Tchiroma et la production de faits alternatifs et la mort lente de la décence commune au Cameroun
CAMEROUN :: POINT DE VUE

Tchiroma Et La Production De Faits Alternatifs Et La Mort Lente De La Décence Commune Au Cameroun :: Cameroon

Selon le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, Monsieur Issa Tchiroma Bakary, le rapport d'Amnesty International contre les crimes de guerre au Cameroun publié le 19 juillet dernier vise à sabotter le moral et l'efficacité des Forces de défense et de sécurité camerounaises.

Comme le régime qu’il supporte, non seulement M.Tchiroma continue d’enfreindre de facon grotesque l'expression latine "Nemo judex in causa sua" (on ne peut pas être juge dans son propre cas),mais aussi le ministre persiste au jour le jour dans la désagréable production de faits alternatifs. J'ai trouvé sa dernière intervention la plus intéressante et nécessitant une meilleure élaboration. L'homologue de Tchiroma aux États-Unis est Kellyanne Conway, conseiller en chef du président Trump, connu pour avoir fait connaître le terme «faits alternatifs», transformant de fait le livre 1984 de Georges Orwell en best-seller contemporain. Georges Orwell a écrit en effet sur les régimes autoritaires et décrit comment ces régimes normalisent et renormalisent incessamment des situations impossibles, grâce à une production excessive de fictions propagandistes qui transforment des situations impossibles en réalités normalisées. Ces régimes le font en inventant une nouvelle langue que Orwell appelle “Newspeak” ou “Doublespeak”. Cette nouvelle langue vulgarise la falsification permanente des faits.

Il est ainsi habituel de se moquer du besoin quasi-pathologique d'auto-promotion et du désir maladif du régime de s'absoudre perpétuellement de ses responsablités. Cependant sa dernière falsification mérite d'être placée dans un contexte plus large de la relation entre le pouvoir, la rationalité instrumentale, et le fétichisme des pratiques de communication sous une dictature, notamment comment le president Paul Biya donne le tempo et la couleur éthique de cette relation. À cet effet, la derniere intervention de Tchiroma permet comprendre comment le temps historique est remplacé par le temps narcissique, au point où le pouvoir ne se sent même pas obligé de prétendre avoir joué le jeu de la vérification des faits. Les notions de vérité et de transparence sont constamment réécrites uniquement pour satisfaire la haute hierarchie. En tant que tel, l'objet de l'histoire est de répondre aux besoins d'un présent voulu perpétuel.

Plus important encore, Georges Orwell n'a pas seulement su disséquer la falsification des faits sous une dictature, mais aussi les sentiments, et la difficulté inhérente à maintenir une certaine décence commune ou ordinaire dans un tel régime. Aussi, cette dystopie ne concerne pas seulement la falsification des faits, elle engendre également de nouveaux types de comportements, qui vont de la duplicité à des formes variées de compromissions avec l'oppression. C'est l'idée que “Big Brother” ne fonctionne pas simplement en public, mais aussi dans la sphère privée, là où régnerait à priori l'intimité sauf que les murs ont les oreilles cmme disent les Camerounais. Les personnes ordinaires, les journalistes, les militants des droits de l'Homme, tout à chacun est surveillé en public mais également dans sa maison ; juqu'à une forme d'auto-censure, quand chacun s'imposent par lui- même le silence. Au final, ils sont surveillés quotidiennement en permanence afin se conformer aux seuls comportements jugés appropriés par l'État.

M. Tchiroma devrait enfin comprendre que nous ne sommes pas dupes de la maneouvre. Orwell l'a parfaitement décrit en insistant notamment sur la décence commune et ce sentiment ordinaire de rejet que provoque la production excessive de confusion par les régimes autoritaires; celle-là même sur laquelle ils s'appuient pour perpétuer un régime d'exception basé sur une légitimité usurpée et des mesures ou réponses draconiennes à un état d'exception lui aussi fabriqué de toutes pièces.

Olivier Tchouaffe Contributeur CL2P

English version

Tchiroma and the Production of Alternative Facts and the Slow Death of Common Decency in Cameroon By Olivier Tchouaffe Contributor C2LP
According to the minister of communication, spokesman of the government Issa Tchiroma Bakary, the 2017 Amnesty International reports against War Crimes in Cameroon aims to cool the morale and effectiveness of the Cameroonian Defense and Security Forces.

Minister Tchiroma keeps besting himself by the day in the world of alternative facts. I found his latest unapologetic intervention the most interesting and in need of more elaboration. Tchiroma’s homologue in the United States is Kellyanne Conway who is the chief counselor to president Trump and well-known to have publicized the term of «alternative facts» turning Georges Orwell’s book 1984 into a contemporary best-seller. Georges Orwell wrote on authoritarian regimes and how they engineer and naturalize impossibility with conceptual fiction that turns impossible situations into normal forms of reality. These regimes do so by inventing a new language Orwell calls it Newspeak or Doublespeak. This new language serves to naturalize falsification of facts.

Consequently it seems easy to mock Tchiroma’s pathological and feisty need for self-promotion and total delusion however his latest manufacture of the truth deserves to be put into a broader context of the relationship between power, instrumental rationality, and the fetishizing of communication practices in the age of dictatorship. Precisely, how the president sets the ethical tone within that relationship. Tchiroma’s latest, consequently, is how historical time is replaced by narcissist time to the point that power to keep absolving itself does not even feel obliged to pretend to play the game of fact-checking.

Notions of truth and transparency are constantly rewritten to please authorities. As such, history is made to serve the needs of the perpetual present.
Most importantly, how Orwell was not only taking about falsification but feelings as well and the difficult to maintain ordinary common decency in a dictatorship. This dystopia, therefore, is not only about falsification of the news but the production of new behaviors, duplicity and oppressive forms of compromise. The idea that Big Brother does not operate simply in public but in the domestic sphere as well where there are no longer any hints of privacy. Ordinary people, including journalists and civil right activists, are watched in public and at home as well. Here, transparency cuts both ways and ordinary people are being watched constantly forcing them to conform to appropriate behaviors enforced by the state.
Hence Mr. Tchiroma needs to know that we are not dupes. More importantly, Orwell wrote about common ordinary decency and feelings against the production of excess of confusion authoritarian regimes rely upon to promote a regime of exception and the legitimation of draconian responses to a fake state of exception. We are very aware of The Latin phrase “Nemo judex in causa sua” (one cannot be a judge in his own case).

By Olivier Tchouaffe, Contributor CL2P

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