Cameroun, Inédit: La Banque mondiale finance une Armée
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Cameroun, Inédit: La Banque mondiale finance une Armée :: CAMEROON

L’institution de Bretton Woods vient de finaliser un programme de financement de la route Mora-Dabanga-Kousseri au profit du Génie Militaire camerounais alors que dans aucun pays au monde et jamais cela n’a été le cas dans son histoire. Pour un montant inédit d’environ 60 milliards pour 205 kilomètres à bitumer, la Banque Mondiale continue à cadrer ses objectifs qui sont de « Mettre fin à l’extrême pauvreté et promouvoir une prospérité partagée de façon durable ».

D’après plusieurs informations recueillies, ce projet de bitumage de la route Mora-Dabanga-Kousseri avait déjà fait l’objet d’un financement mais stopper par l’enlèvement dans la nuit du 16 au 17 Mai 2014 de 10 chinois non loin de la ville de Waza, le lancement du projet aura pris beaucoup de retard et d’autres options seront par la suite proposées par le Cameroun. Désormais concrétisé par ce financement Banque Mondiale, le projet sera réalisé par le Génie Militaire qui est une composante de l’armée camerounaise.

Cameroun : l’exception ?

Le Cameroun est-il vraiment une exception dans le monde ou un laboratoire de test de bonnes pratiques. Le deuxième argument pourrait être le meilleur. D’après le Directeur du Génie Militaire le Colonel Jackson Kamgain, si la Banque Mondiale a accepté de financer un projet qui sera réalisé par le génie militaire et par ricochet l’armée camerounaise, il faudrait également reconnaitre que depuis la création en 1962 du génie militaire, ses actions vont au-delà des activités purement militaires. Ainsi, toujours selon lui, le Génie militaire camerounais est de plus en plus sollicité sur le territoire camerounais et au-delà pour la qualité des réalisations des travaux à lui confier.

Pour ce qui concerne concrètement le projet de construction de la route Mora-Dabanga-Kousseri, Colonel Jackson Kamgain acceptera de dévoiler les contours en donnant des détails importants du projet ainsi que d’autres interventions du Génie militaire.

Que fait en ce moment le Génie militaire à part des formations en déminage et le soutien à l’armée au front ?

Il est à noter qu'en tout temps le génie militaire camerounais à deux principales missions à savoir:

- les missions de combats qui consistent particulièrement à l'aide à la mobilité et au déploiement, l'appui à la contre mobilité. C'est dans le cadre de cette mission que l'on intègre la lutte contre les engins explosifs improvisés qui à lieu actuellement au front et où le génie à un rôle primordial en tant que spécialiste en explosif de l'Armée

- Les missions de développement et/ou les missions civilo-militaires où les capacités du génie sont mis en œuvre pour la réalisation des infrastructures. C'est dans ce cadre que l'on peut citer le projet Mora-Dabanga-Kousseri et les 1200 projets et plus réalisés par le génie depuis sa création en 1962. Allant même plus loin, je voudrais noter que depuis la dotation par le Chef des Armées de plus de 150 engins et équipements au profit du génie et la création de 03 régiments et un centre d'instruction, ce corps a connu une véritable montée en puissance qui se caractérise aujourd'hui par la mise en œuvre des projets importants et diversifiés au Cameroun et en RCA. Ainsi le projet Mora-Dabanga-Kousseri financé par la banque mondiale qui vient dans la suite est une preuve supplémentaire de la reconnaissance de l'expertise de ce corps de l'armée camerounaise. Il est important de rappeler ici que ce sera la 1ere fois dans l'histoire de cette institution qu’un tel financement au profit d’une armée est fait pour exécuter un projet de cette envergure.

A quel niveau se trouve la procédure ?

Ce projet est en finalisation en ce moment par les différents départements ministériels concernés est exceptionnellement financé par la Banque Mondiale. Cela n’a jamais existé dans le monde que la Banque Mondiale puisse financer les travaux d’une armée régulière car le génie militaire fait partie de l’armée. Ce projet coutera environ 60 milliards de Fcfa pour 205 Kilomètres de route à bitumer.

Si l’on peut noter le montant exceptionnel du marché, je puis vous avouer que ce projet préoccupe au premier chef les responsables de la Banque Mondiale parce qu’ils voudraient utiliser l’exemple du Cameroun comme projet pilote afin de dupliquer ailleurs dans le monde et particulièrement dans des zones en conflit. Dans le même sens, la Banque Mondiale étudie également la manière dont le Génie militaire camerounais est organisée pour amener d’autres pays à faire pareil. En effet, nous avons déjà des responsables de certains pays qui viennent voir comment notre génie militaire fonctionne.

Revenant au projet routier qui sera financé par la Banque Mondiale, nous sommes actuellement en phase terminale des préparatifs. Le cadre de collaboration et l'accord opérationnel ont déjà été signés et les différents dispositifs de gestion des plaintes et de sécurités sont en cours de finalisation. Certainement que d'ici la fin de la saison des pluies au mois de septembre 2017, le projet pourra démarrer.

Pour 205 Kilomètres de route à bitumer sans compter d’autres infrastructures à réaliser, le montant de 60 milliards de Fcfa n’est-il pas minimisé ?

60 milliards de Fcfa c’est beaucoup moins par rapport à d’autres projets routiers c’est vrai. Encore que pour mieux illustrer ce fait je pourrais sans risque de me tromper prendre l’exemple au hasard de la construction de la route de 60km dans la même zone qui coûte environ trente milliards de Fcfa. Il faudrait comprendre pour cela qu'il s'agit pour le cas de la route Mora-Dabanga-Kousseri d'un projet en régie dans lequel il y'a mutualisation des moyens entre le Ministère des Travaux publics et celui de la défense. Toutefois pour ce projet les missions de contrôles sont des bureaux d'études internationales notamment CIMA et STUDI.

La Banque Mondiale a des exigences en termes de normes, respect de l’environnement, indemnisation des populations, etc. dans l’évaluation et la réalisation de ce projet routier avez-vous pris l’engagement de respecter ces cahiers de charge ?

Sans faire dans la langue de bois je puis affirmer que tout ceci a été pris en compte. Il y a eu des études environnementales faites. Au-delà de cela, il y a eu la prise en compte de l’aspect social car un mécanisme de gestion des plaintes a été mis sur pied pour assurer une saine collaboration avec les d populations civiles et c’est l’ONG RIDEV qui s’occupera de cette tâche. A part cela, un dispositif sécuritaire lors de l’exécution des travaux a été mis en place par le gouvernement.

Parlant des conditions techniques, il faudrait également préciser que nous effectuons des recrutements d’experts et personnels techniques qui n’existent dans l’armée. Dans la même mouvance, nous aurons à notre disposition pour les différents contrôles des laboratoires internes et externes pour nous accompagner lors des travaux.

Pour dévoiler une autre réalité technique spécifique à ce projet, je dirais encore qu’au départ et initialement le projet évalué par les chinois avait prévu la pose d’une couche de base en grave ciment compte tenu, d’après eux de la spécificité du sol. Nous, pour ce projet déjà validé, allons poser une couche en grave bitume qui garantira la durabilité et la longévité de l’infrastructure. Le génie militaire étant jaloux de son label qualité.

A part des militaires pour ces travaux de construction, y aura-t-il un recrutement important de personnel civil ?

Bien entendu. En réitérant ce que j’ai dis plus haut, je précise bien que l’expertise que nous n’avons pas en interne sera recrutée ailleurs dans la stricte application et le respect des conventions sur le droit des travailleurs en vigueur au Cameroun. Généralement le ratio adopté dans nos chantiers est de 1/3 du personnel militaire et 2/3 personnel civil. Ce seront forcement les mêmes ratios pour ce projet. Ces recrutements instruits par la hiérarchie permettent vous vous en doutez certainement, non seulement de donner du travail aux nationaux mais également de concrétiser le lien Armée-Nation. Il est à noter que tous les recrutements seront validés après enquêtes de moralité.

Pour aller plus loin, le projet a prévu la création d’un observatoire indépendant des travaux qui regroupera un personnel professionnel aguerri et neutre constitué de 12 personnes. Il aura pour rôle principal de relever au fur et à mesure des manquements (sécurité, respect de l’environnement, normes, etc), s’ils en existent, tout au cours des travaux pour qu’on procède aux rectificatifs qui s’imposent.

Vous comprenez à suffisance que tout le sérieux a été mis pour que la réussite soit de notre côté dans le strict respect de notre label qualité.

Avec toute cette expertise, le Génie militaire va-t-il encore en solliciter ?

Nous ne lésinons pas sur les sollicitations lorsque nous voulons réaliser un projet. Toujours dans le cadre du projet de construction de la route Mora-Dabanga-Kousseri , j’ajoute encore qu’il y aura deux missions de contrôle privées internationales recrutées à savoir CIMA et STUDI. Leurs états de service ne sont pas à démontrer car ce sont deux structures bien connues. Pour la Banque Mondiale, cet aspect du contrôle est très déterminant dans ce projet.

A part ce projet très proche, qu’est-ce que le Génie Militaire a fait ou envisage encore faire dans un proche avenir ?

Le génie militaire est très sollicité ces derniers temps. Dans la zone de Bakassi, nous avons construit au profit du MINPOSTEL à ce jour 4 pylônes de communication et télécommunications. Ces pylônes situé à Akwa, Bamusso, Djabane et Issobo mesurent plus 75 m de hauteur avec une alimentation en énergie solaire permanente y compris un groupe électrogène relais, permettraient d'améliorer la couverture téléphonique de la zone. La réception technique a déjà eu lieu et il ne reste plus que celle officielle.

Toujours à Bakassi, nous avons terminé la construction du village des pêcheurs à Isangele au profit du MINEPIA et nous prenons déjà des dispositions pour la construction des passerelles à Djabane au profit du MINEPAT avec utilisation entre autre des géotextiles.

A Douala les travaux de bitumage du prolongement du boulevard de la république sont en cours ainsi que la construction sur ce tronçon d'un pont de 40 mètres sur le Tongo Bassam. De même, les travaux du bitumage de la route de Japoma démarrent dans les prochains jours. Il est à noter que ces les enrobés mis en œuvre dans les projets de bitumage à Douala sont produits par la centrale d'enrobé du génie qui produit 150 tonnes à l'heure et qui fait partie des équipements réalisés récemment au profit de ce corps.

A Bertoua, nous sommes en train de faire les finitions du marché de la ville. Ce marché réalisé sur 4 hectares environ une trentaine de bâtiments et éclairage sera achevé d'ici la fin du mois de juillet 2017, 6 mois avant la date prévue contractuellement.

Comme à Bertoua, la Mairie de Sangmélima également à sollicité notre expertise pour la réalisation de son marché sur une superficie de 5 hectares. A ce jour, les travaux sont à 95%. Mais pour ce projet, il nous a été demandé de réaliser en plus de faire un pont de 40 mètres.

La 1ere phase des routes de Mvengue (Sud), Angossas (Haut Nyong), boulevard kakatare à Maroua (Extrême Nord) sont achevés. Les travaux de construction du Parcours Vita de Ngaoundéré réalisés sur instructions du Chef de l'Etat sont en cours.

En ce qui concerne les projets futurs, nous sommes en cours de finalisation des études pour la réhabilitation du Centre de l'Enfance de Bétamba au profit du Ministère des affaires sociales.

Avec la Ministère des Enseignements Secondaires, nous sommes sur le point de finaliser un projet de reconstruction de salles de classes dans la zone de Bakassi précisément à Idabato.

Nous allons également réaliser dans le cadre du PLANUT la construction de 06 brigades avec logement d'astreintes dans la région de l'extrême nord.

Avec le Ministère de l’Economie, de la Planification et l’Aménagement du Territoire, nous sommes sur un projet de construction de passerelle dans la zone de Djabane. Pour ce projet nous allons utiliser un matériel appelé « géotextile » qui vient d’Allemagne et est fabriqué par la société HUESKER.

Comme dans le cadre de plusieurs autres projets et des procédures introduites par des sociétés privées exerçant dans les mêmes domaines, demandez-vous souvent des avenants pour les projets que vous exécutez ?

Le génie militaire n'est pas une entreprise, c’est une structure de l'Etat qui ne fait pas de bénéfice et ne soumissionne pas les marches publics mais exécute les missions de construction des infrastructures qui lui sont confiées, tout en payant les impôts. De ce fait il ne demande pas d'avenant.

L’Etat a mis sur pied une garantie qui est souvent demandée à chaque société privée qui exécute les marchés publics. Cette garantie en cas de détérioration de l’infrastructure oblige la société soit à réfectionner les travaux sans contrepartie soit remplace le bien livré. Est-ce le cas pour le génie militaire ou bien l’Etat ne s’autoflagèle pas dans le cadre de l’exécution des marchés confiés au Génie militaire ?

De UN il ne faut pas oublier que nous sommes l’Etat puisque le génie militaire est une composante du Ministère de la Défense. De DEUX nos infrastructures se garantissent par elles-mêmes. Je vous ai pris l’exemple de la route Mora-Dabanga-Kousseri que nous allons réaliser avec le soutien financier de la Banque Mondiale. Quand nous arrivions dans ce projet, les études initiales faites par les chinois optaient pour une réalisation différente mais nous n’avons pas suivi ce principe parce que nous voulions quelque chose de durable pour le Cameroun. Nous avons notre crédibilité en jeu qui est au-delà de toute garantie. On ne joue pas avec une crédibilité.

Généralement dans nos projets nous essayons de faire le maximum avec le minimum pour atteindre nos objectifs. Et ce maximum c’est de mettre l’assurance qualité à un seuil supérieur à ce qu’une autre société privée ne peut donner. Dans le projet Mora-Dabanga-Kousseri, nous avons par exemple notre laboratoire interne, le Labogenie et un laboratoire externe marocain pour nous accompagner. On ne nous l’a pas exigé mais tout ceci c’est pour nous rassurer que le travail est de très bonne qualité.

De même lorsque nous avons fait les travaux à Douala pour le Boulevard. La pose du bitume qui a pris un certain temps a été effectuée dans une zone marécageuse mais jusqu’à présent ce bitume tien toujours et est intact malgré toutes les pluies et intempéries survenues dans la ville. Pour ce projet, les analyses ont été effectuées par 04 laboratoires (le laboratoire du génie, le Labogenie Douala et Yaoundé, et enfin le laboratoire de la société française RAZEL.). Alors qu’un seul test nous avait été exigé, nous avons multiplié des tests pour nous rassurer de la qualité du travail.

Est-ce que l’expertise du génie militaire camerounais est sollicitée hors du pays ?

Au sein du génie militaire nous avons 2 types d’expertise à savoir l’expertise technique infrastructure et le génie combat qui prend en compte la lutte contre les engins explosifs improvisés.

Dans le cadre de la lutte contre les engins explosifs improvisés, le génie militaire a un programme de 6 cycles de formation pendant l’année. Nous venons d’ailleurs d’accueillir et de former un contingent de militaires nigérians qui souhaite revenir. Actuellement le Tchad et la RCA ont émis le vœu de participer à cette formation et en ce moment ces deux pays multiplient les pourparlers au niveau des différentes chancelleries pour voir dans quel cadre ils pourront prendre part à la formation.

Maintenant sur le plan technique infrastructurel, le génie militaire travaille déjà en RCA. Dans ce pays, nous aménageons les bases-vie des bataillons camerounais. Je puis vous dire que le travail fait de ce côté est très apprécié.

En Afrique nous connaissons également les prouesses de l’armée Egyptienne comme contributeur dans le développement de ce pays. Le génie militaire camerounais ne s’est-il pas inspiré de ce côté pour faire autant de performance ?

Je ne pense pas. Lorsqu’on créait le génie militaire au Cameroun en 1962, l’Armée Egyptienne si j’ai bonne mémoire n’était pas encore dans cette optique.

Notre génie a été crée à partir d'une unité du génie de l’Armée française mais les missions ont été modifiées parce que dans l’armée française le génie militaire ne fait que de l’appui aux forces, c'est à dire qu'elle agit uniquement aux bénéfices des forces. Ici au Cameroun, le politique a voulu que nous puissions aussi exercer des missions de développement. C'est ainsi que dès sa création la route -Yabassi-Bafang a été l'une des premières missions de travaux assignées au génie militaire, cette mission contribuait vous vous en doutez certainement à la pacification de la zone. Depuis 2012 avec la montée en puissance du génie militaire, l'expertise de ce corps est de plus en plus sollicitée aussi bien par les collectivités territoriales décentralisées, les départements ministériels et les institutions internationales à l'exemple du HCR, AFD, Banque Mondiale.

Dans le monde entier connaissez-vous des génies militaires qui fonctionnent comme celui du Cameroun ?

Il y a à ma connaissance très peu mais je pourrais citer l’Egypte, l’Inde et le Pakistan. Dans ces pays le génie militaire est doté de capacité pour faire des travaux au profit des populations civiles dans le cadre des actions d'influences ou des actions civilo-militaires avec pour objectif la consolidation de la paix

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