Cameroun:Cannibalisme politique
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Cameroun:Cannibalisme politique :: CAMEROON

« Chaque République a ses héros dont elle garde jalousement les reliques; à qui elle n’hésite pas à rendre un véritable culte. Tout le monde se souvient de la célèbre phrase : mon illustre prédécesseur n'a jamais failli à ses devoirs, je n'y faillirai point ». Car un pays fait rêver quand il a des dirigeants qui, soucieux du bien-être des populations, se hissent à la hauteur des circonstances pour le faire avancer.

Il est dangereux pour la paix et la cohésion sociale, de simplifier en tendance des décennies d'histoire d'un pays composite, juxtaposant langues, cultures et religions comme le nôtre. Pourtant des parlementaires manifestent pacifiquement à Bamenda, capitale régionale du Nord-ouest anglophone, pour réclamer la réforme de l'Etat. Ils ont oublié que la résistance du président Biya au changement n'a d’égale que le nombre de ses adversaires-ennemis ou de la multitude-gravité des problèmes à résoudre. 

De même sa force réside dans sa capacité à conduire la guerre d'usure à l'endroit de son peuple, différant les décisions les plus attendues, quitte à laisser brûler tout le pays. En effet, prétendre organiser une marche ou un sit-in pour réclamer quelque amélioration des conditions de vie de la Biya's land est un crime de lèse majesté. 

Des parlementaires, une infime partie bien sûr, ont osé: il s'en est suivi ce que tous avons vu. Le Renouveau a la particularité d’asséner des horions physiques et psychologiques à tous ceux qui osent.  L'avocat général près la Cour suprême en est une parfaite illustration; et si cela ne convainc pas, un rapide tour à Kondengui, au Sed, à la Bmm, à New-Bell ou encore dans nos cimetières édifiera. Il n'y a d'ailleurs pas que cela.

Il y a aussi la disparition dont aucun texte n’immunise les parlementaires, encore moins le citoyen lambda. Le cas de l'ennemi public N°1 au Cameroun depuis le mois d'avril 1984,le capitaine Guerandi Mbara, cousin de l’archevêque Samuel Kleda, porté disparu entre Douala et Yaoundé en ce fatidique matin du 26 janvier 2013 est plus que présent dans nos esprits. Qui des commissaires Thierry A. M ou de James E. L.
nous le dira ?

Ici, le président est la loi. Tout ce qu'on peut avancer comme défense vous rejette encore plus dans l'illégalité. Les cris, les supplications, les révoltes et le sang irriguant la terre de nos ancêtres
rencontrent indifférence et mépris. 

La soif du pouvoir du prince est insatiable. Aussi, pour demeurer au pouvoir, il serait capable de faire mettre en pile, afin de protéger son palais, des nourrissons comme sac de sable.

D'ailleurs la morgue qu'il affiche aujourd'hui écrase toute justice et tout espoir. Au contraire d'autres dirigeants qui font corps avec leur peuple, Popol face aux circonstances, applique ce qui lui sied, ignorant que les préoccupations de ces concitoyens sont plus sociales, économiques que politiques. Cet homme dont le visage hier rayonnait de sérénité et de détermination (rigueur et moralisation) est devenu méconnaissable. Il ne gouverne plus, pire il règne. Même ses opposants ont maintenant un discours qui a perdu sa verve d'antan. Résultat, on ne peut déterminer dans ce micmacs, ce qui relève de la manipulation, de la gesticulation et de ce qui tient de la conviction. 

Ce qui a amené les Camerounais à rompre avec la représentation qu'ils avaient de ces derniers et du pays lui-même au point qu'ils doivent se repenser pour se retrouver. Avec son tempérament peu volubile voire taciturne qui laisse voir un arrogant et un je-m’enfoutiste, pas du tout pressé, peu diplomate et imbu de son pouvoir, Popol, président hors norme, en rupture avec ses concitoyens, choque les esprits. Pour lui qui se dit que perdre le pouvoir c'est perdre la vie, il s'y accroche d'autant âprement à l'un et à l'autre qu'il les sait pourtant éphémères.

La volonté ou la tendance de l'élimination de la mort dans son registre de vie est connue de tous.

Pourtant la valeur d'une vie ou d'un pouvoir réside moins dans sa durée que de ce qu'on en fait. Malgré cette évidence, on retrouve une certaine survivance du mythe de ce chef immortel dans l'acharnement de ses partisans à la maintenir à la vie et au pouvoir quoique déclinants. 

Pour eux, la vacance du pouvoir ou son alternance est un signe de rupture à ne pas prendre, ignorant l'exemple des cas des présidents Boumedienne, Bourguiba ou même Bouteflika (remarquez que leurs noms commencent tous par la lettre B) qui furent ou sont maintenus au pouvoir et à la vie au prix de toutes les ressources thérapeutiques imaginables est pathétique de similarité. Cette attitude à l’égard de la mort ou de la perte du pouvoir semble être l'enterrement de ses espérances et de ses ambitions. Révolté par cette mort à laquelle il ne peut échapper, avide d'immortalité, alors que la mort est la condition de la création, la fuir ou la repousser revient à fuir soi même.

Sigmun Freud disait: "rendre la vie supportable est le premier devoir du vivant. Et l'illusion perd toute sa valeur lorsqu'elle est en opposition avec ce devoir". Mais ici la précarité et l'exclusion par le chômage ont vertigineusement progressé. Parallèlement, ceux qui ont la chance d'avoir un emploi souffrent d'avantage de l'usure prématurée par un salaire de catéchiste. 

Un petit tour dans nos structures agro-industrielles est plus qu’édifiant. Et le prince cependant cherche à convaincre que c'est la crise en Occident qui entrave son action, alors que le mode de développement qui a consacré des décennies à la valorisation de l'argent facile au détriment du travail a enterre l'ardeur patriotique des Camerounais.

Aujourd'hui, on se sert de gros alibis pour nous imposer brutalement des décisions qui fragilisent les populations les plus vulnérables. Maintenant, c'est un fourmillement de projets dits structurants mis en œuvre de manière simultanée et brouillonne qui vont inéluctablement nous conduire vers un autre drame économique car, ce qui fait défaut ici , c'est l'absence d'une ligne reliant tous ces projets et qui aurait la prétention de montrer au peuple dans quelle direction il est conduit, pour combien des décennies de règlement de dettes à payer, etc.

On parle sans cesse de réforme économique mais le conservatisme est de mise et au même moment se dressent de profondes tranchées entre les conditions de vie des populations.

Pour germer, la graine doit mourir . . . Et l’expérience nous enseigne que c'est après au moins une alternance, lorsque les populations par elles-mêmes, auront expérimenté les responsabilités de la majorité et les frustrations de l'opposition, que les règles trouvent elles-mêmes l’équilibre qui enracine celles qui sont bonnes et laissent s’évanouir les autres.

Hélas! Que voyons-nous ? Comme pour démontrer et se montrer à lui-même l’étendue de son pouvoir, en Popol, c'est Neron se repaissant des jeux de cirque, ou alors pour conjurer sa peur, sentant le pouvoir et la vie vaciller, c'est Caligula saisi par la folie sanguinaire, ou enfin pour faire respecter ses funérailles de son vivant afin de s'assurer qu'elles seront exceptionnelles, et voila Charles Quint. 

En sommes nous vraiment éloignés ? La nuit des longs couteaux approche, 2018... de potentiels et virtuels dauphins s’apprêtent à abattre leurs cartes. 

Aussi pour éviter un soulè-vement populaire qui, inévitablement provoquera une riposte qui inondera le berceau de nos ancêtres de sang, et face au cynique comportement du président quelques années seulement après la communion nationale lors des festivités de l'anniversaire de l'Etat unitaire, les parlementaires de tous bords, malgré l'absence de toute immunité réelle, doivent prendre conscience qu'il ne dépend plus que d'eux pour secouer le joug auquel l’exécutif nous a tous abusivement liés.

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