Cameroun, Hommages à un dignitaire de l’Ouest: Fo’o Mbougang Ier, nous tenons la queue du cheval…
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Cameroun, Hommages à un dignitaire de l’Ouest: Fo’o Mbougang Ier, nous tenons la queue du cheval… :: CAMEROON

Fo’o Mbougang Ier, en vain les jours succèdent aux jours, glissent sans laisser de traces, dans mon âme rien ne t’efface. Je revois les années de ta vie coulées derrière moi, une vie pleine et remplie. Je trouve comme toi Papa, l’homme le meilleur de la terre. D’une grande simplicité, d’une grande bonté. Il venait là avec ses filles, alors dans tout l’éclat de leur jeunesse et de leur beauté. Ce que nous venons honorer en lui, nous disons bien Fo’o Mbougang Ier, c’est justement cet inépuisable dévouement qu’il a montré aux intérêts des hommes de culture et aux bâtisseurs de la cité, c’est le grand amour avec lequel il a travaillé pendant de si longues années à l’œuvre que nous continuons. Il restera comme une figure charmante et bonne, l’aimable traditionnaliste qui a amusé toute une génération, et l’infatigable opérateur économique qui a souvent assuré le pain à de nombreuses familles.

Pendant les 73 années de son dur et glorieux labeur il est resté fidèle à la terre d’où il était sorti, il a aimé les humbles et les souffrants qu’il avait coudoyés dans sa jeunesse. Ses héros préférés, ce sont les va-nu-pieds des champs et des villes, tous ceux que la vie sociale écrase ; ce sont aussi les simples, les grands et les tendres, dont chaque heure, dans la bataille de l’existence, est un héroïsme. Il les prenait parmi le peuple, il leur soufflait l’âme naïve et forte des foules, il les faisait à son image ; car, même sous l’usure de notre terrible, il avait gardé

la simplicité et une tranquille grandeur. Il s’était mis véritablement à part, dans notre monde. Cela est très beau, une existence entière donnée à un idéal, dans le désintéressement de tout le reste. Et cela devient d’un grand et superbe exemple, en nos temps où la course à la facilité et à l’argent salle s’érigent en normes. On a fini de s’écarter de la norme au point de normaliser l’écart.

Fo’o Mbougang Ier, tes œuvres si soignées, si voulues, ne se laissent point aisément pénétrer par la foule. Leur beauté a besoin d’une sorte d’initiation, elles demeurent le culte d’une élite. Il devait se rendre compte de la vanité de certaines gloires fragiles. Mais nous en avons souffert pour lui, nous autres qui connaissions sa rare valeur, qui savions aussi, hélas!, que le succès, c’est aussi l’aisance, parfois la santé, la maison heureuse, égayée de soleil.

Oui, à chacune de ces belles œuvres impeccables qu’il lançait, ouvragées comme des joyaux de haut prix, nous aurions voulu les forts tirages qui hantent les impatients d’aujourd'hui, Et, d’ailleurs, n’est-ce pas un destin heureux que d’avoir trouvé de son vivant le succès rétif, quand on a tout fait pour bâtir son œuvre sur des bases indestructibles? Ce qui les dévore, ces ouvriers acharnés remettant sans cesse leurs phrases au feu de la forge, c’est l’impérieux besoin de les forger si solides, si définitives, qu’elles vivent ensuite éternelles dans les siècles. La solidité du style, la conscience, le désir de perfection, tout ce qui a rebuté d’abord, travaille à la conquête de l’immortalité. Affinées par la passion de la vie, le souffle lui était venu, ce grand souffle humain qui fait les œuvres passionnantes et vivantes. La merveille, le joyau rare, l’œuvre de vérité et de grandeur qui ne peut être dépassée.

Ce qui nous frappait, nous qui suivions, Fo’o Mbougang Ier, c’est cette conquête si prompte des cœurs. Il n’avait eu qu’à conter ses histoires, les tendresses du grand public étaient aussitôt allées vers lui. Célèbre du jour au lendemain, il ne fut même pas discuté ; le bonheur souriant semblait l'avoir pris par la main pour le conduire aussi haut qu'il lui plairait de monter. Je ne connais certainement pas un autre exemple de début si heureux, de succès plus rapides et plus unanimes. On acceptait tout de lui ; ce qui aurait choqué sous la plume d'un autre passait dans un sourire. Il satisfaisait toutes les intelligences, il touchait toutes les sensibilités, et nous avions ce spectacle extraordinaire d'un talent robuste et franc, sans concession aucune, qui s'imposait d'un coup à l'admiration, à l'affection même de ce public lettré, de ce public moyen qui, d'ordinaire, fait payer si chèrement aux artistes originaux le droit de grandir à part.

Il fut comblé de tous les bonheurs, et j’insiste, car la grandeur de la figure qu’il laissera dans la mémoire des hommes est sans doute ici. Je veux le revoir avec son visage riant, certain du triomphe, quand il venait me serrer la main, aux heures joyeuses de la jeunesse. Je veux le revoir plus tard dans son succès, si aisé et si franc, accueilli de tous, fêté, acclamé, porté à la gloire comme un envolement naturel. Il avait toutes les chances, même celle de ne pas faire de jaloux, au milieu d’une victoire si prompte, car il gardait les cœurs qu’il avait conquis ; pas un de ses amis de la première heure ne souffrait de sa fortune, tellement il était resté un sincère et cordial compagnon. Cela paraissait tout naturel qu’il fût comblé par le sort : on ne sentait marcher devant lui que les fées bienfaitrices qui sèment de fleurs la route, jusqu’à quelque couronnement d’apothéose, dans une vieillesse avancée. Surtout on se félicitait de sa santé, qui semblait inébranlable, on le proclamait avec justice le tempérament le mieux pondéré de notre communauté, l’esprit le plus net, la raison la plus saine. Et ce fut alors que l’effroyable coup de foudre le détruisit. Fo’o Mbougang Ier, nous tenons la queue de cheval, symbole de la victoire de la vie sur la mort, pour ton immortalité….

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