Cameroun, Catastrophe d’Eséka: La vie après le drame
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Huit mois après le plus grand drame ferroviaire que le Cameroun ait connu, les populations de cette localité essayent à leur manière de tourner cette page triste. Huit mois après, personne n’a oublié le drame d’Eséka, localité située dans le département du Nyong et Kellé, région du Centre. Ce qui jusqu’ici reste la plus grande catastrophe ferroviaire que le Cameroun ait connue est toujours aussi vivace dans les mémoires des populations de cette petite ville. 

Sans doute encore plus mardi dernier. Il est tout juste 10h lorsque nous foulons le sol d’Eséka le mardi 20 juin 2017. Tout de suite, l’air frais de cette matinée vous enveloppe. Les premiers rayons de soleil n’ont pas encore réussi à dissiper la brume matinale. L’herbe fraîche et verdoyante porte des gouttes de rosée. Quelques notes d’assiko de Jean Bikoko Aladin auxquels se mêlent des cris d’oiseaux troublent le calme des lieux. Mais une fois à la gare d’Eséka, on n’oublie ce décor. Les yeux fouillent de suite ce qui reste des 17 voitures du train 152 VE. Mises sous scellées pour les besoins d’enquêtes, les wagons font depuis lors partie du paysage. Et occupent les abords gauche et droit de la voie ferrée.

L’une des voitures ayant fini sa course folle à un jet de pierre de la gare y est encore renversée. Ici, interdiction de filmer. Les journalistes vont être retenus dans leur élan de garder en image ce décor. « Interdit de filmer ! », martèle un agent de sécurité, tout de jaune vêtu. Il faudra l’intervention du chef de la gare pour que les hommes et femmes de médias filment ce qui reste du train où de nombreuses personnes ont perdu la vie. En laissant promener son regard, on aperçoit ça et là des vêtements, des chaussures d’hommes, de femmes et d’enfants, ainsi que d’autres objets. Plus de traces de sang visibles. Les intempéries ont certainement eu raison d’elles. Les morceaux de verres brisés rappellent s’il en était encore besoin la violence du choc. Parmi ces objets éparpillés, un panier délicatement
tissé contenant des roses multicolores attire l’attention à l’entrée de la voiture n°1336. Preuve que des familles continuent de venir se recueillir ici. Ce que va nous confirmer le chef de gare. « On accueille ici des gens qui viennent de partout pour se recueillir. Effectivement, certains en partant déposent des fleurs à la mémoire des disparus », nous fait savoir le chef de gare. « De nombreuses personnes arrivent ici et éclatent en sanglots. Beaucoup font véritablement leur deuil ici. Je pense que c’est surtout le cas de ceux-là dont les corps des membres de leurs familles n’ont pas été retrouvés », croit savoir Véronique Ngo Boumal, une riveraine.

Traumatisme

A l’hôpital départemental d’Eséka où on aura transporté de nombreuses victimes, le manque de matériel est toujours réel. « Il n’y a pas de matériel. Même après ce drame », déplore Sa majesté Janvier Bikun. Mais, à en croire Eric Evegue, le directeur de l’hôpital, ce centre hospitalier n’affiche plus le même visage de manque qu’il avait avant le déraillement du train. Le médecin relève d’ailleurs quelques améliorations survenues depuis lors. « Il faut dire que depuis l’accident du 21 octobre, nous avons reçu pas mal de donateurs. Que se soient de la société civile, des Ong et même de la diaspora. Par rapport au moment où j’arrive à Eséka et depuis l’accident, le plateau technique a évolué. Mais, vous avez vu qu’il y a encore des besoins. Nous sommes un hôpital départemental et on a besoin d’avoir un certain plateau technique à notre niveau. Avec la nouvelle équipe dirigeante de Camrail et les représentants de Bolloré, j’ai exprimé nos besoins essentiels qui restent un groupe électrogène pour la morgue et le laboratoire qui a besoin d’être fourni en analyseurs hématologiques ou compteurs hématologiques, et un compteur biologique. Pour le reste, on se défend plus ou moins », résume ce médecin. Outre un hôpital bien équipé, les populations en appellent à l’érection d’une stèle du souvenir à Eséka. « Nous demandons qu’on érige une stèle, un monument à une centaine de mètres de la gare, là où il y a eu plus de morts. Un monument qui rappelle ce qui s’est passé. Ainsi, lorsque les enfants demanderont ce que représente ce monument, on leur racontera le drame derrière ledit monument », argue Sa majesté Janvier Bikun.

En attendant, la vie a repris son cours normal à Eséka. Mais, à en croire de nombreux habitants, difficile de tourner la page du vendredi 21 octobre 2016. Le souvenir est encore très vivace. « C’est encore trop frais dans les mémoires. Et les voitures du train, bien visibles, nous rappellent continuellement ce drame », reconnaît Evelyne. Cette dernière n’a d’ailleurs rien oublié de ce jour tragique. « J’étais là ce jour.

Les images du sang sont toujours présentes dans mon esprit. Je n’arrive pas à m’en défaire », s’attriste la jeune femme. « Mais c’est la vie. Il faut avancer », renchérit Barbara. Pour avancer sereinement, le peuple bassa n’a pas hésité à procéder à un rituel de dépollution des lieux. Il s’agit du « mback ». Et ce sont les mbombog (gardiens de la tradition) et les mbambara (les initiés du rituel) qui se sont attelés à la tâche. « Pour nous, traditionnellement, quand il y a le sang, ça pollue la zone. Donc, il faut permettre à la population de reprendre vie. D’où le mback. De plus, on a fait une semaine de deuil ici », apprend-on d’un autre chef traditionnel. « Le mback est un rituel que l’on fait à la suite d’un décès où le sang a coulé. Il était donc question au cours de ce rituel de laver tout ce sang versé et de dire ‘plus jamais ça’ ! », résume Jean Yemga, l’un des mbambara ayant participé au rituel. Et d’après notre interlocuteur, on n’en a pas encore fini avec le « lavage ». « Il y a un dernier rituel que l’on doit faire. Celui-là consiste à laver les wagons précisément. Car, certains y sont morts et y ont pourri », apprend-on de cet initié. Et c’est à Eséka que la nouvelle équipe dirigeante de Camrail a réservé sa première sortie. 

Lors de cette descente sur le terrain, on a noté la présence d’Abbo Aboubakar, le président du conseil d’administration (Pca) ; de Jean Pierre Morel, le directeur général ; d’Aboubakar Iyawa, le préfet du département du Nyong et Kellé, entre autres. Et pour le Pca de cette entreprise ferroviaire, personne ne peut souhaiter que le drame du 21 octobre 2016 se reproduise un jour.

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