Cameroun, Livre: Kum'a Mbappé Bonabéri 1884 : liberté !
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Cameroun, Livre: Kum'a Mbappé Bonabéri 1884 : liberté ! :: CAMEROON

Lundi 22 décembre 1884, l’armée allemande bombarde Bona-béri à partir d’un bateau stationné au milieu du Wouri. Elle désire mettre fin à l’opposition de Kum’a Mbappé, autrement appelé Lock Priso, au traité du 12 juillet 1884 plaçant le Cameroun sous protectorat allemand. Les combats durent plusieurs jours, les troupes de Kum’a Mbappé opposent une résistance opiniâtre à celles de Knorr, l’officier allemand dépêché spécialement de Berlin pour le vaincre.

Ce roman revient sur cette page peu connue de l’histoire du Cameroun.

En un temps record, la nouvelle de la cérémonie de destruction du drapeau allemand à Bonabéri par Kum’a Mbappé avait fait le tour de tous les villages de l’autre côté du Wouri à la satisfaction générale de la population. Elle lui avait procuré un véritable soulagement. Enfin, ce nuisible intrus de Max Buchner et sa milice étaient défiés par un Noir, un fils du pays. Les commentaires allaient ainsi bon train dans toutes les cases et embarrassaient au plus haut point les autres rois qui eux avaient signé le traité du 12 juillet. Le peuple était indiscutablement du côté de celui qui ne l’avait pas fait, Kum’a Mbappé.

Naturellement, Max Buchner avait rapidement été informé de l’acte de défiance de Kum’a Mbappé. Il en fut véritablement estomaqué. C’é-tait la première fois qu’un Noir, être primitif s’il en était selon lui, le défiait à ce point. Cependant, que pouvait-il faire sur le moment ? Pas grand-chose. Il se savait en position d’infériorité militaire face à Kum’a Mbappé. Ce dernier disposait de plus de soldats que lui. Ceux-ci par ailleurs étaient armés, même s’ils ne disposaient que de fusils de traite, véritables pétoires, de lances et de flèches, ils pouvaient néanmoins décimer sa milice, et le tuer, lui-même, Max Buchner. Il n’avait guère d’autre choix que de faire momentanément profil bas, face à un Neger, ainsi que les Noirs étaient dédaigneusement désignés par les Allemands.

Cette manche, il le reconnaissait le cœur hautement blessé, Kum’a Mbappé l’avait remportée. Mais, ce n’était que partie remise. Lui, Max Buchner, il était venu mâter les Negers, et leur imposer par le feu et le sang, la loi allemande. Telle était la raison de sa présence à Cameroons Town, et fallait qu’il le fasse. Cela passait donc désormais en priorité par l’anéantissement de Kum’a Mbappé. Il fallait impérativement qu’il le terrasse, et même qu’il le tue. Sa mort provoquerait un choc psychologique intense tel que serait annihilée toute nouvelle velléité de résistance des duala. Mais, militairement et pour l’heure, ce Neger de Kum’a Mbappé était supé-rieur à lui. Il lui revenait en conséquance de renverser en sa faveur à lui, Max Buchner, le rapport de force, avant d’envisager quelle que tentative d’affrontement armé que ce soit. Aussi, il était tenu d’écrire en Allemagne, pour faire venir des troupes dotées d’un véritable armement, de canons, de bombes, de grenades, afin de raser Bonabéri et de tuer Kum’a Mbappé. Mais, pour qu’un courrier parvienne à Berlin, cela prenait du temps. Il fallait ronger son frein en attendant l’arrivée d’un paquebot de la firme Woermann, la seule qui desservait Cameroons Town. Or, les passages de ceux-ci, n’étaient jamais connus d’avance avec précision. Ils arri-vaient un mois sur deux. C’était tout ce qui était su. Impossible de dire le jour où cela allait avoir lieu. En conséquence, il se retrouvait momentanément contraint de subir l’insupportable hostilité pour lui de ce Neger prétentieux de Kum’a Mbappé, qui pensait pouvoir défier la grande Allemagne. Il fallait endurer cela jusqu’à l’arrivée du renfort militaire qu’il avait demandé et dont il avait impérativement besoin pour lui prouver à lui et au peuple duala le contraire, en rasant son village, et au besoin en le tuant.

Lundi 22 décembre. Cinq heures du matin. Les sentinelles de Kum’a Mbappé avaient accouru.

― O roi ! O roi ! Réveille–toi ! O roi ! O roi ! Viens vite !

Kum’a Mbappé s’était réveillé en sursaut.

― Qu’y a-t-il ?

― O roi ! Le bateau, le bateau.

― Oui ! Le bateau…

― Il est en train de bouger. Il est en train de se déplacer.

― Oh !

― Oui, ô roi.

― Je viens voir ça.

Il était sorti de sa planque et avait prestement rejoint la plage, au bord du Wouri. Il avait aussitôt découvert le bateau militaire allemand en train d’avancer au milieu du fleuve. Il se dirigeait vers Bonabéri.

― Ça y est ! Ils viennent nous attaquer. (Voix forte). Sonnez l’alerte. Que tous nos soldats se mettent en position de défense. Qu’ils ne tirent pas en premier, qu’ils attendent le moment où les soldats allemands seront à bonne portée de leurs fusils, ce n’est qu’à ce moment qu’ils pourront tirer.

Le bateau avait avancé jusqu’à se positionner face à Bonabéri, puis s’était immobilisé au beau milieu du Wouri. Ses canons étaient aussitôt entrés en activité. Ils s’étaient mis à cracher du feu, dans un bruit terrifiant. Ses obus s’abattaient sur Bonabéri telle une pluie d’orage. On les voyait passer dans le noir en y traçant des traits rouges flamboyants. Ils surgissaient par vagues de dix, et venaient s’écraser sur les maisons de Bonabéri qu’elles détruisaient instantanément. Par bonheur, il ne s’y trouvait plus personne. Tout le monde ayant déserté le village quelques jours auparavant, sur ordre de Kum’a Mbappé. Les habitants de Deïdo de leur côté, avaient tous été réveillés par le bruit terrifiant que produisaient ces engins de mort, et étaient tous sortis de leurs masures, pour être des témoins oculaires de la destruction de ce grand village situé en face du leur. Certains étaient en pleurs, d’autres ne demandaient plus leur reste et décampaient immédiatement, se disant qu’après Bonabéri, la folie meurtrière des Allemands pouvait, pour une raison quelconque, se retourner contre eux. N’étaient-ils pas des «Neger » au même titre que leurs congénères de Bonabéri ? Ceux d’Akwa, également, étaient sortis de leurs habitations, et avaient accouru sur la berge du Wouri pour ne rien rater de cet événement tragique qui se déroulait dans ce village voisin du leur. Eux aussi se lamentaient, et maudissaient autant qu’ils le pouvaient, les Allemands.

Le déluge de feu avait duré jusqu’au lever complet du jour, sans toutefois que, par bonheur, personne ne soit tué, le village ayant été évacué plusieurs jours auparavant, sur ordre de Kum’a Mbappé. Lorsque le tir nourri de leurs canons avait pris fin, les soldats allemands avaient mis à l’eau plusieurs barques et y étaient montés. Ils avaient traversé le Wouri à l’assaut de Bonabéri. Cela avait été comme un ordre donné aux troupes de Kum’a Mbappé de ne plus attendre et d’attaquer. Elles étaient toutes sorties de leurs planques et s’étaient mises à tirer à qui-mieux-mieux sur les soldats allemands à découvert. Plusieurs de ceux-ci étaient de ce fait tombés sans avoir pu dépasser le sable de la berge. Les combats avaient été terribles et avaient duré toute la journée, tellement la résistance des troupes de Kum’a Mbappé était farouche. Les armes ne s’étaient tues que la nuit tombée. Les combats avaient repris de bonne heure le lendemain, mardi 23 décembre, et avaient duré plusieurs jours de suite, pratiquement jusqu’au début du mois de janvier 1885. Finalement, l’armée allemande avait eu le dessus sur celle de Kum’a Mbappé, uniquement parce qu’elle disposait d’un armement supérieur, et aussi, parce que certains rois duala, contre toute attente, lui étaient venus en renfort avec leurs guerriers. Kum’a Mbappé, autrement appelé Lock Priso, n’avait pas été tué au cours de cette terrible bataille de plusieurs jours, à la plus grande déception des Allemands. Il avait été protégé par ses troupes.

Des pourparlers avaient été alors engagés entre les deux parties en guerre, les Duala d’un côté, et les Allemands de l’autre. Un traité de paix s’était finalement conclu le 13 janvier 1885, contraignant Kum’a Mbappé à accepter la souveraineté allemande sur Bonabéri. Il quittera ce monde en 1916.

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