Piégés entre les barques de la mort et les prisons libyennes
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Piégés entre les barques de la mort et les prisons libyennes :: LIBYA

L’UE envisage un accord avec Tripoli, semblable à celui conclu avec la Turquie, pour limiter les flux migratoires. Mais les ONG s’alarment : dans les sites de rétention libyens, les droits élémentaires ne sont pas respectés.

C’est la saison des départs. On dit la mer calme. Chaque jour, des centaines d’Africains subsahariens sont entassés dans des bateaux gonflables ou des barques vermoulues et lancés en direction de l’Europe. Les passeurs libyens ne se préoccupent même plus de fournir des pilotes. Un migrant est désigné pour tenir la barre, tout droit, cap au Nord. Les bateaux ne sont pas prévus pour atteindre les côtes italiennes : le but est simplement de sortir des eaux libyennes et de croiser la route d’un navire de secours - que ce soit d’une ONG (22 % des sauvetages en 2016), de la marine italienne (46 %) ou de la flotte européenne de l’opération «Sophia» (25 %). La semaine dernière, 10 000 personnes ont ainsi été secourues au large de la Libye et transférées vers l’Italie. Depuis le début de l’année, ils sont 60 000 à être passés. Au moins 1 700 sont morts noyés ou ont disparu en mer.

Aiguillonnée par Rome, qui se dit débordée par cette nouvelle vague migratoire, l’Union européenne envisage de conclure un accord avec la Libye pour «endiguer les flux illégaux». La réunion du Conseil européen à La Valette (Malte), en février, était consacrée à cette question : le communiqué final du sommet recommandait en priorité de «former, équiper et soutenir les garde-côtes nationaux libyens». Car si les migrants sont arrêtés en Libye ou dans les eaux nationales, ils sont immédiatement envoyés dans un centre de détention libyen.

L’ensemble des ONG ayant travaillé dans le pays dénoncent ce projet d’accord. Car les centres libyens sont en fait des prisons qui bafouent les droits humains les plus élémentaires. Si 7 000 migrants sont gardés dans les 27 sites officiels de l’administration - le photographe Guillaume Binet a pu visiter ceux de la capitale, Tripoli -, le nombre total de clandestins dépasse les 700 000. La plupart de ceux qui veulent gagner l’Europe sont entre les mains des réseaux de passeurs, dont les revenus ont été estimés à 300 millions d’euros par an. Dans ce pays déchiré par la guerre civile, le fragile gouvernement reconnu par la communauté internationale ne contrôle qu’une infime portion du territoire. Comment lui confier la responsabilité de la gestion des migrants ? Il n’en a définitivement pas la capacité, ni sans doute la volonté - bien qu’étant une obsession européenne, la question est la dernière des préoccupations pour les Libyens.

«La Libye n’est pas la Turquie», avec qui un accord similaire a été conclu l’an dernier, répètent les ONG. Refouler les Africains équivaut à les exposer à du travail forcé, des viols, des supplices, voire à la mort, pointe l’Organisation internationale des migrations. L’instance onusienne a décrit le mois dernier des «marchés aux esclaves» dans le sud du pays : des migrants venus d’Afrique de l’Ouest vendus par leurs passeurs à des groupes criminels qui les exploitent ou les torturent jusqu’à obtenir le versement d’une rançon de la part de leur famille.

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