L’armée a-t-elle tué des pêcheurs nigérians à Bakassi?
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Abuja a convoqué le haut-commissaire du Cameroun pour explication. Une enquête est annoncée au parlement nigérian. A Yaoundé, il est prévu une sortie du ministre de  la Communication.

Les armes ont-elles encore tonné à Bakassi ? La question est en suspens. Dans tous les cas, il y a de quoi s’inquiéter pour les relations diplomatiques entre le Cameroun et son grand voisin. C’est depuis le Nigéria que le ton est monté. En effet, dans un rapport publié le 7 juillet 2017, le ministère des Affaires étrangères dit sa « consternation » après la mort d’au moins 97 pêcheurs nigérians sur la péninsule de Bakassi.

Et c’est sans compter avec les nombreux blessés accueillis en territoire nigérian. Abuja rapporte que plusieurs de ses concitoyens ont été la cible des exactions perpétrées par des gendarmes camerounais dans des villages de Bakassi. Il s’agirait de représailles liées à une taxe de transport que des pêcheurs nigérians n’auraient pas payée. Des taxes évaluées à quelque 100 000 nairas, soit environ 181 000 F.Cfa.

Il y a une semaine, la presse nigériane relayait déjà cette affaire, ainsi que les actions diplomatiques engagées par le Nigéria. Dans un article publié sur son site web le 8 juillet dernier, le journal « Vanguard » annonçait que le haut-commissaire du Cameroun au Nigéria, Abbas Salahedine, avait été convoqué au ministère des Affaires étrangères du Nigéria, afin de s’expliquer sur « les mauvais traitements et les meurtres de Nigérians dans la péninsule de Bakassi par des gendarmes  camerounais. »

Dans une déclaration, la porteparole du ministère, Jane Adams, avait exprimé la « consternation » de son gouvernement sur les récents évènements. « Le ministère a chargé les missions (diplomatiques) nigérianes à Yaoundé et à Buea, d’enquêter sur le rapport en vue de confirmer leur véracité et d’informer immédiatement le siège. Le ministère demande aux autorités camerounaises d’exercer leur devoir de protection des habitants de Bakassi, y compris d’autres citoyens nigérians dans la région », indique le communiqué de la partie nigériane.

Le ministre de l’Intérieur, Abdulrahman Dambazau, a rappelé la nécessité de respecter l’accord bilatéral sur la protection des civils conclu avec le Cameroun. Voilà donc un dossier qui attend le tout nouveau haut-commissaire du Nigéria au Cameroun, Lawan Abba Gashagar. Arrivé à Yaoundé vendredi dernier, il a pris fonction officiellement hier, 18 juillet 2017, après avoir présenté les copies de ses lettres de créances au ministre des Relations extérieures.

Accord de Green Tree Par ailleurs, une enquête est annoncée à la Chambre des représentants, qui est la chambre basse (Assemblée nationale) du Parlement nigérian. Tout concoure à attirer l’attention sur les responsabilités du Cameroun qui exerce sa souveraineté sur Bakassi depuis le 14 août 2008, conformément à l’accord de Green Tree de 2005. Cet accord garantit paix et sécurité aux Nigérians ayant choisi de rester sur le territoire camerounais. C’était là l’une des clauses du dénouement de plusieurs années de conflit frontalier, après un procès devant la Cour internationale de justice à La Haye et des négociations diplomatiques.

Jusqu’ici, l’Etat du Cameroun n’a pas réagi officiellement aux plaintes venues du Nigéria, même si l’affaire est suivie de près par le ministère des Relations extérieures. Selon une source au cabinet du ministre Lejeune Mbella Mbella, les gendarmes camerounais n’ont jamais attaqué les pêcheurs nigérians. Le diplomate annonce une sortie imminente du ministre de la Communication pour officialiser la position de Yaoundé. En attendant, voici quelques éléments de langage fournis à Issa Tchiroma Bakary, porte-parole du gouvernement : « Pour les Nigérians, tout Camerounais arborant un uniforme est un gendarme, indique d’entrée de jeu notre source. Il y a plutôt eu un incident avec des collecteurs d’impôts camerounais. Ils prélèvent une taxe sur l’activité de tous les pêcheurs de Bakassi : Camerounais, Sénégalais, Ghanéens,… Mais les Nigérians sont les seuls qui refusent de payer.

Ils ont ainsi agressé physiquement quelques agents venus collecter la taxe. Face à la foule en furie, ces derniers ont tiré des coups de feu en l’air ; ce qui a créé la débandade. Les uns ont marché  sur les autres. A coup sûr, il y a eu des blessés. Mais des morts, j’en doute. Si oui il faut être fou pour massacrer 97 personnes à Bakassi. Et où sont les corps.

Voilà ce que disent les rapports que nous avons obtenus du préfet du département du Ndiang et des chefs locaux ». Un autre cadre du Minrex minimise même cette affaire : « Les accusations nigérianes sont sans fondement. Nous en sommes déjà habitués. C’est un commerce entretenu par des élus de l’Etat de Cross River auquel Bakassi appartenait anciennement. Ces leaders ont coutume d’inventer de fausses informations qu’ils distillent dans la presse et sur Internet. C’est le cas des sénateurs qui entendent montrer au pouvoir central combien il faut de l’argent pour accueillir les Nigérians maltraités et chassés du Cameroun. »

Au Minrex, on se souvient encore de l’épisode de 2011 avec des accusations de viols, meurtres et razzia des villages, attribuées à l’armée camerounaise. « Le président Paul Biya avait même dépêché une mission sur le terrain. Après deux jours d’enquête, il n’en était rien », se souvient la source. Sur les responsabilités du Cameroun vis-à-vis des Nigérians de Bakassi, un énième cadre du Minrex rappelle que l’accord de Green Tree a pris fin depuis le 13 août 2013. Cette date marquait la fin de la période du régime spécial transitoire pendant laquelle les Nigérians restés à Bakassi n’étaient assujettis ni au payement du moindre impôt, ni au contrôle de leur identité.

En  plus, les autorités camerounaises n’avaient aucun droit d’ingérence dans les fêtes et manifestations de cette communauté. Aujourd’hui, les Nigérians de Bakassi sont devenus des étrangers tout à fait ordinaires, qui doivent se faire établir une carte de séjour. Il n’y a donc pas de raison que des pêcheurs ne paient pas de taxes.

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