée camerounaise, dans sa lutte patriotique contre la secte ténébreuse de Boko Haram et nous renouvelons ce soutien hic et nunc. Pour une fois, cette armée sert enfin à sa vraie fonction : défendre tous les Camerounais, et non vous défendre, vous M. Le Président, contre tous les Camerounais.

         Pourtant, Monsieur Biya, le Cameroun est entouré de guerres, et il est lui-même en train de s’engluer dans une guerre civile. Guerre à la frontière camerouno-nigériane, sur 1200 km, contre Boko Haram. Guerre aux frontières tchadiennes et centrafricaines, où des groupes armés incontrôlables prospèrent encore. Guerre sur la façade maritime du Biafra ou de Bakassi, où les groupes armés du MEND et autres s’enkystent. Mais le pire, c’est la guerre civile que vous vous livrez désormais, avec les sécessionnistes du Cameroun anglophone, avec la surenchère de violences physiques, de violations des libertés fondamentales, de violences verbales et symboliques qui déchirent l’union de la nation camerounaise, toujours plus chaque jour. Le pire, c’est aussi les risques de guerre civile que les clans concurrents, à l’intérieur de l’oligarchie que vous dirigez, font planer. On le sait, nos forces armées, les forces spéciales, font l’objet d’appétits de clans divers qui guettent farouchement vos signes de faiblesses pour se saisir du pouvoir d’Etat dans une logique de succession interne que le peuple camerounais subirait une fois de plus, en victime expiatoire.

La raison et le courage politiques, Monsieur le Président Biya, vous recommanderaient donc, de céder pacifiquement le pouvoir à des dirigeants élus dans le consensus, la transparence et l’exemplarité publiques, afin que la défense du territoire national contre les guerres internationales soit assurée et que l’actuel basculement du pays dans la guerre civile soit stoppé par le nouveau contrat sociopolitique d’une union fédérale camerounaise.

Les grandes puissances régionales et mondiales regardent avec intérêt la gestion que vous ferez de cette double crise. Les échos qui nous en parviennent disent qu’elles attendent ardemment que vous ayez compris, M. Biya, que la solution idéale est de réunir les Camerounais pour qu’ils définissent ensemble les conditions idéales de leur vivre-ensemble après-vous. Les intérêts du Nigéria, de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, des Etats-Unis, de la Chine, de la Russie ou du Japon au Cameroun, passent largement par leur conviction que vous saurez laisser émerger une vraie solution consensuelle après-vous dans ce pays. Prendrez-vous le risque de décevoir le Peuple camerounais et les Amis du Cameroun tout uniment ? L’homme d’Etat que vous êtes doit y réfléchir.

Monsieur le Président Paul Biya, j’en viens dès lors à la partie conclusive de ce discours de la raison et du courage.

De tout ce qui précède, il ressort que :

Vous devriez,  M. Paul Biya,  accepter, décider et annoncer que vous ne vous présenterez plus à une élection présidentielle au Cameroun, à compter de celle prévue pour 2018

Vous devriez accepter, décider et annoncer que vous convoquerez les Etats Généraux de la Nation Camerounaise afin de proposer à l’ensemble des forces politiques, civiles, religieuses, nationales et diasporiques, une Transition Politique Consensuelle de 1 à 2 ans, durant laquelle seront mis en place :

Un gouvernement d’union nationale et de transition qui aurait pour tâche principale de préparer des élections présidentielles, législatives et municipales exemplairement transparentes, auxquelles vous-même ne participerez bien sûr pas, encore moins votre dauphin constitutionnel actuel.

Un nouveau projet constitutionnel permettant une réforme fédérale de l’Etat, qui serait soumise par référendum au peuple camerounais.

Un consensus national maximal sur les politiques écologiques, d’éducation, de la mémoire, de santé, de défense et les grands chantiers infrastructurels qu’on mettra au-dessus de toutes considérations partisanes ; les garanties d’immunité à l’ancien Chef de l’Etat et les actes de réconciliation majeurs à poser envers toutes les figures politiques majeures de l’Histoire, tout comme envers le peuple meurtri du Cameroun ; L’intégration citoyenne légale et parfaite des plus de 3 millions de Camerounais de l’étranger qui méritent de jouir de la double nationalité comme Madame votre épouse Chantal Vigouroux-Biya, comme de nombreux ministres et ex-ministres de votre régime, comme Madame Calixte Beyala votre protégée, comme des centaines de milliers camerounais anonymes qui bénéficient des passeports nationaux et étrangers avec votre tacite accord.

Mettez fin à l’exclusion politique de la diaspora pour laisser un Cameroun rassemblé, fort de sa belle diversité, affronter les défis écologiques, économiques, culturels et géopolitiques contemporains !

-         Vous devriez accepter, décider et annoncer que vous transmettrez alors pacifiquement le pouvoir au Président de la future république fédérale du Cameroun et à son Vice-Président, afin de bénéficier d’une retraite respectueuse dans notre pays, en restant éventuellement à sa disposition comme Grand Conseiller Républicain.

Telles sont, Monsieur le Président de la République du Cameroun, Cher Doyen Paul Biya, les idées et propositions que je voulais mettre à votre disposition, tout en prenant à témoin, le Peuple Camerounais, les Grands Amis du Cameroun et l’Histoire. Afin que nul n’en ignore.

Celui qui vous parle, moi-même Franklin Nyamsi, fils natif du Cameroun, citoyen adoptif de France et de Côte d’Ivoire, Professeur agrégé et docteur en philosophie, Président de l’association Collectif Diasporique Camerounais, ne s’autorise que de la voix de sa propre conscience et de celles de ceux qui, déjà nombreux au Cameroun ou à l’étranger, se reconnaîtront en ce Discours de la Raison et du Courage.

Celui qui vous parle, moi-même Franklin Nyamsi, opposant politique dès mon jeune âge à votre régime, ne suis point la raison incarnée, ni la science infuse. Je suis juste un homme, qui essaie de répondre par cet acte et par d’autres, à l’appel de sa conscience et à celui de l’Histoire.

Que mes excès ne vous importunent pas, M. Le Président Biya. Retenez si possible la quintessence de mon message, car je suis de ceux qui tiennent mordicus à ce que leurs paroles fassent honte à leurs actions. Je crois que vivre n’a de sens que comme expérience et transmission d’un idéal de fraternité et de Vie.

Respectueusement et solennellement,

J’ai dit ma part.

Franklin Nyamsi
Professeur agrégé
Docteur en philosophie
Président du Collectif Diasporique Camerounais.

Paris, le 7 janvier 2018

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