Développement à tâtons : Le Cameroun à la mercie des pressions sociales
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Développement à tâtons : Le Cameroun à la mercie des pressions sociales :: CAMEROON

Il y a environ trente-cinq ans de cela – de façon surprenante la durée du règne de monsieur Biya jusqu’ici – le Cameroun, comme d’autres états africains comme la Sierra Léone, était économiquement plus à l’aise que les pays comme la Chine et l’Inde. Quand je partais en classe de 4è au lycée de Belabo dans les années 90, on parlait de la Chine comme un géant endormi. Trente-cinq ans plus tard, (depuis des années 1980 bien sûr) la Chine est devenue le financier du monde, parlant fort aux grandes puissances et dictant ses volontés à tout un continent africain. L’Inde prête ses cerveaux aux superpuissances et se vante d’assurer le service clientèle de presque toutes les compagnies du monde digital de Silicon Valley. Entretemps, l’Afrique stagne et l’Afrique en miniature régresse. Parler du Cameroun qui était un jour plus avancé que la Chine devient aussi choquant qu’un blasphème. Le plus dur dans tout ceci, c’est qu’il n’y a aucun signe d’espoir que dans les trente-cinq prochaines années le Cameroun bougera du petit pouce vers le développement malgré des slogans vantards et tintamarresques qui nous tintent les tympans.

Il y a une époque dans l’histoire mondiale récente que les économistes aiment à appeler la décennie d’or. C’est l’époque qui va du début des années 1990 qui marquaient la fin de la guerre froide, le déclin du communisme et du fascisme et l’événement terroriste qui a frappé les tours jumelles de Manhattan aux Etats-Unis en 2001, surnommé 9/11. Durant cette époque, les pays ont connu des avancées économiques parfois atteignant les deux chiffres à la croissance annuelle. C’est l’époque où le Cameroun a enfin eu les résultats de l’étude géologique de son sous-sol. Nous reviendrons plus tard sur cette étude dans un autre article. C’est encore pendant cette époque que l’exploitation pétrolière a accéléré au Cameroun. Et même durant cette époque de vaches grasses, le revenu du camerounais a reculé de l’ordre de 5%. Décidément, le pays des lions indomptables a longtemps été dompté par le marasme et l’embarras économiques. Il faut avouer, sans en prendre consolation que ce constat est général dans l’Afrique subsaharienne. Le Cameroun n’est pas seul dans cette cadence de déclin. Encore que qui dit camerounais dit africain.

De nos jours, le monde vit au rythme du vingt-et-unième siècle. Mais le Cameroun vit dans les conditions décrites pour les pays du quatorzième siècle. Pendant que les pays développés vivent dans la facilité des circulations des personnes et des biens, le Cameroun sombre dans les plaies de toute marque. Le monde développé respire l’air du confort matériel mais le Cameroun

rythme au son des émeutes, des tragédies et du terrorisme. Le reste du monde développé jouit de l’indépendance économique, le Cameroun s’assujettit dans l’ignorance provoquée. En guise d’exemple, un pays qui est dévasté par le paludisme est condamné à mort.

Le paludisme a réclamé les vies de 2600 personnes au Cameroun en 2016. Bien que les femmes enceintes des milieux urbains reçoivent leurs trois doses de traitement préventif contre le palu pendant la grossesse, la grande majorité de celles qui vivent dans les villages n’ont pas accès à ces soins. En plus, il faut noter que le programme de lutte contre le paludisme fait de son mieux pour réduire la maladie. C’est dans ce sens que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a épaulé ledit programme ces dernières années avec des moustiquaires imprégnées par exemple. Ces moustiquaires protègent contre la maladie autant que l’on s’y abrite. Mais on ne vit pas sous les moustiquaires et on ne s’habille pas en moustiquaires. Les moustiquaires protègent quand on est au couvert sous elles mais une fois qu’on quitte d’au-dessous d’elles, on s’expose à la piqure des moustiques et rien ne protège personne contre cela. Au finish donc c’est comme si mamans et bébés n’avaient rien pour commencer. Les moustiques ne sont pas tenus à l’échec pour ainsi dire. Certes, direz-vous, à quoi servent les vaccins donc ?

En effet, les vaccins protègent ceux qui les prennent. Mais en réalité, en ce qui est des vaccins, il n’en existe vraiment pas encore sur le marché. Les traitements préventifs mentionnés ci-haut ne sont pas des vaccins appropriés antipaludiques, puisqu’il n’en existe pas encore sur le marché. Mais ces vaccins qu’on administre aux enfants et femmes enceintes sont des traitements les plus rapprochés des formules anti palu disponibles. C’est le 24 avril 2017 que l’OMS annonçait un premier test en conditions réelles du premier vaccin le plus avancé contre le palu. Ce vaccin, le Mosquirix ou RTS, S/ASO1, est en développement par « le géant pharmaceutique GlaxoSmithKline (GSK) en partenariat avec l’ONG Path Malaria Vaccine Initiative » depuis les années 1980. Ce vaccin – en essai – ne sera pas disponible avant 2018. Et avant de jubiler, comprenez qu’il sera testé sur les enfants en bas âge du Kenya, Ghana, et Malawi entre 2018 et 2020. C’est néanmoins une bonne nouvelle puisque les africains attendent une telle aubaine depuis des décennies. Cependant il faut noter que le Mosquirix ne protège que contre le plasmodium falciparum qui est le parasite le plus répandu. D’autres formes de parasites peuvent être bien dangereuses.

Et si vous vous demandez pourquoi prendre trois décennies pour développer un vaccin, comprenez que l’Afrique est pauvre. Les vaccins coûtent énormément cher. Si les industries

pharmaceutiques (qui sont des organisations à but lucratif) investissent des millions de dollars sur un produit, il va bien falloir recouvrer leur argent en retour et faire des bénéfices. Or plus de 90% de la population mondiale qui a besoin du vaccin anti palu est en Afrique. Les gouvernements ne pourront pas acheter de vaccins aussi coûteux et les industries pharmaceutiques ne sont pas des organisations caritatives. Il faut donc attendre que les uns et les autres collectent les fonds çà et là pour couvrir une partie des factures et permettre que le projet de vaccin avance. C’est un fair play. Toute chose étant par ailleurs, il faut comprendre que même dans des conditions idéales, il faut environ dix à quinze ans pour qu’un produit pharmaceutique aille de la phase de conception à la mise en marché. Vous comprenez maintenant pourquoi j’ai dit ci-haut que le Cameroun vit au vingt-et-unième siècle avec les conditions du quatorzième siècle. Outre les conditions environnementales, l’aspect protection santé est au coma. Les expertises sont disponibles pour tirer l’Afrique du pétrin des plaies (le paludisme n’étant qu’une infime image des plaies du continent) mais les moyens pour engager ces expertises ne sont pas disponibles chez les africains à cause du refus des dirigeants de mettre ces moyens à disposition. Et parlant de moyens, vous verrez dans un autre article que le continent noir a les moyens qu’il faut mais les abrite dans des poches inhabituelles. Bien qu’une solution plus durable soit disponible, la solution la plus rapide est d’apporter un sérum efficace à la mauvaise gouvernance comme celle qui sévit au Cameroun. Nous aborderons la mauvaise gouvernance plus tard en long et en large et je vous prie de prendre votre mal en patience parce que plusieurs fois déjà votre patience a été mise à l’épreuve avec des renvois à chaque instant.

Rappelons-le, le vingt-et-unième siècle est un siècle où les gens vivent dans trois vitesses différentes que sont le confort matériel, le libre échange des personnes et des biens, ainsi que l’indépendance économique. Nous en parlerons dans le prochain article.

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