Akere Muna : VOX POPULI VOX DEI, de TOUBORO à  HARARE
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Mardi 21 Novembre 2017, j’ai versé une larme devant ma télévision, en voyant les Zimbabwéens jubiler et sauter dans les rues de Harare. Ils criaient, dansaient et certains pleuraient même, en se rappelant sûrement les arrestations illégales subies, et la brutalité des forces de l’ordre certains jours de protestation, ou pire, la dislocation de familles entières, du fait de la peur et de la terreur qui régnait.

Ce qui m’a ému, c’est de voir de jeunes enfants, garçons et filles, monter à tour de rôle dans les chars de l’armée pour prendre des « selfies » avec des soldats désormais souriants qui les encourageaient. On pouvait lire sur le visage de ces hommes en tenue soudainement réconciliés avec leur peuple qu’ils avaient habituellement pour ordre de menacer, brutaliser, voire enfermer en d’autres temps, un sentiment de profond soulagement. Ils constituaient tous désormais un peuple en parfaite communion et dans l’extase, se surprenant à rêver ensemble aux lendemains qui les attendent. Il n’y avait nul besoin pour l’instant de décrire l’avenir qui s’ouvrait devant eux, car le plus important pour tout le monde, était d’avoir tourné la page du passé ; un passé définitivement révolu après 37 ans, leur pays n’ayant connu qu’un seul Président au cours de cette longue période. En effet, ceux qui avaient pris les rues d’assaut n’aspiraient qu’à une seule chose : vivre sans Mugabe ; bien que le vieux renard se soit donné quelques jours de « Grâce », à la faveur d’un discours irréaliste et décousu adressé à ses compatriotes.

Le spectre du déclenchement de la procédure « d’impeachment » aura donc été le coup de « Grâce » qui allait le délivrer d’un sommeil têtu, en entendant le chant de liberté de son peuple. « Vox Populi, Vox Dei ». La voix du peuple est la voix de Dieu. Ce dicton latin dont la paternité attribuée à de nombreux auteurs, remonte au tout début des années 1700. Selon Wikipédia, il est très probable que cette maxime soit apparue dans un pamphlet diffusé par le parti politique britannique connu alors sous le nom de Whigs, aujourd’hui, le parti Conservateur. Le passage le plus cité dit exactement ce qui suit : « Il n’existe aucune loi naturelle ou divine pour quelque forme de gouvernement, ou une personne plutôt qu’une autre qui devrait en toute souveraineté contrôler la gestion des affaires, ou exercer son pouvoir au-dessus de plusieurs milliers de différentes familles, qui sont par la même nature toutes égales, du même rang, tous ensemble nées par les mêmes bienfaits de la nature et avec l’usage des mêmes facultés ; par conséquent, la Nature est libre de choisir quelle forme de gouvernement elle préfère ».

Ce soir-là, tandis que Mugabe cogitait sur sa vie, il y a tout lieu de penser  qu’il aurait aimé que ses compatriotes se souviennent de cet extrait de son discours inaugural prononcé en 1980 : « Les torts du passé doivent maintenant être pardonnés et oubliés. Si jamais il nous arrivait de nous retourner vers le passé, nous devons le faire pour en tirer une leçon, à savoir que l’oppression [...] ne doit jamais trouver de place dans notre système politique et social ». Alors, Vox Populi Vox Dei? Eh bien, pas forcément, notamment à Touboro où, la voix d’un préfet nommé est apparemment plus importante que celle du peuple, et par conséquent plus importante que la voix de Dieu !

Touboro est une ville de plus de 20 000 habitants, située dans le Département de Mayo Rey dans la Région du Nord Cameroun. J’ai été stupéfait d’apprendre une bien curieuse histoire qui s’y est passée il y a quelques jours, le 16 novembre 2017. En effet, près de quatre mois auparavant, le Conseil municipal de cette localité avait perdu son maire. Quand le préfet est arrivé dans la salle du Conseil municipal ce jourlà, tout le monde s’attendait à ce que le principal point de l’ordre du jour fût l’élection du nouveau maire. Selon la loi, le nouveau maire doit, en effet, être élu dans les 60 jours suivant le décès de son prédécesseur.

Le préfet ayant, décidé Dieu seul sait pourquoi, qu’il n’y aurait pas d’élections ce jour-là, l’agenda du jour ne comportait selon lui, qu’un seul sujet à savoir : l’examen et l’adoption du budget. Or, le projet de budget en question venait tout juste d’être soumis aux conseillers municipaux, qui se sont montrés réticents à cautionner un document qu’ils n’avaient même pas lu. Quand ces derniers ont rappelé au Préfet le contenu de la loi et l’urgence de l’élection d’un nouveau maire, celuici a prétendu qu’il n’avait été notifié du décès du Maire que très récemment, soit seulement trois semaines auparavant.

Eh bien, faut-il comprendre qu’un maire d’une commune aussi importante que Touboro puisse disparaitre depuis plusieurs mois sans que le Préfet n’en soit informé ? Il apparait pourtant que son seul souci ait été ce jour-là, de faire voter le budget, au lieu de procéder à l’élection d’un nouveau Maire. En réalité, nous ne devons pas perdre de vue le fait que le contrôle de ces budgets incombe au préfet et non au maire ou aux conseillers élus. C’est donc sur ces entrefaites que les délibérations ont pris fin, les conseillers municipaux s’étant tous retirés de la salle. Alors, peut-on dans ce cas-ci parler d’un gouvernement par le peuple et pour le peuple? Comment comprendre que des responsables dûment élus soient délibérément soumis à la volonté d’un individu ignorant des problèmes auxquels sont confrontées les populations de sa zone de commandement, par le seul fait d’une nomination par décret?

Ceux qui croient en la bonne foi des prophètes de la décentralisation devraient y réfléchir à deux fois. Car, le rêve lubrique prescrit par les articles 55 à 61 de la Constitution de 1996 sur la décentralisation a été totalement vidé de toute sa substance par la loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 relative à l’orientation de la décentralisation. Cette loi en ses articles 66 à 70 reprend en réalité tous les pouvoirs initialement conférés aux représentants élus, présidents régionaux ou maires, et les confie aux gouverneurs et aux préfets nommés par le pouvoir exécutif. Voilà pourquoi, nous devons désormais aller vers une NOUVELLE RÉPUBLIQUE dans laquelle, le peuple sera au centre de l’action gouvernementale. Et c’est maintenant, avec le Mouvement NOW, que nous devons commencer.

Je suis convaincu qu’après avoir regardé leurs frères Africains jubiler dans les rues d’Harare, les habitants de Touboro, ont compris qu’ils ont, eux aussi, le droit de rêver. L’horizon qui nous semblait lointain est désormais à portée de main. Nous avons le pouvoir avec nos seuls bulletins de vote, de faire en sorte que la Vox Populi devienne, chez nous aussi, la Vox Dei. Ne ratons pas cette occasion !

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