Cameroun, Enoh Meyomesse: Quels sont les hommes et femmes politiques qui m'ont rendu visite en prison ? Je suis désolé, Momo n'en fait pas partie“¦
CAMEROUN :: POINT DE VUE

Cameroun, Enoh Meyomesse: Quels sont les hommes et femmes politiques qui m'ont rendu visite en prison ? Je suis désolé, Momo n'en fait pas partie“¦ :: CAMEROON

Voici le temps de la clarification. Beaucoup de choses sont en train d’être dites en rapport avec mon séjour à Kondengui, essentiellement mues par un désir profond de dénigrement, tout simplement parce que je ne partage pas le point de vue de certaines personnes, que moi je qualifie d’« Ayatollah de la pensée ». Si vous n’êtes pas de leur opinion, une fatwa est immédiatement prononcée contre vous, et une avalanche d’injures s’abat sur votre tête. Pour ma part, telle n’est pas ma conception de la démocratie. Il faut admettre que d’autres personnes puissent penser différemment de vous. Il faut l’accepter, ne pas s’en offusquer, encore moins ourdir des campagnes de dénigrement contre celles-ci. Un véritable démocrate, ne se comporte pas ainsi. Il est avant tout un homme tolérant. Un authentique démocrate, ne profère pas d’injures. Il respecte la personne qu’il combat. Il ne l’attaque pas lâchement.

L’étape de la tolérance, nous devons apprendre à la franchir, nous qui prônons le « changement », au Cameroun. Nous ne devons pas reprendre les méthodes du camp d’en face, dont nous nous plaignons. Nous devons nous garder de le faire. Mieux encore, si l’on aspire à diriger un pays, il ne pas chercher à crucifier son contradicteur, mais plutôt se lancer dans la culture de la tolérance. Notre pays, par le passé, a, à cause de l’intolérance, décimé nombre de ses valeureux fils.

Wanko Samuel, un des premiers ingénieurs camerounais formés en France, député de la région Bamiléké (les départements à l’époque portaient le nom de régions, c’est en 1959 que l’appellation a changé et est devenue comme aujourd’hui), a été assassiné au mois de novembre 1957, par des intolérants bamiléké, qui voyaient en lui un « traître », simplement

parce qu’il avait été élu lors du scrutin du 23 décembre 1956, et siégeait à l’Assemblée Législative du Cameroun ALCAM.

Dans la nuit du mardi 18 au mercredi 19 décembre 1956, le Dr Delangue et le forestier Mpouma, ont été assassinés par des intolérants bassaa, parce qu’ils ont refusé le mot d’ordre de boycott du même scrutin. Logmo Antoine, futur ministre dans le gouvernement Mbida, y a échappé de justesse, le coup de feu tiré contre lui l’avait raté. (Ces incidents ont valu à Um Nyobè une très grande animosité au sein de la population bassaa ― malgré le fait que rien ne prouvait qu’il en était le commanditaire et simplement parce qu’il avait tenu meeting à Mom trois jours auparavant, à savoir le dimanche 16 décembre 1956 ― au point où le Pasteur Tsegua, bassaa comme lui et grand nom de l’Eglise Presbytérienne Camerounaise, EPC, à l’époque, a demandé et obtenu son excommunication de cette congrégation religieuse).

En 1961, le préfet Kohn, a été assassiné également par des intolérants bassaa, parce qu’il servait « le gouvernement néocolonial et antipopulaire du laquais Ahidjo ».

Tita Fomukong a été brûlé à Bamenda en 1991 par de mêmes intolérants, parce qu’il « collaborait avec le régime tyrannique de Biya qui refuse la conférence nationale souveraine ». Tout au long des « villes mortes », des intolérants ont coupé les oreilles aux gens qui étaient surpris dans leurs lieux de travail, parce qu’ils ne respectaient pas le mot d’ordre. L’avocat Abgor, a vu son domicile partir en fumée par des intolérants, parce qu’il ne partageait pas leur point de vue. Les années passent, mais l’intolérance demeure, au Cameroun. On insulte l’autre, on le dénigre, on désire sa mort, parce qu’il pense différemment, parce qu’on ne l’aime pas.

Pour ma part, je voudrais répéter, à travers ce post, une chose fondamentale. J’ai déjà depuis longtemps surmonté la peur et l’intimidation. Le « sisia », n’a plus aucun effet sur moi. Je dis bien aucun. « Ampoule grillée ne craint plus le court-circuit ». Après avoir bravé l’enfer de la geôle, 40 mois durant, survécu à un empoisonnement, échappé à un ordre en haut lieu d’assassinat pendant ma déportation en pleine nuit du SED à Bertoua et sauvé par un gendarme qui s’y est opposé, avoir été accusé de tentative de coup d’Etat, puis de tentative d’insurrection, puis de braquage, condamné par des militaires au garde-à-vous, etc., qu’est-ce qui peut encore m’effrayer ? Quelle humiliation n’ai-je pas encore subie ? Comment se nomme-t-elle ? Il ne me reste que la mort.

Je ne suis pas un misérable petit « Patriote » inculte et inexpérimenté de facebook, mais bel et bien un guerrier aguerri, au corps balafré de cicatrices de ses batailles. Pleins de gens qui se bombent le torse actuellement comme de grands « leaders d’opinions » au Cameroun, sur les plateaux de télévision et sur facebook, n’endureront jamais ce qui m’est arrivé, et même, je ne le souhaite à personne, même à mes pires ennemis, parce que moi je suis un homme qui a cultivé la tolérance, et qui sait ce que c’est que souffrir par autrui, parce qu’on est en position de faiblesse momentanée par rapport à lui. Je n’ai absolument rien en commun avec des « ultra-révolutionnaires » de Laptop confortablement installés dans des fauteuils sans leurs domiciles, et qui sont convaincus que par leur violence verbale, leurs injures et leurs outrances, de faire avancer le Cameroun. Moi j’ai subi la répression dans ma chair, des mois durant, je ne l’ai pas lue dans des livres, je ne l’ai pas entendue en témoignage au cours de meetings enflammés dans des salles surexcitées, ce n’est pas quelque chose de romanesque pour moi. Non. Donc, de petites intimidations sur facebook, comprenez-le, glissent sur mon dos, telle de l’eau sur celui du canard.

Il y a des gens qui m’ont rendu visite à Kondengui, effectivement, ils n’ont pas eu peur de le faire, ils ne sont pas venus de manière accidentelle, ils ne sont pas venus de manière intéressée, ils n’avaient pas de calcul quelconque en tête, mais pas ce Monsieur dénommé Momo Jean de Dieu. Non.

Je redis et maintiens à haute et intelligible voix, qu’il est venu à Kondengui, chercher un marché à gagner, en l’occurrence, celui de se constituer avocat de Marafa. Il a pour cela sollicité mon secours pour éventuellement rencontrer celui-ci. Voilà ce qu’il est venu faire en prison, et rien d’autre. L’opération n’ayant peut-être pas abouti, je ne l’y ai plus jamais revu. Pourtant j’y suis demeuré encore plusieurs mois après sa « visite » !

C’était avant que Marafa, Abah Abah, et Yves-Michel Fotso, ne soient transférés au SED. Ils ont d’abord résidé à Kondengui pendant plusieurs mois avec moi. Marafa et Iya Mohamed y sont arrivés pendant que je m’y trouvais déjà, et un matin, après quelques mois, au réveil, toute la prison a appris que, nuitamment, Marafa et ses deux autres infortunés compagnons dont j’ai cité les noms ci-dessus, ont été transférés au SED. Nous en avions été scandalisés, car le SED, c’est autre chose, rien à voir avec l’innocente clôture que l’on longe en passant candidement dans la rue …

Voici véritablement les hommes et femmes politiques qui ont pris la peine et perdu leur précieux temps pour venir me rendre visite en détention, pas Momo. Non.

Bergeline Domou et Edith Kah Walla sont arrivées les premières, le dimanche 25 décembre 2011, soit 3 jours seulement après mon transfert à Kondengui, je n’oublierai jamais cela. Jamais. Kah Walla a ouvert son sac à main, et m’a offert la somme de vingt mille francs (20.000 F). Puis a suivi, un ou deux jours plus tard, Ekané Anicet. Il m’a fait venir au bureau du régisseur. Il m’a remis également la somme de vingt mille francs (20.000 F). Il désirait m’en offrir davantage, mais le régisseur lui a rappelé le règlement de la prison: un détenu ne doit pas avoir avec lui, plus de vingt mille francs. Puis, Ketchateng Jean-Baptiste est venu. Il m’a également laissé de l’argent, et l’a fait chaque mois, sans interruption, pendant toute la durée de ma détention. Je ne l’oublierai jamais. Jamais, jusqu’à ma mort. Jean Takougang, par qui l’alerte de ma détention en secret à la Légion de Gendarmerie de Bertoua a été donnée sur le plan mondial, est passé plusieurs fois, en me laissant à chaque fois, de l’argent, minimum, dix mille francs CFA. Enfin, Christopher Fomunyoh est venu, depuis les Etats-Unis d’Amérique, me rendre visite aussi, et m’a laissé, à travers Bergeline Domou, beaucoup d’argent en dollars. Cette dernière m’a tout d’abord envoyé dix mille francs alors que j’étais en garde à vue à Bertoua, et m’a rendu visite trois, quatre, voire cinq fois par semaine pendant toute la durée de ma détention. Elle n’a, par ailleurs, manqué aucune de mes audiences, tant au Tribunal militaire qu’en Cour d’appel. Cette dame a été admirable. Je lui dois une reconnaissance à vie. Tels sont les leaders politiques qui m’ont rendu visite en prison, je ne parle pas des personnes de la société civile, infiniment nombreuses.

Maître Jean de Dieu Momo, prétend avoir été de ceux-là ? Non. Que m’a-t-il donc apporté au cours de sa visite ? Peut-il le révéler sur facebook, sa merveilleuse tribune ? Des livres à lire ? Des journaux ? Du pain ? Quoi ? Même pas une petite bouteille d’eau minérale de 300 F CFA, ce que même les visiteurs les plus démunis ne manquent pas d’acheter dans les boutiques qui se trouvent en face de la prison, avant d’y pénétrer, et viennent offrir aux personnes qu’elles viennent visiter. Lui, très grand avocat international, rien. Quel est ce bien singulier visiteur qui part de Douala, à bord de son automobile, bravant les accidents, la fatigue de la conduite, perdant son précieux temps, son carburant, pour rendre visite à un misérable détenu comme moi à Yaoundé, et qui ne lui laisse même pas une petite boîte de sardine en partant ? Non. Momo n’est jamais venu à Kondengui pour moi. Il est venu y faire du business. Il est venu tenter de conquérir un marché auprès de Marafa.

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