Cameroun :Cameroun: Prisonniers politiques et les nouveaux martyrs de la République / Cameroon: Political Prisoners and the New Martyrs of the Republic
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Cameroun :Cameroun: Prisonniers politiques et les nouveaux martyrs de la République / Cameroon: Political Prisoners and the New Martyrs of the Republic :: CAMEROON

Le récent article paru dans l'Œil du Sahel le 28 août et intitulé « Cameroun-Garoua-Porte-Discretement-le-Deuil-de-Hadja-Noura» est très instructif sur le pouvoir de l'État et le management de la mort au Cameroun. Pour ceux qui expriment encore le doute sur la notion de prisonniers politiques au Cameroun, il faut se poser la question de savoir pourquoi les dénommés «prévaricateurs de la fortune publique», tels qu'ils sont appelés par le régime de Yaoundé, et qui sont habituellement présentés comme des criminels de droit commun sont ainsi soumis à des régimes pénitentiaires spéciaux et incarcérés sous un régime de sécurité maximale auxquels, y compris les meurtriers, les violeurs, et les pédophiles ne sont pas soumis?

Qu'est-ce qui peut donc expliquer cette forme de réaction excessive du pouvoir d'État au Cameroun?

Cela a trait au fait que, comme l'ont souligné des érudits, comme Achille Mbembe, le pouvoir de l'État au Cameroun est défini par le commandement sur la vie et la mort que Mbembe appelle «nécropolitique». Ce commandement sur la vie et la mort est formalisé dans un cadre juridique dit de Patria Potestas, c'est-à- dire est l'idée suivant laquelle les Camerounais ordinaires sont des « créatures du président de la république ». En tant que tel, le président a le pouvoir de la vie et de la mort sur tous les Camerounais, comme il a lui-même reconnu lors d'une interview avec l'ancien présentateur du journal télévisé de la CRTV, Éric Chinje en 1994.

En ce sens, le penseur français Patrick Boucheron définit la politique comme une forme de théologie laïque où les prisonniers politiques sont les nouveaux martyrs de la république parce qu'ils n'ont pas le pouvoir de remédier aux dénis de justice par des procédures constitutionnelles. Dans les régimes despotiques légaux, la Cour constitutionnelle n’a pas le pouvoir de remédier aux erreurs judiciaires évidente. Le rôle des tribunaux est uniquement de faire respecter les volontés du président qui nomme et renvoi les juges selon son bon vouloir.

En outre, même dans la mort, les prisonniers politiques ne sont pas laissés en paix, et le président décide ainsi qui a le droit de faire le deuil notamment qui peut ou ne peut pas pleurer ses mort; et même qui devrait être enterré et qui ne devrait pas.

Cela explique pourquoi Garoua, la ville natale du célèbre prisonnier politique Marafa Hamidou Yaya est maintenue dans un épais mur du silence forcé. À travers ce mur du silence, la puissance d'État montre sa vraie couleur, une fois de plus, et c'est là où l’abus de pouvoir dépasse les toutes formes de décence humaine. La mort de Jeannette Marafa vendredi 25 août est la démonstration ultime des obscénités de la culture politique camerounaise. La dictature de Yaoundé et son antipathie maladive envers ses adversaires politiques (internes) et/ou perçus comme tels l'a amène à perdre toute forme de décence humaine. Celui qui l'incarne a déjà oublié son rôle de gardien de la constitution camerounaise.

Il n'y a en effet aucun moyen d'expliquer pourquoi une ville voire une région entière ne peut pas avoir le privilège de pleurer et d'enterrer l'un(e) des leurs en toute intimité sans avoir l’épée de Damoclès de la répression aveugle qui pèse sur sur la tête de ses habitants et ressortissants. Ce n'est plus une affaire politique, c'est simplement indécent, car si le despote de Yaoundé a encore une once d’humanité en lui, il devrait ou aurait dû faire quelque chose pour rémédier à cette situation tragique.

Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)
http://www.cl2p.org

English version

Cameroon: Political Prisoners and the New Martyrs of the Republic

The recent article from Oeil du Sahel titled “Cameroun-Garoua-Porte-Discretement-le-Deuil-de-Hadja-Noura-Cameroon, Camer.be 8/28/171 is very informative on state power and necropower in Cameroon. For those who still discuss the notion of political prisoners in Cameroon, one has to asks himself the question why does “prevaricators of the public fortune,” as they are called by the regime, which usually are common law crimes are subjected to different forms of penal regimes and incarcerated under spaces of confinement under a regime of maximum high security that convicted murderers, rapists and pedophiles are not even subjected to.

What explains this form of state overreaction? 

It has to do with the fact that as pointed out by scholars, such as Achille Mbembe, state power in Cameroon is defined by the command of life and death that Mbembe calls “necropolitics.” This command over life and death is driven by Patria Potestas which is the idea that ordinary Cameroonians are the “creatures of the president.” As such, the president has the power of life and death over any Cameroonians as he recognized himself during an interview with Eric Chinje in 1994.

As “creatures,” Cameroonians are, therefore, unified subjects created by the president. This recognition legitimizes a politics obsessed with consensus. Hence, while democracy is the management of conflicts where the opposition plays a role and is placed in a logic of contribution, there is no need for oppositional contribution in Cameroon since the politics is based on winner takes all politics. In this system, people who defy the power of the president or are perceived to be defying his power are subjected to his sovereign power.
In Necropolitics, sovereign power belongs to the president not to the people.

In this sense, as French thinker Patrick Boucheron who defines politics as secular theology, political prisonners are the new martyrs of the republic because they have no power to remedy miscarriages of justice through constitutional procedures. In legal despotic regimes, the constitutional Court neither exonerates nor reverses the result of previous findings. The courts’ role is to enforce the wishes of the president who nominates and fires judges at will.

Moreover, even in death, political prisoners are not left in peace as the president decides who must be mourned of who is not; who should be buried and who should not. This explains why Garoua, Marafa Hamidou Yaya’s hometown in under and enforced wall of silence. In the process, state power showing its true colors, once more, and this is where necropower trumps any forms of human decency.
The death of Jeanette Marafa blows opens the obscenities of Cameroonian political culture. The regime of Yaoundé’s antipathy to his perceived political opponents leads them to lose all ounce of human decency. They have already forgotten their role as guardian of the Cameroonian constitution. There are no ways to explain why a city cannot have the privilege to mourn and bury one of its own in total privacy with big brother breathing down people’s necks. This is no longer about politics, it is simply indecent and if people in Yaoundé still have an ounce of humanity remaining, they should do something about this tragic situation.

The Commitee For The Release of Political Prisoners (CL2P)
http://www.cl2p.org
1 http://www.camer.be/62381/11:1/cameroun-garoua-porte-discretement-le-deuil-de-hadja-noura-cameroon.html

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