RD Congo : les États-Unis frappent du poing sur la table
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Rd Congo : Les États-Unis Frappent Du Poing Sur La Table :: Congo Democratic

Dans une lettre adressée à Donald Trump, sept sénateurs américains appellent le président américain à s'impliquer davantage dans le règlement de la crise politique en RDC.

Cette missive intervient à la veille du déplacement, très attendu, de Nikki Haley, l'ambassadrice des États-Unis à l'ONU, en RDC. En filigrane dans le texte, les sénateurs démocrates américains invitent Donald Trump à prendre, au besoin, de nouvelles sanctions contre le régime de Joseph Kabila.

Sept sénateurs américains à l'offensive

C'est une lettre qui continue de faire grand bruit à Kinshasa. Datée du mardi 3 octobre, elle est signée par sept sénateurs américains : Cory Booker (New Jersey), Sherrod Brown (Ohio), Ben Cardin (Maryland), Chris Coons (Delaware), Dick Durbin (Illinois), Edward Markey (Massachusetts) et Elizabeth Warren (Massachusetts). Tous sont élus démocrates à la Chambre haute, la plus prestigieuse, des États-Unis.

Le constat qu'ils brossent est sans appel. Pour ces sénateurs, la RDC traverse une crise politique très grave. Le responsable ? Joseph Kabila, accusé de n'avoir respecté ni l'esprit ni la lettre de l'accord de la Saint-Sylvestre, signé le 31 décembre 2016 sous l'égide de la Cenco, entre la majorité présidentielle et l'opposition en RDC. Un accord en vertu duquel des élections auraient dû être organisées avant la fin de cette année, et la période transitoire cogérée avec les opposants. Aujourd'hui, l'espoir a fait place au désabusement. Plus personne ne croit en la possibilité d'organiser l'élection présidentielle en 2017, y compris le Rassemblement de l'opposition de Moïse Katumbi et Félix Tshisekedi qui plaide désormais pour une « transition sans Kabila ». Corneille Naanga, le président de la Ceni, l'organe chargé de gérer le processus électoral, l'a d'ailleurs clairement affirmé ce mercredi 11 octobre : il n'envisage pas la tenue des élections avant… 2019. Et encore, cette date, pourtant lointaine, est incertaine. Quant à la cogestion de la transition avec l'opposition, Joseph Kabila a nommé un dissident du Rassemblement – Bruno Tshibala – à la tête du gouvernement. Il a fait de même à la tête du CNSA, le Conseil national de suivi de l'accord de la Saint-Sylvestre, avec Joseph Olenghankoy.

Une preuve manifeste, une de plus, selon les observateurs, de la mauvaise foi de Joseph Kabila à qui l'on prête la volonté de s'éterniser « aussi longtemps que possible au pouvoir » alors que son second et dernier mandat constitutionnel est arrivé à terme le 19 décembre 2016. L'attitude du chef de l'État et de sa majorité est vigoureusement dénoncée par les évêques congolais, médiateurs dans la crise politique congolaise, ainsi que par la communauté internationale qui a rappelé encore dernièrement, à l'occasion de la 72e Assemblée générale des Nations unies, la nécessité d'une application « intégrale » de l'accord de la Saint-Sylvestre.

Dans leur correspondance, les sénateurs américains insistent également sur la gravité de la crise sécuritaire en RDC. Sont évoqués notamment le conflit aux Kasaï, attisé par les forces gouvernementales et les milices progouvernementales, les troubles au Tanganyika et leur demi-million de déplacés, la résurgence des violences dans le Kivu ou encore la féroce répression des manifestations pourtant pacifiques à Kinshasa et dans les autres villes du pays.

Pour les sept élus américains, il y a donc urgence à agir. Ils prient le président Donald Trump de désigner un nouvel ambassadeur des États-Unis à Kinshasa (le dernier, James Swan, a pris sa retraite ; il est temporairement suppléé dans ses fonctions par Dennis Hankins, l'ambassadeur américain en Guinée). Ils lui demandent également de nommer un secrétaire d'État adjoint aux Affaires africaines, ainsi qu'un administrateur adjoint chargé de l'Afrique au sein de l'Usaid, l'organisme qui gère l'aide au développement américaine. Selon ces sénateurs, pourvoir ces postes restés vacants par des responsables permanents permettrait, à coup sûr, d'accroître l'efficacité des actions diplomatiques américaines sur le continent africain.

Demande de nouvelles sanctions de Washington à l'encontre de Kinshasa

Surtout, ces élus demandent à Donald Trump d'envisager la prise de nouvelles sanctions contre le régime de Joseph Kabila. « Si le gouvernement [congolais] refuse de respecter l'esprit et la lettre de l'accord [de la Saint-Sylvestre], les États-Unis devraient utiliser les moyens dont nous disposons, notamment l'adoption de sanctions [individuelles] », écrivent-ils. Dans leur esprit, il s'agit d'« affecter le calcul des individus qui ont une forte influence sur le président Kabila pour l'exhorter à changer de cap ».

En juin et en septembre 2016 déjà, plusieurs hauts responsables du régime avaient été frappés par des sanctions américaines. Une première salve complétée en décembre dernier par une seconde, visant tout particulièrement l'appareil sécuritaire. Les intéressés ont à la fois été frappés au portefeuille (gel de leurs avoirs extérieurs et de tous ceux libellés en dollars) et contraints dans leurs déplacements (non-délivrance de visas pour se rendre aux États-Unis). Des sanctions similaires ont, dans la foulée, été prises par l'Union européenne. Si, aujourd'hui, les sénateurs américains en demandent une nouvelle salve, c'est que celles-ci ont démontré leur efficacité. « Ces sanctions individuelles permettent de neutraliser certains éléments du régime de Joseph Kabila et d'en perturber d'autres. Peu à peu, son carré de fidèles est déstabilisé », observe une source diplomatique à Kinshasa.

Kinshasa oscille entre incompréhension et dénigrement

À Kinshasa, la missive des sénateurs américains n'a pas – c'est peu de le dire – été du goût des autorités. Barnabé Kikaya Bin Karubi, le conseiller diplomatique de Joseph Kabila, a fait part de son incompréhension. « Nous sommes surpris par le fait que [ces sénateurs] reviennent sur un argumentaire dépassé, alors que nous avons eu à leur expliquer de long en large la situation réelle, politique et sécuritaire, en RDC », a déclaré ce dernier à l'hebdomadaire Jeune Afrique. « Nous avons l'impression qu'ils ne nous écoutent pas. C'est très inquiétant s'ils se contentent de ce que leur disent des opposants intéressés qui ne cherchent qu'à en découdre avec le pouvoir en place à Kinshasa », a ajouté, dépité, ce diplomate très proche du chef de l'État RD congolais.

Lambert Mende, le ministre de la Communication, s'est, lui, montré, comme à son habitude, plus caustique. « Ces sénateurs sont des démocrates. C'est l'opposition au président Trump. Il faut le préciser. Ils sont minoritaires au Parlement. Ils ne peuvent pas nous faire peur. Ça nous importe peu, leur action, c'est improductif. Ça n'aura pas d'effet. […] L'accord du 31 décembre est en cours d'application et nous n'allons pas céder face à ces gens qui sont de l'opposition aux USA », a répliqué sur le site d'information Actualite.cd celui qui est également porte-parole du gouvernement.

Un argumentaire qui n'a, semble-t-il, guère convaincu les commentateurs. Et pour cause, si cette lettre est signée exclusivement par des sénateurs démocrates, leurs vues sur la RDC sont partagées par nombre d'élus du camp républicain, les questions de politique étrangère étant largement transpartisanes aux États-Unis. Ensuite, parmi les signataires, figure Cory Booker, étoile montante du Parti démocrate, star des médias et souvent dépeint comme potentiel successeur de Barack Obama. « Au Sénat, son influence va bien au-delà des rangs démocrates », explique un professeur de sciences politiques de l'université de Columbia qui le connaît personnellement. Enfin, il n'a échappé à personne que les deux salves précédentes de sanctions décidées par les États-Unis l'ont été par l'administration Trump. À l'occasion de la dernière Assemblée générale de l'ONU, le président américain s'est d'ailleurs dit profondément préoccupé par la situation en RDC.

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