Cameroun : Transfert d’argent, Les opérateurs dictent leur loi
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Ces deux dernières décennies, à l’image de ce qui se passe dans tout le continent africain, les transferts d’argent observent une courbe ascendante au Cameroun. Un nouveau mode de paiement qui devrait davantage se développer, avec une diaspora de plus en plus nombreuse, à quoi l’on peut ajouter une importante migration interne des travailleurs.

Le secteur connaît une réelle métamorphose, avec la présence de nombreux opérateurs internationaux et nationaux ayant pour dénominateur commun les frais élevés appliqués lors des transferts d’argent.

Sur le plan purement interne, les transferts d’argent ont pignon sur rue, avec de plus en plus, des agences dans les zones rurales. Une densification du réseau qui s’explique entre autres par la démocratisation du téléphone portable, et le renforcement du réseau électrique qui font en sorte que des usagers ne sont plus obligés de se déplacer pour des opérations de ce genre.

A l’instar de Western union ou de MoneyGram, les sociétés de transfert d’argent au Cameroun ont développé une formule de payement simple et quasi-immédiat en toute sécurité. Résultat des courses, « il n’y a plus de raison de se plaindre de la non-réalisation de certains projets, en raison de la crainte de se déplacer avec de grosses sommes d’argent.

Le transfert électronique permet d’être à l’abri des agressions et autres braquages. Rapidité et sécurité accompagnent ce système qui explique sans doute son succès actuel avec des agences qui se créent au jour le jour », explique un chef d’agence d’une société de transfert d’argent basée à Douala.

Une position que semble appuyer des usagers, et dont l’écho favorable va au-delà des zones urbaines. Et pour cause, « il convient de reconnaître que l’apparition des sociétés de transfert d’argent a énormément facilité les choses, surtout pour des populations des zones rurales.

Maintenant, on n’est plus obligé de se rendre en ville pour retirer de l’argent. », témoigne un habitant de Ndikinimeki, localité située à près de 200 km de Yaoundé la capitale.

En tout état de cause, « si les sociétés de transfert d’argent n’existaient pas, il aurait fallu les créer. Car avec la faillite du système postal au Cameroun, des personnes habitant des coins reculés avaient tous les problèmes du monde pour effectuer des transactions financières. Avec l’arrivée des sociétés de transfert, nous pouvons en moins de cinq minutes, toucher l’argent envoyé de la ville ou de l’extérieur du pays », se réjouit un usager de Ndom, bourgade située à 220 km de Douala, la métropole économique.

Les résultats d’une récente enquête réalisée par l’Institut national de la statistique (INS) enseignent que « la grande majorité des transactions effectuées va aux dépenses quotidiennes (nourriture, habillement, soin de santé, fourniture et/ou pension scolaire voire universitaire) ». De même, les fonds envoyés à des proches sont destinés également « au payement de dettes, à la construction ou à la réparation de logements, bref à toutes les activités économiques et au fonctionnement des ménages ».

D’après les statistiques de la Division de la balance de paiements du ministère des Finances, le montant total des transferts d’argent en espèces de la diaspora en direction du Cameroun en 2014 s’élève à 218,7 milliards de francs CFA.

Les mêmes sources révèlent que le montant des transferts d’argent effectués par les Camerounais vivant à l’étranger est variable selon la zone. Ainsi, les pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) se taillent la part du lion avec 38 pour cent des transferts, suivi de la France avec 27 pour cent, des Etats-Unis 15 pour cent et 20 pour cent pour le reste du monde.

Ces fonds destinés majoritairement à assouvir les besoin élémentaires des familles restées au terroir sont en perpétuelle hausse, passait de 181 milliards de francs CFA en 2009 à 218,7 milliards de francs CFA en l’espace de cinq ans. Soit une augmentation de plus de 100 milliards de francs CFA.

Plusieurs acteurs locaux évoluent dans le secteur, entre autres, Express Union dont le réseau s’étend en Afrique centrale et de l’Ouest, Express exchange, Money union, Express transfert, Money flash, à l’instar des multinationales, ces opérateurs se singularisent également par des frais élevés.

Les usagers ne manquent pas « griefs » contre des sociétés de transfert d’argent qui « imposent toutes des frais de commission élevés, que ce soit les multinationales ou les sociétés locales ».

Une position rejetée par des opérateurs pour qui « des charges imposées par l’entreprise ne sont pas exorbitantes, parce que conformes à la réglementation en vigueur. Si nous exercions en marge de la loi, le régulateur nous aurait sanctionne

Pourtant, dans un rapport publié en mai 2015, le régulateur, en l’occurrence, la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC) relève des entorses à la réglementation par des opérateurs du secteur. Et pour cause, le règlement fixe à 0,25 pour cent et 0,50 pour cent du montant transféré, majoré éventuellement d’une taxe sur le chiffre d’affaires et de toute autre taxe spécifique, le taux de commission applicable, respectivement pour les transferts d’argent dans la zone CEMAC et en dehors.

Or, note le régulateur, « l’analyse des différentes grilles tarifaires produites par les Etablissements de micro finance (EMF) révèle, s’agissant des transferts domestiques, que la moyenne des taux oscille entre 0,10 pour cent et 5 pour cent tandis que pour les transferts internationaux notamment via Western Union et MoneyGram, les taux moyens varient entre 3,18 pour cent et 12,5 pour cent, avec des variations d’un établissement à l’autre » dénonce le régulateur et rappelle les sanctions encourues par les contrevenants. En attendant, c’est le statu quo.

Par ailleurs note le ministère des Finances, les Camerounais de l’étranger utilisent généralement des circuits « sous le manteau » pour effectuer des transferts de fonds, question d’éviter de payer les coûts de transfert élevés tels que pratiqués par les opérateurs comme MoneyGram et Western Union qui constituent un véritable duopole dans le secteur.

Les pertes enregistrées par le continent africain dans les transferts d’argent sont énormes. Même si les chiffres peuvent varier d’une étude à une autre, l’on s’accorde sur le caractère onéreux de ces transactions.

Dans un rapport publié en avril 2014, l’ONG britannique Overseas Development Institute (ODI) rapporte que les pertes enregistrées chaque année par l’Afrique, du fait des transferts d’argent, atteignent 1,8 milliard de dollars, soit 900 milliards de francs CFA.

Des montants en constante hausse. A en croire cette ONG, ces pertes atteignent des proportions inquiétantes à cause des frais de transferts élevés supportés par les Africains établis à l’étranger qui envoient régulièrement l’argent à leurs proches restés sur le continent.

Selon le rapport d’ODI, « en Afrique subsaharienne, les frais sont en moyenne de 12 pour cent sur les transferts de 200 dollars US, ce qui représente carrément le double de la moyenne mondiale ». Conséquence, « cette surtaxe sur les transferts détourne les ressources dont les familles ont besoin pour financer l’éducation, la santé et la construction d’un avenir meilleur ». Des observations qui nécessitent un meilleur contrôle des pouvoirs publics.

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