Cameroun, Escalade de la violence en région anglophone : Comment sommes-nous arrivés là! s'interrogeait Marafa Hamidou Yaya Il y'a onze mois, et proposait des mesures de sortie de crise
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Cameroun, Escalade De La Violence En Région Anglophone : Comment Sommes-Nous Arrivés Là! S'Interrogeait Marafa Hamidou Yaya Il Y'A Onze Mois, Et Proposait Des Mesures De Sortie De Crise :: Cameroon

Presque un an  après le début  de ce qui était  une revendication des enseignants et avocats des régions anglophones de notre pays, la situation s'est progressivement dégradée et a abouti aujourd'hui à une crise institutionnelle. Plutôt que de dialoguer avec les populations  afin de résoudre pacifiquement le problème le régime a opté pour la politique de l'autruche et s'est enfermé dans une logique de répression sanglante et aveugle des populations.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi, aujourd’hui, des Camerounais affrontent-ils d’autres Camerounais ? Pourquoi cette effusion de violence fratricide ? 

Ce sont les questions qu'avait posées Marafa Hamidou Yaya au tout début de ces revendications il y'a presque 11 mois  dans une lettre qu'il adressait au peuple le 12 decembre 2016.

Soucieux d'une Nation Unie où tous les Camerounais doivent vivre en paix et en harmonie, Marafa Hamidou Yaya avait analysé la situation et proposé une série de mesures à mettre en place pour résoudre définitivement ce qui est devenu une crise et éviter le Chaos. Il s'agissait de 
-la rédaction d'un code de vivre ensemble entre les deux communautés, basé  sur la loi de 2004.
-la création d'un conseil national de l'unification.
-le retour de la nation à son appellation de « république unie du Cameroun » et à l'esprit de 1972.

Plutôt que de ressusciter le fantôme du fédéralisme, Marafa Hamidou Yaya  propose la diversité dans l'unité, une décentralisation véritable, qui engagera notre pays dans la modernité et le progrès.

Mais fidèle à sa logique, Paul Biya fait fi de ces propositions, engage nos forces de défense dans une répression fratricide et meurtrière ce qui  engendre une radicalisation des points de vue et nous conduit peu à peu vers le Chaos.

Relisons la lettre de Marafa Hamidou Yaya  ( du 12/12/2016) à ses compatriotes.

F.A.N  (ASMA)

Camerounaises, Camerounais, chers compatriotes anglophones et francophones,

Ces dernières semaines, le profond malaise des Camerounais anglophones a tourné à la colère lorsque des avocats et des professeurs ont investi les rues de Bamenda et de Buea pour réclamer un plus grand respect du bilinguisme de notre pays au sein de ses systèmes judiciaire et éducatif.
Depuis quelques jours, cette colère se mue malheureusement en violence: dans ces mêmes rues, de jeunes partisans de l’indépendance des provinces anglophones affrontent désormais les forces de l’ordre. Le sang coule, des hommes meurent. Comment en sommes-nous arrivés là? Pourquoi, aujourd’hui, des Camerounais affrontent-ils d’autres Camerounais? Pourquoi cette effusion de violence fratricide?

Lorsque, par le référendum du 20 mai 1972, le peuple camerounais a choisi de mettre fin au fédéralisme pour donner naissance à une «République unie du Cameroun», l’ambition de tous, anglophones et francophones réunis, était, me semble-t-il, de préparer l’avènement d’un Camerounais nouveau, biculturel, héritier à part égale des «leçons» retenues des deux régences et susceptible de tirer le meilleur de ces deux héritages.
Les événements actuels prouvent suffisamment que ce projet a échoué.

Deux identités camerounaises distinctes coexistent aujourd’hui, et les anglophones éprouvent à raison le sentiment d’être marginalisés, d’être des citoyens d’un rang inférieur à celui des francophones. Le bilinguisme inscrit dans notre Constitution étant appliqué de façon profondément inégalitaire dans l’administration, la justice et l’enseignement, ils ne jouissent pas de l’égalité des chances qui devrait être accordée à tous les citoyens d’un État moderne et démocratique. Cette inégalité frappe également leurs conditions de vie: ils souffrent, plus encore que leurs compatriotes francophones, du chômage et du déficit en infrastructures. Et les anglophones n’ont aucun recours, aucun relais pour dénoncer ces discriminations, puisque, enfin, leur communauté est largement tenue à l’écart des postes clés de l’État et de l’administration, y compris au sein de leurs propres régions.
Les Camerounais anglophones, qui ont aujourd’hui le sentiment que leur destin leur échappe, dénoncent à raison la trahison de l’esprit du pacte d’unification établi en 1972 entre les représentants des deux communautés.
Du non-respect de ce pacte, la responsabilité incombe d’abord aux francophones, et ces derniers doivent reconnaître leurs torts. En plus, de «République unie», notre pays est devenu simple «République» par le changement de la loi par une majorité simple, un glissement sémantique annonçant l’oubli progressif de l’identité biculturelle du Cameroun par un pouvoir monoculture! Et centralisateur. Les dirigeants francophones n’ont pas rempli les engagements qu’ils avaient pris en 1972 vis-à-vis de leurs compatriotes anglophones. Mais les leaders anglophones qui avaient pris part à ce pacte d’unification ont eux aussi manqué à leurs devoirs: cette dérive du pouvoir francophone, ils n’ont pas su – ou pas voulu, trop satisfaits de leurs privilèges personnels- la dénoncer.

La nouvelle génération de Camerounais anglophones, qui souffrent des effets conjugués de cette trahison et de ce renoncement, doivent-ils pour autant tourner le dos à leur identité camerounaise, à notre histoire commune? Sans même parler du caractère illusoire et suicidaire d’une indépendance du Cameroun anglophone, le retour au fédéralisme, que réclament aujourd’hui bon nombre d’anglophones, n’est pas une solution à leurs difficultés. Revenir aujourd’hui à deux États fédérés, l’un anglophone et l’autre francophone, consacrerait définitivement l’échec du pacte de 1972, et ne ferait qu’accentuer le caractère marginal, sur le plan économique comme géographique, des régions anglophones.

Il faut au contraire donner enfin vie au pacte de 1972, bâtir enfin une République unie du Cameroun.
Car le bilinguisme, héritage de notre histoire, est aujourd’hui une chance pour notre pays. Seul pays bilingue franco-anglais au monde avec le Canada, un modèle pour le moins inspirant, le Cameroun pourrait, en instaurant un bilinguisme égalitaire, s’insérer plus efficacement dans les pratiques et les codes d’un monde globalisé.
Pour y parvenir, il ne faut donc pas ressusciter le fantôme du fédéralisme, mais bien plutôt faire le choix de la modernité et du progrès, celui de la diversité dans l’unité, en engageant enfin la décentralisation du pays. Les représentants des deux communautés doivent s’asseoir autour d’une table et rédiger un nouveau code du vivre ensemble sur la base de l’expérience passée et des lois de décentralisation de 2004, qui sont malheureusement restées pour l’essentiel lettre morte à ce jour. Cette concertation renforcée sera propice au développement des infrastructures du Cameroun anglophone, et pourrait, par exemple, aboutir à la construction d’un nouvel aéroport international, ou à la construction d’une université jumelée avec une institution prestigieuse internationale offrant des formations spécifiques et de pointe (pilote, high-tech, .. ) et inexistantes dans la zone francophone.

Je propose aujourd’hui qu’un Conseil National de l’Unification soit créé au plus haut niveau de l’État: il se réunira tous les 6 mois pour évaluer la mise en œuvre de ce code dont la finalité sera l’avènement du Camerounais nouveau, riche de sa culture double. Pour marquer symboliquement mais puissamment la rupture avec la politique centralisatrice que mène le gouvernement depuis plus de 30 ans, je propose également que notre pays retrouve son appellation de « République Unie du Cameroun» ainsi que le drapeau arborant deux étoiles jaunes sur la bande verte, au lieu d’une étoile jaune sur la bande rouge comme c’est actuellement le cas.
Le retour à l’esprit de 1972 est la meilleure garantie d’un avenir harmonieux et prospère pour tous les Camerounais.

Yaoundé, le 12 décembre 2016
Marafa Hamidou Yaya,

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