MANOEUVRES : Bolloré en passe de s’emparer du port de Kribi
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Après le terminal à conteneurs, le milliardaire breton contrôle désormais le terminal polyvalent grâce au rachat des actifs de Necotrans.

Un consortium conduit par Bolloré va reprendre une partie du groupe français de logistique portuaire et minière français Necotrans en liquidation judiciaire depuis le 29 juin 2017. Ainsi en a décidé le tribunal de commerce de Paris le 25 août dernier. Ce consortium est constitué de Bolloré Africa Logistics (BAL), filiale du groupe Bolloré, d’African Ports & Corridors Holdings (APCH), véhicule d'investissement basé à Maurice et constitué par le gérant de fonds African Investment Infrastructure Managers (filiale de la compagnie d'assurance britannique Old Mutual), du groupe marocain Premium, spécialisé dans la distribution de biens d'équipement, et du groupe de construction navale libanais Privinvest.

Parmi les actifs acquis,  l’on compte en bonne place le terminal polyvalent du port autonome de Kribi (Pak), informe la version web du journal français Les Echos. Une information d’ailleurs confirmée par une source interne au groupe Bolloré. Necotrans s’est associé à un groupe de privés locaux réunis au sein de Kribi Port Multi Operators (KPMO) pour répondre à un appel d’offre lancé par le Cameroun. Cet appel d’offre visait à sélectionner un concessionnaire pour l’exploitation du terminal polyvalent du Pak. Et en août 2015, le groupement Necotrans – KPMO est désigné adjudicataire de la concession de ce terminal. L’arrangement entre les parties prévoit que le groupe français de logistique portuaire et minière détiendra 60 % des parts de l’entreprise à créer pour gérer le terminal et le groupe camerounais 40%. «Ce sont les droits de Necotrans dans ce groupement qui ont été rachetés par le consortium Bolloré», explique-t-on au sein du groupe.

Convoitises

De sources internes, le groupe Bolloré commence à lorgner le terminal polyvalent du Pak avec la mise en liquidation judiciaire de Necotrans. Cette mise en liquidation est suivie, le 11 juillet 2017, par une lettre du secrétaire général de la présidence de la République du Cameroun. Dans ce courrier, Ferdinand Ngoh Ngoh répercute à Magloire Séraphin Fouda, le secrétaire général des services du Premier ministre, les «hautes instructions » du président de la République au sujet de la mise en service de la plateforme portuaire de Kribi. On y apprend que, pour ce qui concerne ce terminal, Paul Biya prescrit de « constater la carence du groupement Necotrans – KPMO et de proposer, par la suite, des solutions alternatives pour un démarrage rapide des activités sur ce terminal».

Cette lettre suscite des appétits. Les groupes singapouriens Olam International et philippin International Container Terminal Services Inc. (ICTSI) formulent d’ailleurs des offres (voir encadré). Mais dans l’impossibilité d’en faire autant, compte tenu de la volonté clairement exprimée par les autorités camerounaises de ne pas confier la gestion des deux terminaux du Pak à une seule entité, le magnat breton opte pour le rachat des actifs de Necotrans.

Bataille juridique

Avec cette acquisition, Bolloré est en passe de s’emparer du terminal polyvalent du Pak. Il détient déjà un contrat de concession d’une durée de 25 ans pour l’exploitation du terminal à conteneurs du même port. Contrat que la multinationale a signé avec les autorités portuaires le 25 juillet dernier à Kribi. Reste maintenant à conclure les négociations avec le gouvernement camerounais devant définir les contours de la concession du terminal polyvalent. Mais comment va réagir Yaoundé? On en saura davantage dans les prochains jours.

Mais ce qu’on peut dire c’est que la manoeuvre ne sera pas facile. Car dans le sérail, certains contestent le droit à Necotrans d’inscrire parmi ses actifs le terminal polyvalent de Kribi en l’absence d’un contrat de concession. Des empoignes juridiques en perspectives… La réaction des autorités camerounaises est d’autant plus attendue que si cette situation était définitivement acquise, Bolloré aurait la main mise sur les deux ports les plus importants du pays. Le milliardaire français exploite déjà depuis 2005, le terminal à conteneurs du port autonome de Douala (Pad) à travers la société Douala International Terminal (DIT). L’homme d’affaires breton a d’ailleurs consolidé ses positions sur cette place portuaire en reprenant également les participations détenues par Necotrans, indique encore Les Echos.

Embarras

Cette situation de monopole, qui pourrait en plus se renforcer, inquiète depuis la Banque mondiale. Dans un rapport publié en début du mois d’avril, l’institution financière estime que le contrôle par cette multinationale du fret ferroviaire et des opérations portuaires pourrait contrarier les ambitions d’émergence du Cameroun. A la Banque mondiale, on est en effet convaincu que «des marchés plus concurrentiels favoriseraient des gains de productivité notamment en baissant les  coûts des facteurs de production».

L’institution de Bretton Woods conseille alors aux autorités camerounaises une «surveillance étroite et une régulation rigoureuse pour éviter des restrictions à la concurrence». Et même de «réguler les tarifs et le transport de marchandises pour s’assurer que les entreprises n’abusent pas de leur pouvoir de marché lorsqu’elles fixent les tarifs». Au sein du groupe Bolloré, il y a comme une volonté de dissimuler certains actifs acquis par le consortium conduit par le groupe. «Le terminal polyvalent de Kribi ne fait pas partie des actifs acquis par Bolloré. Les Echos s’est trompé», indique un officiel du groupe.

A la direction de la communication pour le Golfe de Guinée de Bolloré, on recommande de s’en tenir au communiqué de presse publié par Bolloré Africa Logistics. Sauf que ledit document ne se contente que de lister les actifs détenus par BAL et est muet sur les actifs repris par les autres membres du consortium. Car comme le rappelle le propre communiqué de BAL, «ce projet de reprise partielle validé par le tribunal de commerce de Paris, fait partie d’une offre conjointe globale visant à sauver une grande majorité des activités et des actifs du groupe Necotrans».

Et c’est précisément dans l’offre d’APCH que se trouve, selon Les Echos, le terminal polyvalent de Kribi. Lequel tombe sous le contrôle de Bolloré par le simple fait que c’est le milliardaire français qui dirige le consortium dans lequel tous ces actifs sont regroupés. Face à cette observation et à notre insistance, la direction de la communication pour le Golfe de Guinée du groupe Bolloré finit par indiquer que «pour le moment, il n’y a pas de position pour Kribi».

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