Cameroun: Ecroué au SED, l'état de santé de Paul Ayah Abine se dégrade
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A moins de 20 jours du Conseil supérieur de la magistrature que présidera personnellement le chef de l’Etat, le premier avocat de la Cour suprême du Cameroun, mis aux arrêts depuis le 21 janvier dernier, écrit au peuple camerounais pour crier son mal-être et dénoncer le hold-up dont il est victime.

Une deuxième lettre en l’espace de trois semaines. Cette fois, elle est moins volumineuse, moins dense, mais suffisamment chargée de sens et de symboles. La plume est toujours aussi caustique, le style dénué de toute tournure langagière, la démarche intacte : celle d’un condamné qui crie son innocence et plaint le système qui l’a conduit derrière les barreaux. Paul Ayah Abine est certes privé de liberté mais garde toute son indépendance d’esprit. 120 jours après avoir été enlevé à son domicile à Yaoundé par six hommes armés et non identifiés, le premier avocat de la Cour suprême du Cameroun, détenu « de façon illégale » depuis le samedi 19 janvier 2017, fait couler l’encre de sa plume à travers une lettre ouverte qu’il a baptisée « Quel est mon crime ? », continue de clamer que c’est dans l’ignorance totale du tort qu’il aurait commis qu’il est détenu dans les geôles du Secrétariat d’Etat à la défense (Sed).

Pour l’heure, la seule crainte du magistrat hors hiérarchie reste sa santé vacillante, inquiétante. Il souffre dans sa chair et ses conditions d’incarcération compliquent davantage son état. « Depuis ma mise en détention au secrétaire d’Etat à la défense, j’ai contracté un problème cardiaque et ma vue (surtout mon œil gauche) se dégrade ». C’est pourquoi il reste accroché aux ailes du Très-Haut qu’il présente comme le juge incorruptible et suprême apte à défendre sa cause. « J’ai vécu en toute honnêteté et intégrité 4 décennies de carrière exemplaire. Mes mains sont propres et donc, je n’ai peur de rien », écrit-il.

loi antiterroriste

Face à ce qu’il qualifie de « silence légendaire du gouvernement » relativement face à son calvaire, Paul Ayah qui n’a pas été conduit dans un prétoire depuis presque quatre mois, encore moins, inculpé pour un quelconque motif, peine à comprendre pourquoi son cas fait l’objet de rumeurs et autres « procès » sur les chaines de télévision, alors que la Constitution du Cameroun prône la présomption d’innocence jusqu’à preuve du contraire. Suffisant pour faire tomber dans son esprit confus, une pluie de questions : « quelle est la raison pour laquelle je ne suis pas conduit au tribunal comme c’est le cas avec les autres « anglophones » arrêtés pendant cette crise anglophone pour me défendre ? A ceux qui me traitent de terroriste : que stipule l’article 12 de la loi antiterroriste? Pourquoi est-ce que je ne suis pas mis en jugement direct comme le stipule cet article s’il s’agit de terrorisme ? Pourquoi me gardez-vous dans l’ignorance totale de mon crime (si jamais j’ai commis des crimes)? Quel est mon crime? Puis-je
connaitre les actes que j’ai posés qui heurtent la loi? », s’interroge l’ancien député du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) dans le Manyu, région du Sud-ouest Paul Biya, le dernier rempart ?

Indigné, ulcéré, piqué à vif, l’homme qui attend toujours d’en savoir davantage sur son enlèvement et mise en détention illégale est d’autant plus surpris de ce que la Crtv, pour laquelle il paye des impôts, n’a jamais mentionné son nom ni parlé de sa situation depuis le début de ce calvaire. Le seul recours de Paul Ayah reste donc le Conseil supérieur de la magistrature que préside le président de la République le 7 juin prochain. Paul Biya qui sera entouré pour la circonstance de tous les membres statutaires tel que prévu par la réglementation en vigueur au Cameroun, à savoir, la Loi N° 82 / 14 / du 26 novembre 1982 fixant l’organisation et le fonctionnement de cet organe, pourrait avoir dans la chemise des dossiers brûlants, le cas Ayah.

La demande en Habeas corpus initiée par ses conseils auprès du président du tribunal de Grande instance du Mfoundi il y a quelques semaines, a été rejetée. Il est donc à craindre que le ministre d’Etat, ministre de la Justice (dont on connaît le caractère cynique) puisse malicieusement monter un dossier disciplinaire spécial sur le cas du magistrat hors hiérarchie et le présenter au Conseil. Il est possible qu’on lui colle les accusations de « sédition, haute trahison » et autres procédures particulières qui le conduiront droit à « l’échafaud ». Le mis en cause reste serein. « Une chose est sûre : l’obscurité ne peut jamais l’emporter sur la lumière divine, tout comme le mensonge et le faux ne peuvent jamais faire de l’ombre de manière éternelle à la vérité. Dès lors, je reste debout jusqu’à la fin, conformément à cette prescription biblique : « Tous ceux qui résisteront jusqu’à la fin seront sauvés », conclut-il.

Encadré

Condamné pour avoir trahi le Rdpc ?

Paul Ayah Abine a été nommé avocat général près la Cour suprême en 2014. Après avoir été député du Rdpc dans le Manyu en 2002, il démissionne du parti en janvier 2011 et créé sa propre formation politique, le Parti pour l’action du peuple (Pap). 

Sous la bannière de ce parti, il a été candidat à la dernière présidentielle. Le 21 janvier dernier, il est arrêté à son domicile par six hommes armés, et conduit au Sed. Indignés, ses conseils et certains magistrats ont décrié cette forme d’arrestation qui en violation de l’article 629 du Code de procédure pénale. 

De sources dignes de foi, le gouvernement qui aurait accumulé des preuves contre lui, l’accuse d'être le leader des séparatistes. Pire, qu’il aurait pris sur lui de financer des mouvements de contestation du régime. Dans la foulée, on parle de sécession, de trahison, d’incitation à la rébellion et d’actes de terrorisme. Affaire à suivre !
C.T

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