BUDGET 2018 : Paul Biya annonce les couleurs de l’austérité
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Création de nouveaux impôts, réduction des exonérations fiscales et des dépenses publiques... sont les principales directives du président de la République pour l’élaboration de la prochaine loi des finances.

Le budget 2018 sera le premier élaboré après la conclusion d’un programme économique et financier avec le Fonds monétaire international (FMI). La signature de ce programme, qui va s’étaler sur la période 2017-2019, devrait intervenir dans les prochaines semaines. De ce fait, la politique budgétaire pour le prochain exercice sera marquée par ce plan. Lequel vise à mieux «structurer les efforts d’ajustement» afin «de ramener le déficit budgétaire, dans un délai de moins de 5 ans, en dessous de 3%» du Produit intérieur brut (PIB) national, selon les prescriptions du sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) tenu le 23 décembre 2016 à Yaoundé.

Il est également question de réduire le déficit de la balance  courante afin de reconstituer les réserves de change et éloigner le spectre de la dévaluation qui plane sur le franc CFA, la monnaie communautaire. L’influence que ce programme avec le FMI aura sur le la loi des finances 2018 se fait déjà ressentir dans la circulaire de préparation du budget signée le 20 juin dernier par le président camerounais. Dans ce document qui s’adresse aux ordonnateurs de dépenses, Paul Biya demande de préparer la loi de finances de sorte que le déficit budgétaire et celui du compte courant soient respectivement de 3,3 et 1,7% du PIB en fin d’exercice.

Selon les chiffres de la Banque des Etats de l’Afrique centrale, ces déficits sont respectivement aujourd’hui autour de 5 et 6%. Dans un contexte marqué par la baisse des prix des hydrocarbures et du Cacao, qui ont apporté au pays 63% de ses avoirs en devises en 2015, la solution réside en une mobilisation optimale des recettes internes (impôts et taxes) et une réduction plus importante des dépenses particulièrement des importations. C’est ce que recommande le FMI et que prescrit Paul Biya dans sa circulaire: «la politique budgétaire pour l'exercice 2018 devra concilier: l'obligation de résultats dans la mise en oeuvre des politiques publiques, avec le strict respect de la discipline budgétaire dans la gestion des ressources», peut-on y lire.

Pression fiscale

En vue d’optimiser la mobilisation de recettes non pétrolières, Paul Biya fait une quarantaine de directives portant sur l'élargissement de l'assiette, la sécurisation des recettes et du circuit de leur collecte, le renforcement de la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales, ainsi que la rationalisation de la dépense fiscale. A bien examiner ces prescriptions, les camerounais doivent s’attendre à la création de nouveaux impôts et taxes. La circulaire demande par exemple de «taxer les ressources naturelles et agricoles», «d’adapter le système fiscal pour une taxation optimale de l'économie numérique » et «d’arrimer la fiscalité environnementale aux engagements internationaux souscrits par le pays».

Certaines entreprises qui bénéficiaient jusqu’ici des exonérations fiscales pourraient également perdre ces avantages. Car, le président camerounais instruit «le renforcement de l'encadrement des régimes fiscaux particuliers par la rationalisation de la fiscalité applicable aux contrats publics financés par des ressources extérieures» et «le renforcement de l'encadrement des régimes fiscaux particuliers par un meilleur suivi des avantages fiscaux octroyés et l'évaluation de leurs impacts sur les investissements».

Si le texte présidentiel est appliqué à la lettre, les entreprises exportatrices devraient par contre avoir droit à certaines facilités. Afin de booster les exportations et rééquilibrer la balance commerciale, la circulaire ordonne «l'octroi des régimes douaniers économiques appropriés aux entreprises» et «la mise sur pied d'une stratégie en vue de booster les exportations à destination de l'Europe pour permettre aux entreprises nationales de bénéficier pleinement des atouts qu'offre l'Accord de partenariat économique (APE) bilatéral avec l'Union européenne».

Pour augmenter les prévisions de recettes non pétrolières de près de 10% (c’est-à-dire les faire passer de 1565 milliards FCFA en 2016 à 1719 milliards en 2017), la loi de finances 2017 a dû modifier le code général des impôts. Une taxe de séjour a été instituée, les taux initiaux de la taxe spéciale sur les produits pétroliers ont été rétablis et le champ d’application de la taxe sur les jeux de hasard a été élargi. Cette réforme a relevé la pression fiscale. Elle serait passée, selon un responsable du FMI cité par l’hebdomadaire panafricain Jeune Afrique, de 16-17% à 20- 22%. Avec les mesures édictées par le chef de l’Etat camerounais, cette pression devrait se renforcer en 2018.

Moins de recrutements

Une mobilisation même optimale des recettes internes ne suffirait pas, à elle seule, à atteindre la réduction projetée des déficits. A côté de cela, il faudra diminuer les dépenses. Depuis l’exercice 2017, les prévisions de dépenses sont modérées. Elles n’ont progressé que 3,3% passant de 4 234,7 milliards de francs CFA en 2016 à 4 373,8 milliards. Cette progression avait été de 13% les deux dernières années. Dans le meilleur des cas, ce ralentissement devrait se poursuivre. Paul Biya souhaite en effet «maintenir l'effort de réduction du train de vie de l'Etat».

A ce niveau, sa circulaire cible les dépenses de personnel, l’achat des biens et services particulièrement des véhicules et les investissements publics. Pour réduire les charges de personnel, le président camerounais, en cette année électorale, ne souhaite pas couper les avantages des agents publics encore moins les effectifs. Il mise plutôt sur une meilleure gouvernance. Aussi prescrit-il, «la conduite d'une opération de «comptage physique» des personnels de l'Etat pour les actifs, de contrôle et de sécurisation des ayants-droit pour les pensionnés»; «la révision des textes disciplinaires de la Fonction publique, en vue de mieux sanctionner les abandons de poste et de bien définir les délais de prescription» et «l’optimisation des recrutements dans la Fonction publique». Pour Paul Biya, les recrutements devraient même relever de l’exception: «pour satisfaire les besoins en personnel, il faudra privilégier le redéploiement et le renforcement des capacités», indique-t-il clairement.  

Achats de véhicules

La réduction des charges liées aux biens et services passera par «la révision de la mercuriale des prix»; «l'application de la nouvelle procédure de traitement des consommations publiques d'eau»; «l'opérationnalisation de la mercuriale des prix des loyers contractés par l'Etat et ses démembrements » et «la définition des quotas de consommation de téléphone par administration et par responsable». En plus, le texte présidentiel demande d’accorder une attention particulière «à la réduction des crédits destinés à l'acquisition de nouveaux véhicules et la rationalisation de leur affectation».

«Pour cela, prescrit la circulaire, chaque administration devra présenter aux pré-conférences budgétaires : la situation exhaustive de son parc automobile, en précisant notamment l’année d’acquisition desdits véhicules ; le tableau de répartition des véhicules par service et par responsable ». S'agissant des dépenses d'investissement, Paul Biya instruit la «priorité absolue à l’achèvement des projets en cours, même s’ils ne disposent pas des autorisations d’engagement pluriannuelles». Il s’agit notamment d'achever la construction des grands projets structurants de première génération, de parachever la mise en oeuvre du Plan d'urgence triennal pour l'accélération de la croissance et de boucler les projets relatifs à l'organisation de la Can 2019.

Avec ces orientations, le président camerounais espère atteindre une croissance de 4,6% en 2018. Des projections légèrement au-dessus de celles du FMI qui prévoit une croissance de 4,3% pour cette année. Quoi qu’il en soit, cette croissance sera largement inférieure à la moyenne annuelle de 8% que la Banque mondiale juge nécessaire à réaliser sur la période 2015-2035 afin d’atteindre l’émergence.

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