AFFAIRE CHARLOTTE DIPANDA : Controverse et questionnement épistémique autour d'une orientation sexuelle polémiste
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Au-delà des émotions et des passions populaires générées par la diffusion, ces derniers jours, des images jugées incongrues de Charlotte Dipanda et sa congénère les qualifiant ainsi de "lesbiennes", soyons lucides, froids, rigoureux et austères!

Depuis le 12 juin 2017 sur la toile, une croisade de figures publiques s'échine à faire prévaloir une posture à la fois affective, subjective et normative consistant à battre en brèche ces images et à défendre cette star internationale. Cette attitude curieuse inspire un constat: celui de la solidarité des Hommes publics exprimée à l'égard de C. Dipanda. En effet, après la floraison de ces clichés controversés, un consortium d'Hommes de médias s'est coalisé et a produit des posts et des articles tendant à valoriser et à sublimer les prouesses de cette artiste-musicienne.

Toute chose que le bas-peuple connaît déjà depuis des années. En pareille circonstance, il est aisé de constater, suivant la théorie des sciences de l'information, que certains journalistes et animateurs, par souci de solidarité groupale, n'ont matérialisé que l'invariant communicationnel du "train qui arrive à l'heure". En comparaison avec des faits antérieurs, cette solidarité machinale et mécanique du fan's club des Hommes publics vis-à-vis de cette icône contraste avec le sentiment de rejet social des personnalités politique et publique accusées, en 2007, de faire partie du top 50 des présumés homosexuels. En fait, l'on se souvient, il y a une décennie, un certain satisfecit du bas-peuple qui s'était réjoui de la publication massive et coercitive de la liste des 50 présumés homosexuels par trois journaux locaux.

Il y avait, dans ce fameux top 50, des noms des barons du régime, des hauts cadres étatiques, des artistes-musiciens, des prélats, des autres figures du champ sociétal non des moindres. Un ministre de la République, toujours au gouvernement, avait, d'ailleurs, été hué et stigmatisé négativement lors des procès au point où il succomba en larmes tant il eut été accusé d'être dans le hit-parade des 50 présumés pédés du Cameroun.

Du coup, la confrontation  de ces deux faits, l'un , antérieur et, l'autre, contemporain, dénote un paradoxe, voire une fracture, mieux une dichotomie sociale entre ceux qui, aujourd'hui, clament et vantent les merveilles de C. Dipanda et ceux qui, hier, étiquetaient des personnalités publiques, en les condamnant systématiquement sans preuve notable, palpable et expérimentable. Le fait curieux est lié à l'aspect suivant lequel lorsque des pontes du régime sont couverts d'opprobre et de discrédit relativement à l'accusation d'être homosexuels, la frustration collective est traduite avec une certaine acuité. A contrario, lorsque des stars du monde du cinéma, du football, de la musique et des mass médias sont "au banc des accusés" quant à l'appartenance à des réseaux philosophiques et à des entités homosexuelles, il se crée, sans coup férir, une levée de boucliers du monde social et, a fortiori, celle des praticiens de l'information, dont l'enjeu est de critiquer, parfois aveuglément, ceux qui ont labellisé  les stars au centre de toute controverse.

C’est fondamentalement, au plan sociologique, ce dont est victime C. Dipanda, dont certains disent, mordicus, qu'elle n'est pas lesbienne, qu'elle n'est pas dans ces "conneries" ou encore exigeant que l'on ôte son identité dans ces histoires d'un tel acabit. Sans conteste, il s'agit là d'une posture éminemment affective, subjective et normative arc-boutée autour de ce que des Epistémologues comme Claude Javeau appellent "les affects", lesquels ne sont que le "type idéal" des référentiels idéologiques liés aux sentiments, aux croyances et aux représentations collectives. En substance, ces individus, qui soutiennent, avec un défoulement cathartique, Charlotte Dipanda n'expriment que leur opinion, a priori et a posteriori, contestable, tout comme ceux et celles qui pensent qu'elle est "lesbienne".

Toutes ces catégories d'acteurs ne naviguent que dans la doxa. Cependant, au delà de ce fait curieux jonché de paradoxe traduisant l'incohérence des Hommes publics, il y a, au plan épistémologique, un questionnement scientifique à faire autour des images jugées controversées de Dipanda

  1. Qu'est-ce qui justifie l'opportunité de la diffusion prégnante de telles postures ces derniers jours sur la toile?
  2. Est-ce la recherche, incognito, du buzz relativement à l'augmentation de sa cote de popularité?
  3. La publication de ces images matérialise-t-elle qu'il y a anguille sous roche au point de la cataloguer comme une lesbienne?
  4. Ceux et celles qui soutiennent, avec véhémence, que C. Dipanda n'est pas lesbienne ont-ils apporté la preuve de la réfutabilité de ce "fait"?
  5. Ceux et celles qui défendent que cette star ne fait pas ces "conneries" ont-ils prouvé leur argumentaire à l'aune des faits contre-attaquant ces images?
  6. En soutenant, indéniablement,le fait que l'artiste est une icône le dispense-t-il d'appartenir à des cercles ésotériques, à des sociétés secrètes, à des entités philosophiques ou à tout autre ordre, dont les contraintes sont parfois inimaginables?
  7. Est-ce qu'une personne qui n'est pas homosexuelle est susceptible de déclarer que tel autre n'est pas homosexuel?
  8. Est-ce qu'une non-lesbienne est censée déclarer que telle autre est lesbienne si jamais elle est aussi initiée?
  9. Pensez-vous que des stars du football, du cinéma, de la musique et des mass et des techno-médias n'appartiennent pas à des ordres ésotériques, à  des sociétés secrètes ou à des groupes occultistes?
  10. Connaissez-vous les fréquentations de ces stars, leurs implications et leur incidence sociale sur leur vie sociétale ici et ailleurs?

Au demeurant, ce questionnement épistémologique est élaboré pour incliner les uns et les autres à s'affranchir de l'opinion publique et à éviter d'être prisonniers des a priori et des préjugés qui sont des entraves à l'accès à la connaissance d'un individu ou d'un sujet de recherche. En dépit du degré de sympathie et d'antipathie exprimé à l'égard de toute personnalité publique, il est idoine de savoir que l'Homme est divers et ondoyant  tant c'est une monade impénétrable.

A cet effet, il vaut mieux s'abstenir de s'inspirer d'une posture affective et subjective à coloration sensationnelle et solidaire pour opérer une vigilance épistémologique entre le sujet de recherche et l'objet de recherche. En ce sens, C. Dipanda, ici, est un objet de recherche et le grand public qui lui attribue des qualificatifs est un sujet-observateur, qui a déjà, hélas, biaisé sa perception à coups de représentations et de fantasmes sans fondement. Aucune enquête socio-anthropologique n’a été faite soit pour approuver les images concupiscentes vécues sur la toile, soit  pour y opposer un contraste.

Chacun se complaît, tout simplement, à jeter les fleurs à l’artiste et à lui plaire comme si elle était véritablement en quête de qualificatifs mirobolants. Cependant, suivant cette conjecture, si Charlotte Dipanda révélait, contre toute attente, à l’opinion publique son orientation homosexuelle, la lapideriez-vous illico presto sous prétexte qu’elle est devenue, hélas, un paria social ?

Au-delà de la manipulation, de la théâtralisation, de la désinformation et de la construction de la vie sociale de quiconque, sachons, en réalité, que les hommes et les femmes ne sont pas toujours ce qu’ils paraissent être au quotidien et en public. D’aucuns pensent, manifestement, que la star mondiale doit garder mutisme en ce moment où la controverse s’amplifie dans l’agora.

Et pour cause : le silence vaut de l’or. Or, parfois, ne l’oubliez pas ! qui ne dit rien consent !

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