Plan Marshall : "L'Afrique n'est pas à reconstruire"
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Plan Marshall : "L'Afrique n'est pas à reconstruire" :: AFRICA

Dr Pierrette Herzberger-Fofana est conseillère municipale d'Erlangue en Bavière. Originaire du Sénégal, elle revient dans cette contribution sur l'engagement du gouvernement allemand d’investir massivement en Afrique.
La chancelière allemande, Angela Merkel, veut inciter les grands dirigeants du monde à plus investir en Afrique. Le lundi 12 juin  2017,  l’Allemagne a donné le coup d’envoi d’une conférence intitulée "Partenariat avec l’Afrique". Auparavant, le 17 mai, le ministère de la Coopération allemande avait célébré une "Journée de l’Afrique" qui avait pour thème "Les transferts de fonds de la diaspora". De nombreux experts africains vivant en Allemagne y ont pris part et ils ont unanimement rejeté l’expression "Plan Marshall avec l’Afrique", en référence au Plan Marshall des Etats-Unis consacré à la reconstruction de l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. L’expression "Plan Merkel" a été lancée par le président ivoirien Alassane Ouattara. Elle a été reprise en boucle par ses pairs africains.

L’Afrique n’est pas à reconstruire. Elle doit plutôt se développer en faisant appel à toutes les forces vives du continent et en mettant en place les conditions qui favorisent un développement harmonieux et la création d’emplois pour les jeunes. Comme l’a souligné la Chancelière, le nouveau partenariat avec l’Afrique n’est pas de décider "pour" l’Afrique mais de discuter "avec" l’Afrique.

Jusque-là, les programmes de développement initiés dans les bureaux feutrés allemands n’ont pas donné les résultats escomptés. Madame Merkel a lancé un appel à investir en Afrique pour notamment limiter l’émigration vers l’Europe. Seul le développement de l’Afrique pourrait faire cesser le flux migratoire vers l’Europe et arrêter cette saignée de jeunes Africains qui laissent leur vie dans le "ventre de l’Atlantique" et de la Méditerranée. La nouvelle politique se résume en ces mots: inciter les pays "champions de réformes" à redoubler d’efforts. Le ministre de la Coopération a déclaré: "Ceux qui peuvent démontrer qu’ils œuvrent en faveur de leur pays et de leurs populations recevront un volume d’aide financière plus important". Un tel discours de la carotte et du bâton est contraire à la politique de l’opposition et ne s’accorde pas avec son idéologie. Les Verts et la Gauche ont fustigé cette nouvelle forme de partenariat avec les pays africains. 

Critique de l’opposition des Verts et la Gauche
Pour le parti "Die Linke" (La Gauche), "une telle politique est dangereuse pour l’avenir du continent africain et ne sert qu’à assurer les intérêts économiques des pays riches et de leurs filiales sur les marchés africains". Claudia Roth (Bündnis 90/die Grünen. Les Verts) Vice-présidente au Parlement allemand, a reproché au ministre de la Coopération "de passer sciemment sous silence la co- responsabilité du gouvernement allemand en ce qui concerne la pauvreté et les inégalités sociales en Afrique".

Dans son allocution, la Chancelière a mis l’accent sur les points suivants: création d’emplois dans les pays africains, réduction du nombre de réfugiés vers l’Europe, plus d’investissements européens en Afrique, offre d’une enveloppe de 300 millions d’euros (soit  environ 448 millions de dollars, 20 milliards de francs CFA) d’aide supplémentaire aux trois pays qui sont considérés comme "champions des réformes". Ce sont la Côte d’Ivoire, le Ghana et la Tunisie.

L’ancienne ministre de la Coopération SPD (Parti social-démocrate) exige que l’Union européenne ouvre de meilleurs débouchés aux produits africains sur le marché intérieur européen. Les organisations non gouvernementales ont également élevé leurs voix. Elles ont déploré que le développement ne soit vu que sous l’angle d’investissements financiers. Elles constatent qu’en se focalisant uniquement sur les investisseurs, seuls leurs intérêts sont pris en considération au détriment de celui des populations locales.

Elles craignent également la mainmise sur des terres par les grands groupes pour développer le secteur agro-industriel, au détriment des populations africaines les plus pauvres. Or, si l’on veut bannir le fléau de la famine, il faut aussi mettre en place des mesures idoines dans le domaine de l’agriculture et établir des critères qui répondent aux normes internationales tout en ne négligeant pas la question humanitaire. Même si l’on peut féliciter les nouvelles tendances de la politique allemande il est à se demander si les principes sous-tendant cette politique n’évoquent pas encore les relents de paternalisme qui caractérisaient les relations et qui donnaient l’impression que l’on voulait décider pour l’Afrique ou lui dicter sa ligne de conduite.

Au cours de l’année écoulée, la coopération allemande a été critiquée, entre autres, par les Africains qui vivent en Allemagne, à cause de commentaires discriminatoires sur l’Afrique faits par le ministre fédéral de la Coopération, M. Müller, et par le secrétaire général de la CSU (parti conservateur bavarois), M. Scheuer qui avait déclaré en substance : "Il est difficile d’expulser un footballeur Sénégalais qui vit en Allemagne depuis plus de trois ans, de surcroît s’il est un enfant de chœur officiant à l’église. Le droit d’asile n’est pas conçu pour lui, car c’est un réfugié économique."

Quant au ministre de la Coopération, il avait déclaré le 16 novembre 2016 que "s​​​​​​i une femme africaine gagne 100 dollars, elle rapporte 90 dollars à la maison alors que si un homme africain gagne la même somme, il rapportera 30 dollars. Il dépensera son argent en alcool, drogues et femmes."

Même si le ministre s’est excusé par la suite pour ses propos racistes, ses paroles et celles du secrétaire général de la CSU avaient soulevé un véritable tollé et une vague d’indignation au sein des communautés africaines d’Allemagne, mais aussi de toutes les personnes éprises de bonne volonté et des nombreux bénévoles au service des réfugiés. La dignité humaine est invulnérable comme le stipule l’article 1 de la Constitution allemande. Ceci est valable pour les partenaires africains.

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