MAX LOBE : L'indépendance du Cameroun: «c'est une période très peu connue»
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Max Lobe : L'Indépendance Du Cameroun: «C'Est Une Période Très Peu Connue» :: Cameroon

Invité de Rfi l'écrivain camerounais vient de remporter le prix Ahmadou-Kourouma pour Confidences, un roman historique qui se déroule au moment de l'indépendance du Cameroun, et centré autour d'une des figures du combat pour l'indépendance, Ruben Um Nyobé. C'est en Suisse, où il vit depuis de nombreuses années, qu'il a pris connaissance et conscience de l'existence même de ce conflit, et c'est ce qui l'a poussé à le raconter.  

Les « Confidences », ce sont celles de Ma Maliga qui, de son village, à la fin des années 1950, a vécu la lutte pour l’indépendance du Cameroun. Pourquoi avez-vous voulu parler de cette époque-là ?
Eh bien parce que c’est une période très peu connue, du moins pour beaucoup de Camerounais, et je me suis dit qu’il était temps désormais de pouvoir retransmettre cette histoire, notamment aux générations plus jeunes, j’entends ceux de ma génération ou ceux qui viennent après.

Et pourquoi cette histoire n’est-elle pas connue, aujourd’hui, des Camerounais ?
Il y a un manque de volonté politique. L’histoire est une chose et la mémoire en est une autre. Ce qui est enseigné aux enfants, à l’école, fait partie de la mémoire et la mémoire est un choix politique. Cela veut dire que l’on décide des éléments historiques qu’on va mettre dans les livres qui seront enseignés à nos enfants. Dans mon cas, la mémoire politique n’a pas voulu que cette histoire-là me soit enseignée. Je l’ai découverte chez les  Blancs.

Comment avez-vous découvert cette histoire, justement ?
Par le biais de nos conférences  avec Jacob Tatsitsa et Thomas Deltombe à Genève. Ils présentaient un gros bouquin pavé sur l’histoire du Cameroun et là, j’en suis sorti profondément honteux. Honteux parce qu’il ne suffit pas de dire que l’histoire nous a été cachée. Il y a là aussi ma part de responsabilité, le manque de curiosité. Pourquoi toujours avoir une curiosité qui est tournée vers l’extérieur, notamment vers l’histoire de la France, au lieu de s’occuper de sa propre histoire ?

Donc, à partir de là, vous avez décidé d’aller au Cameroun et de travailler sur ce sujet ?
Exactement. Et il y a bien là, un double sujet. Il y a une quête identitaire parce que cette guerre d’indépendance récente a un impact sur mon identité actuelle. Aussi, je rentre au Cameroun pour suivre les traces d’Um Nyobè mais aussi pour voir ce qu’il en reste finalement dans la vie de tous les jours du Camerounais moyen.

Et qu’est-ce qu’il en reste, dans la vie de tous les jours ?
C’est désolant. Il n’en reste pas grand-chose. On commence à en parler maintenant, comme ça, de manière pas trop scientifique. Il y a beaucoup de… Je ne vais pas utiliser le mot affabulation mais il y a beaucoup de ouï-dire qui ne tiennent pas la route, alors que par le biais de la littérature, on peut apporter un savoir qui soit tout à fait juste mais qui passe par une langue - j’allais dire colorée - qui ressemble beaucoup à celle qu’utilisent les Camerounais de tous les jours.

Et l’action de ce livre « Confidences » se situe donc principalement dans le village de Song Mpeck qui n’est pas n’importe quel village ?
Ce n’est pas n’importe quel village. C’est le village natal d’Um Nyobè et c’est aussi le village où vit Ma Maliga. C’est un village de la forêt Bassa qui n’a rien de particulier, à priori, mais quand on écoute ici et là les survivants et les rescapés de cette guerre d’indépendance, on se rend compte que c’est un village tout à fait particulier.

Et pour vous, c’était important de parler du conflit mais aussi de parler, de décrire ce que pouvait être la vie de ce village, à la fin des années 50 ?
C’est cela. C’est la petite histoire dans la grande. Il se trouve que nos parents ont été très taiseux. Ils n’ont pas beaucoup parlé ; ils n’ont pas beaucoup raconté, ce que je peux comprendre parce qu’il y a l’élément de la honte. Tout peuple, toute Nation a des velléités de montrer sa grandeur et là, personne ne vous dira, nous avons perdu des batailles. Ils veulent toujours avoir accompli de grandes épopées. Comme cela n’a pas été vraiment le cas avec ce peuple-là, ils nous ont caché cette histoire.

Moi, j’étais simplement là pour essayer non pas d’ouvrir les blessures qui de toute façon sont encore béantes, mais pour essayer de comprendre le pourquoi du comment on en est arrivé là, quelles étaient les petites habitudes de tous les jours, comment les gens se mariaient, comment on négociait ces mariages, la forêt, comment on vivait là ou encore comment on se soignait avant l’arrivée des médicaments du Blanc.

Tous ces petits éléments font partie de la vie classique, de la vie quotidienne des personnes, dans les années 50, au Cameroun, et nous permettent de comprendre évidemment pourquoi elles ont réagi comme ça, pourquoi elles se sont opposées de manière violente, par la suite - au début ce n’était pas tout à fait le cas - à l’administration coloniale française.

Et pour votre prochain roman, vous restez au Cameroun ? Vous continuez à travailler sur le Cameroun ?
J’y étais, il y a un peu plus d’une année. J’ai fait le parcours de Douala jusqu’à Kolofata et je vais donc m’inspirer exactement de ce voyage pour raconter pourquoi, aujourd’hui, ce pays-là comme beaucoup de pays d’Afrique se vident de leur substance, de leur jeunesse. Pourquoi partent-ils de chez eux ? Ça, c’est la question que tout le monde refuse de se poser, malheureusement.

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