COMMERCE DU SEXE : Les prostituées disent non au VIH-Sida
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Du quartier Ekounou à Nvog Atangana Mballa, en passant par Essos, Nkoldongo, Melen, l’Hôtel de ville carrefour Intendance, les «belles de nuit» ont assiégé les coins sombres, bars, snacks huppés à la recherche des clients. Âgées entre 15 et 40 ans, elles utilisent un habillement hyper moulant et presque transparent, fumant une cigarette ou tenant une bouteille de whisky en main pour attirer des clients. D’autres par contre utilisent les sites internet tels que Afribaba ou créent des blogs pour vendre leur service à ceux qui désirent y passer du temps en leur compagnie dans les hôtels, auberges ou alors à domicile. Côté clients, ils se recrutent pour la plupart parmi les jeunes. Mais de plus en plus, ses lieux attirent des personnes plutôt bien placées dans la société qui ne trouvent pas de soucis à s’offrir ce plaisir. 

Il est 19h30 minutes, au lieu-dit carrefour Ekounou, en face du commissariat de sécurité publique du 14ème. Michelle, 22 ans, vient d’arriver sur le lieu du petit commerce qu’elle et ses «collègues» du soir appellent habituellement «le couloir». Vêtue d’une petite robe de couleur rouge très légère dont la longueur se situe près du fessier. Comme les autres «attaquantes» qu’elle retrouve sur le lieu, l’opération séduction démarre auprès de chaque passant. 

«On part», «Chéri attend»,  «Bébé ce n’est pas chère», «Tu ne veux pas toucher», Etc. Voilà le langage habituel. Quelques minutes plus tard, Michelle a son premier client. Ils prennent la direction l’auberge du coin constituée de chambrettes. Là- bas, le client doit débourser la somme de 1500 FCFA pour profiter du plaisir qui dure selon l’aubergiste «20 minutes». Et ce dernier empoche alors 500 FCFA à chaque passage, ce qui peut atteindre 12000 FCFA par nuit. 

Ekounou n’est pas le seul quartier de Yaoundé où la prostitution se développe ces dernières années. A Mini-ferme, un autre point chaud de la capitale, certains locaux sont même transformés en chambres de passe pour les travailleuses de sexe et leurs clients. Cette nuit du 7 août 2017 est semblable à une matinée. Les ruelles lugubres de ce quartier réputé pour ses réjouissances sont encore bondées. Les clients de tous types et de tous les âges pullulent. Les filles vêtues de tenues aguicheuses sont à l’œuvre. Les clients affluent de part et d’autre. «Chez moi, ça se passe bien», témoigne Mireille, péripatéticienne depuis plusieurs années dans ce quartier. 

AVENTURE

Pour nombre d’entre elles, la difficulté de joindre les deux bouts, associée aux charges familiales sont à la base de leur entrée dans le plus vieux métier du monde. Clarisse T avoue qu’elle a deux enfants qu’elle entretient à partir de la rue. D’autres y sont par contrainte. «Ce que je vis aujourd’hui est le résultat des conflits qui opposaient régulièrement mon père à ma mère. Pour finir, les deux se sont séparés et je suis allée avec ma mère. Au terme de plusieurs disputes entre elle et moi, j’ai décidé d’aller rejoindre mon père qui m’a repoussée parce que j’avais choisi de défendre ma mère lors de leur séparation. C’est pour cette raison que je vis seule et je me débrouille», explique Carrelle.

Par contre, loin de se livrer à cette activité par contrainte, d’autres femmes y vont par amour du sexe. Micheline âgée d’une trentaine d’années, mère de trois enfants est prostituée depuis huit ans. Au-delà de l’argent, elle ne peut «se passer de faire l’amour avec au moins huit à dix hommes par jour». Et c’est le cœur tout joyeux qu’elle arpente «le couloir» tous les soirs. Micheline ne s’inquiète pas pour son foyer, qui dira-telle l’a accepté ainsi puisque son compagnon travaillait comme aubergiste dans le coin, où elle livre quotidiennement ses services. 

Comme elle, Marie France au carrefour Mvog Atangana Mballa adore faire l’amour avec des personnes plutôt costauds. Pour elle, «au-delà de l’argent, c’est la seule condition pour que j’accepte aller avec un homme». Sur les raisons de ce choix, elle avoue «garder un bon souvenir de son ex-amant». Qui lui a laissé cette perpétuelle envie de faire l’amour depuis deux ans. Au point que ses copines l’ont surnommée «Aboudi». Ces coins attirent davantage des personnes de différentes catégories sociales. Elèves, étudiants et débrouillards y vont pour disent–ils, se faire plaisirs avec des «filles faciles». 

Ainsi cette catégorie est relativement observée dans des quartiers et zones reculées comme Ekounou, Nvog Atangana Mballa, Kondengui ou encore Mini-ferme. Un tour à l’hôtel de ville de Yaoundé ou encore devant le Snack bar le Safari au centre-ville, le standing des «belles de nuit» est élevé. Les prix entre 15000 FCFA et 100000 FCFA ne sont pas accessibles à tout le monde. Du coup, ce sont parfois des voitures immatriculées CA (corps administratif) appartenant à des hauts cadres de l’État qui se font un plaisir de garer pour dénicher une perle. 

T.H, une péripatéticienne qui a installé son comptoir à l’hôtel de ville avoue que ses clients sont davantage des hommes mariés qui n’hésitent pas à venir vers elle. D’ailleurs, elle n’avouera sans toutefois nous situer sur le profil complet d’un de ses clients habituel, qu’il est directeur au ministère de la Santé publique.  

LUTTE CONTRE LE VIH SIDA

Selon certaines filles de joie rencontrées au quartier «EtamBafia», c’est au mois de décembre qu’elles sont soumises à un programme de dépistage et de formation. «Ce programme intègre également nos clients, surtout des habituées des lieux», avancent nos interlocutrices. Même si tous les clients ne se prêtent pas à la campagne de dépistage gratuit, volontaire et anonyme «Toi aussi dis non au VIH –Sida» réalisée par le centre de santé privé du coin. 

L’une des responsables de cette formation sanitaire que nous avons rencontré, avoue que «lorsque nous avons lancé cette action il y a quelques jours, nous voulions juste aider ses filles à connaître leur statut sérologique. C’était difficile de tenir pendant toute la nuit surtout qu’au début, très peu n’adhéraient pas à notre campagne. Aujourd’hui, c’est de manière systématique qu’elles viennent et les résultats que nous obtenons montrent que le taux de prévalence est très faible dans le milieu. Ce qui prouve que les filles se protègent lors des rapports sexuels.» 

Ces différentes et régulières campagnes de dépistage n’exonèrent cependant pas le client du port systématique du préservatif. Par ailleurs, les filles de joie ne cessent de sensibiliser leurs clients. «Après l’acte, je prends quelques minutes pour lui parler de l’importance de connaître son statut sérologique. Je lui remets un coupon et l’amène rapidement au point de dépistage. Jusqu’ici, tous mes clients ont accepté de se faire dépister», témoigne Lolita. 

AMBIANCE

Cette attitude, selon la plupart des femmes, renforce et installe une ambiance de sécurité et de confiance entre elles et leurs clients habituels. «De cette façon, chacune d’entre nous a réussi à fidéliser au moins cinq clients qui paient un peu plus cher parce que nous sommes devenus comme copain et copine. Il arrive alors qu’en cas de défaillance financière, on leur cède quelques passes à crédit», explique l’une de ces prostituées. Pour renforcer la confiance, régulièrement, ces dernières leur présentent régulièrement les résultats négatifs. Mais, par sécurité, elles s’opposent gentiment à des rapports sexuels non protégés. 

«Je suis  vraiment étonné que ce soit elle qui me parle aujourd’hui de lutte contre le Sida, qu’elle me propose d’aller me faire dépister. Je vous assure que moi je n’aime pas ces endroits populaires où l’on dépiste tout le monde. Je ne me suis jamais fait dépister, alors quand elle m’a proposé ça j’ai sauté sur l’occasion et voilà, c’est fait», avoue un client de Lolita à Nkolndongo. 

Au-delà de la lutte contre le VIH/Sida, les prostituées mettent un point d’honneur à leur hygiène intime. «Même si nous prenons des précautions au plan sanitaire,  il n’est pas superflu defaire notre toilette intime après chaque rapport sexuel», admet Doudouche d’Etam-Bafia. Elle précise qu’«il arrive que nous soyons obligées de prendre carrément un bain après l’acte parce que certains de nos clients sont des manœuvres ou des ouvriers dans des chantiers ou garages de la place». Bien plus, il faut entretenir un corps que toutes reconnaissent comme «notre seul capital». 

Par conséquent, estime LiLy de Mini-ferme, «s’il faut en profiter longuement dans un environnement où on côtoie au quotidien le froid, les humiliations et de plus en plus des agressions, nous devons tout faire pour le garder à peu près pur». Surtout que certaines de ses collègues pensent à une «reconversion» en fondant une famille.

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