Lassitude au Zimbabwe : «Nous étions fatigués de Robert Mugabe»
ZIMBABWE :: POLITIQUE

Lassitude au Zimbabwe : «Nous étions fatigués de Robert Mugabe»

A Harare, la capitale, on ose à peine espérer un changement politique après la mise à l'écart de l'homme fort du pays. Au moins, il n'y a pas eu d'effusion de sang.

Il n’y a pas d’effusion de joie à Harare, pas d’expression d’une angoisse profonde non plus. Robert Mugabe, au pouvoir depuis presque quarante ans, seul président qu’une majorité de Zimbabwéens ont jamais connu, est assigné à résidence sous garde militaire. Et la capitale vit ce tournant historique avec une sérénité presque déconcertante.

Mercredi soir, au City Sports Bar, dans le centre ville, sous une boule disco où se reflètent des ampoules rouges et vertes, des clients décompressent autour d’une bière. Un couple flirte, assis sur de hauts tabourets qui se rapprochent subtilement ; un jeune homme, bouteille à la main, un peu éméché, tente un pas de danse. Sur les écrans de télévision accrochés aux murs, pas de chaîne d’information, mais des matchs de football et des clips de hip hop. Alors que des millions de Zimbabwéens en exil forcé ne lâchent pas leur téléphone, à l’affut de la moindre nouvelle ou rumeur sur les événements qui se déroulent au pays, Harare est résignée à attendre, vaguement soulagée par le sentiment de quasi-normalité qui prévaut dans ses rues, malgré la présence de l’armée.

«Il n’y a pas eu de violence, pas de sang versé, dit Louis, un étudiant en comptabilité, avant d’ajuster sa canne de billard. Nous étions fatigués de Robert Mugabe.» Un euphémisme pour quatre décennies d’un régime de plus en plus oppressif, marquées par le vol d’élections, le meurtre et la torture d’opposants politiques, une des pires hyperinflations jamais enregistrées, et le pillage des ressources du pays par les proches du président.

Au comptoir, la monnaie se rend en «bond notes», ces coupons monétaires similaires à des billets de Monopoly introduits pour faire face à la pénurie de devises dans le pays, qui témoignent de l’état désastreux de l’économie zimbabwéenne. La population avait protesté lors de leur mise en circulation l’an dernier, puis s’était résignée.

«Peut-être que ces événements marquent le début du changement», dit Louis, pas vraiment convaincu. Son optimisme entraîne le ricanement blasé de son adversaire de jeu. «Il ne peut rien sortir de bon d’une prise de pouvoir par les militaires, dit-il. Ils se débarrassent du "vieil homme", mais ce sont les mêmes qui sont aux commandes.»

L’homme qui apparaît désormais comme le probable successeur de Robert Mugabe, le vice-président limogé Emmerson Mnangagwa, 71 ans, n’est pas réputé pour son sens du compromis. Surnommé «le crocodile», on le dit même plus impitoyable que Robert Mugabe. S’il devait être nommé à la présidence du Zimbabwe, ce ne serait pas par choix populaire mais suite à sa nomination par les militaires. Dans un pays qui rêve depuis longtemps d’élections démocratiques, peut-être qu’il est trop tôt pour se réjouir, peut-être n’y a-t-il juste rien à célébrer.

Autour de la table, l’intérêt se concentre sur la partie en cours, plus que sur les tractations politiques qui se déroulent à huis-clos. Personne ne semble désirer, ce soir, se lancer dans une longue discussion politique. Alors on change de sujet. «Ça vous plait, le Zimbabwe ? demande Louis. C’est un beau pays. Vous allez visiter un peu ?»

Lire aussi dans la rubrique POLITIQUE

Les + récents

partenaire

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo