Emile Onambélé Zibi : L’homme qui faisait perdre le sommeil à ses « frères »
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Controversé et brocardé (de jour) par l’élite politico-administrative pour ses positions qui dérangeaient autant que ses méthodes, l’ancien président du Tonnerre Kalara Club, décédé hier à 73 ans, était pourtant le porte-flingue d’une majorité sourde des autochtones du Mfoundi. Vie et mort du patriarche betsi, qui laisse un héritage difficile à assumer.

Il n’était pas à proprement parler un tribun, et pourtant il avait acquis au cours des dernières années une popularité que très peu de ses « frères » du Mfoundi peuvent aujourd’hui revendiquer, grâce notamment à ses positions qui dérangeaient autant que ses méthodes martiales. Octobre 2016. Dans un mémorandum au vitriol adressé au chef de l’Etat, Paul Biya, sous le couvert de l’Association des patriarches du Mfoundi dont il est président, Emile Onambélé Zibi estime que les fils et filles du département siège des institutions de la République sont « absents de tous les cercles de décision qui engagent le présent et l’avenir du pays, alors que nous sommes pour l’essentiel les principaux acteurs de notre histoire. Le Rdpc, le parti au pouvoir dans lequel vous nous avez entraînés, ne vous appartient plus. D’ailleurs, nous y avons toujours occupé des positions subalternes […] Nous vous avons toujours donné nos suffrages dans les marchandages. Cela ne sera plus le cas. Ce marché de dupes doit s’arrêter. Car, après vous, un autre pouvoir nous fera payer notre fidélité naïve et aveugle à votre endroit ».

Dans son brûlot, le vieil homme assène : « Nos peuples sont dispersés et dilués. Nos terres sont uniquement confisquées et revendues. Bientôt, nous serons sans repaire, sans culture, sans village. Nous n’entendons plus nous laisser faire. Pour nous, il s’agit de lutter pour notre survie ». Ce pavé jeté dans une mare… du Mfoundi déjà très agitée par des querelles de leadership obligera un certain nombre de ses crocodiles à les mettre entre parenthèses et faire bloc contre cet « ennemi de l’intérieur ». Sur convocation de Philippe Mbarga Mboa, ministre chargé de Missions à la présidence de la République et ancien ministre des Sports, « les 44 familles » du département tiennent une réunion d’urgence le 20 octobre à la salle des actes de la communauté urbaine de Yaoundé, « pour parler de cette lettre qui a sali [leur] village ».

Déstabilisation

Sont présents à cette rencontre, entre autres acteurs : le ministre de la Santé publique, André Mama Fouda ; le ministre des Petites et Moyennes entreprises, de l’Economie sociale et de l’Artisanat, Laurent serge Etoundi Ngoa et le secrétaire général des services du Premier ministre, Séraphin Magloire Fouda. Il s’agit en réalité d’un procès qui verra la condamnation par contumace du patriarche à une « prison symbolique » d’un an. « Cette lettre [celle d’Onambélé Zibi] n’est pas sérieuse et on ne s’adresse pas au président de la  République avec autant de légèreté.

Nous n’avons même pas été consultés. C’est ma fille qui m’a appelé depuis la France pour me dire que c’est très grave là-bas », s’offusquera lors de cette causerie en langue « ewondo », le secrétaire général de l’Assemblée nationale et fils du Mfoundi, Victor Yene Ossomba. En plus de l’avoir exclu des activités politiques du Rassemblement démocratique du peuple camerounais pour une période d’un an, l’élite politico-administrative du Mfoundi demandera au reste des chefs traditionnels du département de le mettre sous embargo, afin de se désolidariser de « toutes les manoeuvres de déstabilisation, d’exclusion et de division susceptibles de remettre en cause l’hospitalité, l’esprit d’ouverture, la volonté de vivre ensemble et la tolérance qui caractérisent les natifs du Mfoundi et leur adhésion totale aux idéaux de paix et d’unité nationale prônés par le président de la République ». Il s’agissait-là en tout cas d’un énième revers qu’essuyait le truculent patriarche de la famille Mvog-Tsoung’Mballa de la part des siens, en essayant de se faire leur porte-parole.

Son caractère sulfureux lui avait déjà valu, en 2009, une exclusion du conseil de communauté de Yaoundé où il siégeait comme grand conseiller. Gilbert Tsimi Evouna n’avait pas supporté que celui-ci s’opposât publiquement à la validation d’une délibération de cette instance. A la suite de la libération des leaders arrêtés dans le cadre des manifestations en cours dans les régions du Nord- Ouest et du Sud-Ouest, Emile Onambélé Zibi avait à nouveau fait parler de lui en lançant un appel à la libération de tous les prisonniers betsi de l’opération « Epervier ».

C’était  visiblement le chant du cygne. Homme controversé et cloué au pilori par une certaine opinion, celui qui a dirigé le Tonnerre Kalara Club entre 2008 et juin 2017 était un amoureux du football, autant qu’il portait d’une certaine façon la voix du Mfoundi pour ce qui est de ses revendications politiques. Ce doyen incompris – certainement à cause de ses méthodes - était en effet le porte-flingue d’une majorité sourde des autochtones de Yaoundé qui ruminent leurs frustrations. Et de ce point de vue, il laisse un héritage difficile à assumer. Surtout par l’élite de son département qu’il jugeait d’hypocrite y compris vis-à-vis du chef de l'Etat et ne trouvait pas assez représentative, mais qui ne manquera pas d’aller revendiquer la préséance à ses obsèques.

Décédé hier des suites d’un arrêt cardiaque au Centre des urgences de Yaoundé à l’âge de 73 ans, Emile Onambélé Zibi était toujours le président de l’Association des clubs de football professionnels du Cameroun.

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