Cameroun : Corruption au cœur de la gestion des ressources forestières et fauniques
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Cameroun : Corruption au cœur de la gestion des ressources forestières et fauniques :: CAMEROON

Faute d’avoir assouvi ses intérêts sur le dos des populations, l’association Fusion Nature veut s’en prendre au sous-préfet.

Les faits laissent perplexes surtout lorsqu’on a affaire à une structure locale qui se dit œuvrer pour la protection des intérêts des populations riveraines. C’est qu’au Cameroun, la chasse sportive est pratiquée dans le cadre de safaris ouverts à des chasseurs amateurs dans des zones spécifiques qui sont affermées par l’Etat à des guides professionnels. Il s’agit d’une Zone d’Intérêt Cynégétique à Gestion Communautaire (ZICGC) qui est le produit d’une révision de la notion de territoire de chasse prévue par le décret n°95/466/PM du 20 juillet 1995, la « Convention de Mambélé » en juin 1999, dont les propositions sont officiellement entérinées par l’arrêté ministériel n°1236 du 20 septembre 2000. Ces ZICGC qui s’étendent sur des Unités Forestières d’Aménagement (UFA) et des aires protégées sont, en principe, gérées localement par des Comités de Valorisation des Ressources Fauniques (COVAREF), qui disposent d’un statut d’association.

Dans cette affaire qui frise le ridicule, tout commence en septembre 2014, lorsque l’association Fusion Nature-Cameroun (FNEC) qui œuvre pour le Développement de l’Environnement au Cameroun, créée en 2008 et reconnue officiellement par le récépissé de déclaration N°047/RDA/B15/A2/SAAJP du 09 novembre 2011, basée à Bertoua, s’engage dans la voie de la préservation des intérêts inavoués d’une société de chasse sportive, la société Mayo Oldiri, basée à Garoua.

C’est ainsi dans une note N°05/SG/DAF/AGM/FMO/FNEC du 04 septembre 2014 adressée au président du Covaref Boumba Ndjombe de la ZIGCN°2 à Mbatia Ndjong, le coordonnateur de la Fnec, Michel Ndoedje sollicite une réunion avec les membres du Covaref N°3 en date du 14 septembre 2014. Il souhaite d’ailleurs la compagnie de Mohounga Mohounga Nga Roche Lenoir, assistant guide chasse et de Ahmadou Bia , directeur Général de la société Mayo Oldiri. En réalité, sentant la fin de la convention qui lie la société de chasse Ngoko Safari au Covaref , l’association FNEC voulait orchestrer des manœuvres pour positionner leur protégé. Une démarche qui s’est heurtée à une réaction inattendue des autorités.

Coup de massue

Malheureusement, le Ministre de des forêts et de la faune va mettre un terme à leur ambition. Dans une correspondance N°1077/L/MINFOF/SG/DFAP/SOVEF/SGCP du 24 février 2015, Ngole Philip Ngwese instruit son délégué départemental de Yokadouma qu’en raison du flou qui persiste dans la gestion du Covaref N°3 « d’accorder cinq ans de plus à la société de chasse sportive Ngoko Safari à compter du 30 avril 2015 date d’expiration du contrat liant cette structure au Covaref N°3 ». Il s’agissait, pour le membre du gouvernement, d’une période transitoire pendant laquelle « la société de chasse va achever les réalisations qu’elle a commencées et pour permettre au Covaref N°3 de se restructurer à nouveau ». Toutefois, le ministre insiste que son représentant régional veille scrupuleusement à ce que les bureaux dudit Covaref se renouvellent en présence du sous

préfet en référence à l’article 17 de l’arrété conjoint N° 00076/%INATD/MINFI/MINFOF du 26 juin 2012 fixant les modalités de planification, d’emploi et de suivi de la gestion des revenus de l’exploitation des ressources forestières de fauniques, destinés aux communes et aux communautés villageoises riveraines. Toujours est-il que cette disposition légale stipule en son article 17, alinéa 5 que le « sous-préfet territorialement compétent convoque et préside les réunions au cours desquelles, le président, le vice-président, les représentants des autorités traditionnelles, des communautés villageoises riveraines et des populations autochtones membres du Comité sont élus et en constate la composition ». Toute chose qui n’avait pas été pris en compte dans la mise sur pied du Coveref N°3 à problème. Toutefois, le ministre avait exigé, à la lumière du Décret N° 95 /466/ PM DU 20 Juillet 1995, fixant les modalités d'application du régime de la faune, que « la signature des différents contrats de gestion avec les partenaires retenus pour la gestion des ZICGC se fassent en présence du sous-préfet territorialement compétent ».

Dans une autre correspondance, N°1079/L/MINFOF/SG/DFAP/SOVEF/SGCP signée le même jour, le Minfof a prévenu le Directeur général de la société de chasse sportive Mayo Oldiri GIE basée à Garoua que le contrat liant le Covaref N°3 à la société Ngoko safari reste en vigueur. Tout en lui demandant de « bien attendre l’expiration dudit contrat avant de vous engager à signer un nouveau contrat avec les responsables desdits Covaref si cela s’avère nécessaire, ceci en présence du sous-préfet de moloundou et du délégué départemental des Forêts et des Faunes de Boumba et Ngoko dans le strict respect des dispositions de l’article 82 relatif à la sous traitance » , du décret susmentionné.

Aussi, dans la correspondance N° 1080/L/MINFOF/SG/DFAP/SOVEF/SGCP du 24 février 2015, Ngole Philip Ngwese informe le directeur de la société de chasse Ngoko Safari que tous « les avenants à la convention liant le Covaref N°3 à votre société sont nuls et de nul effet ». Tout en lui recommandant de « continuer à gérer la ZICGC N° 3 pour une nouvelle période de cinq ans à compter du 30 avril 2015, date d’expiration de l’ancienne convention. Pendant cette période de transition, vous êtes tenu de respecter vos obligations contractuelles , notamment, l’augmentation de la taxe d’affermage de la ZICGC à 100 FCFA/ha et le respect des réalisations sociales conclues ». Des précautions gouvernementales qui allaient à l’encontre des intérêts de l’association FNEC.

Manœuvres

Mais, Fusion nature a feint d’ignorer les prescriptions du ministre pour prendre de l'argent à la société Mayo Oldiri GIE. Au fait, son coordonnateur a voulu se servir de ses propres parents pour se couvrir à travers la distribution à chacun desdits parents, une somme de 10 000 Fcfa. Question de tenter de les convaincre de chasser la société Ngoko Safari. L'affaire n'ayant pas abouti, il a déposé une plainte dans les services du sous-préfet de Moloundou contre ses géniteurs pour remboursement. Ces riverains, très courroucés, ont procédé chacun au remboursement de ladite somme.

Dans une correspondance adressée au sous-préfet de Moloundou et datée du 17 juin 2015, Michel Ndoedje, coordonnateur du FNEC s’est passé pour le mandataire officiel de la société

Mayo Oldiri GIE pour solliciter une décharge de cette somme de un million Fcfa. Alors que le 13 juin 2016, le représentant local de la société Mayo Oldiri, Mohounga Mohounga Nga Roche Lenoir, et par ailleurs fils du Chef de Canton Bangando de Moloundou, avait déjà déchargé à Mbatékà Ndjong, une bourgade de l’arrondissement de Moloundou la dite somme de un million Fcfa auprès du sous-préfet de Moloundou « au titre de remboursement de l’argent qu’il avait versé au chef des villages dans le cadre de l’acquisition de la ZICGC N°3 exploitée officiellement par la société Ngoko Safari Sarl , tel que précise la décharge. Un remboursement qui faisait suite à la plainte pour corruption que le représentant de la société avait déposé à la sous-préfecture de Moloundou afin qu’une solution soit trouvée à l’amiable à leur différend.

Au cœur de cette affaire, c’est en fait une grosse machine d’intérêts qui s'est mise en place. Ce qui semble justifier le complot qui se trame contre le sous-préfet qui les a combattus fortement dans leur mafia dans l’optique de protéger les intérêts de ses administrés.

Péril

Dans l’arrondissement de Moloundou, la gestion des ZICGC se heurte à une crise majeure liée à l’accroissement des coûts opérationnels de gestion d’une zone de chasse lié notamment à la lutte contre le braconnage et contre les empiètements, les faibles compétences de certains « guides de chasse » peu intéressés par une gestion durable de la faune. Et surtout, une diminution des prix des safaris en lien avec la disparition d’espèces appréciées des chasseurs, et un fort sentiment d’insécurité dans certaines zones. Pourtant, pour les ZICGC, les COVAREF, l’absence de performance est liée au fait que les hommes bantou sont largement surreprésentés, les coûts de transaction importants, au détriment de l’investissement et surtout la mauvaise gouvernance et le peu de coordination avec les autres initiatives de développement rural. Toute chose qui rend inefficace l’application de la Loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche et ses modificatifs subséquents.

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