Cameroun, Gouvernance: La diversion des textes d’application
CAMEROUN :: POLITIQUE

Cameroun, Gouvernance: La diversion des textes d’application :: CAMEROON

De nombreuses réglementations nécessitent des textes supplémentaires pour entrer en vigueur. «La législation du renvoi ». C’est ainsi que le politologue Mathias Eric Owona Nguini décrit la propension du pouvoir à faire voter des lois qui ne peuvent entrer en vigueur sans textes d’application. « Cette norme qui est très générale, veut que le texte de loi soit précisé et qu’on le renvoie au niveau des règlements pour qu’il y ait des orientations plus claires dans les objectifs que le texte se donne », pense l’universitaire.

Le cas le plus cité dans ce chapitre est sans doute la loi n°003/2006 du 25 avril 2006 relative à la déclaration des biens et avoirs des gestionnaires de biens publics.

Cette loi est le premier niveau de précision de l’article 66 de la Constitution qui stipule que « le président de la République, le premier ministre, les membres du gouvernement et assimilés, le président et les membres du bureau de l’Assemblée nationale, le président et les membres du bureau du Sénat, les députés, les sénateurs, tout détenteur d’un mandat électif, les secrétaires généraux des ministères et assimilés, les directeurs généraux des entreprises publiques et parapubliques, les magistrats, les personnels des administrations chargées de l’assiette, du recouvrement et du maniement des recettes publiques, tout gestionnaire de crédits et des biens publics, doivent faire une déclaration de leurs biens et avoirs au début et à la fin de leur mandat ou de leur fonction ».

La loi de 2006 sur la déclaration des biens et des avoirs vient compléter les dispositions de l’article 66 de la Constitution car, elle ajoute le président du Conseil économique et social, les ambassadeurs, les recteurs d’universités d’Etat, les délégués du gouvernement auprès de certaines municipalités, les présidents des Conseils d’administration des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic. Seulement, pour entrer en vigueur, un autre niveau de législation est nécessaire : la signature par le président de la République d’un décret portant création, organisation et fonctionnement d’une commission compétente en la matière, tel que visé à l’article 6 du texte.

Si la loi sur la déclaration des biens et des avoirs est la plus commentée, elle est loin d’être le seul cas de « législation du renvoi ». En avril 2010, l’Assemblée nationale vote la loi portant promotion et protection des personnes handicapées « mais jusqu’ici, il n’y a pas de textes d’application », déplore Léopold Assiéné Ndiomo, directeur exécutif de l’Association nationale des aveugles du Cameroun. Pour entrer en vigueur, la loi nécessite des textes d’application qui doivent par exemple, préciser les modalités de recrutement des handicapés dans la fonction publique, notamment les quotas, ou la façon avec laquelle cette loi sera implémentée.

Mais aussi, le recrutement d’enfants handicapés ou issus de parents handicapés et les exonérations fiscalodouanières.

Pour Léopold Assiéné Ndiomo, les raisons de ces retards sont essentiellement politiques : « nous avons participé à l’élaboration de la loi. Tous ces textes sont prêts. C’est au niveau de la présidence de la République que cela bloque nous dit-on ». Un manque de volonté politique. C’est du reste l’avis de Mathias Eric Owona Nguini pour qui, « au-delà de l’aspect technique, il y a un aspect politique. Cela peut être un moyen de neutraliser la mise en œuvre du droit qui a été énoncé au niveau de la loi. Puisqu’on renvoi à des textes inférieurs dans la hiérarchie des normes – d’abord le règlement, le décret, puis éventuellement les arrêtés – et après ces textes-là eux ne sortent jamais ». Cabral Libii, juriste et politologue, n’en pense pas moins : « il y a des lois qui sont votées et entrent en vigueur, mais plusieurs points de ces lois renvoient à des textes réglementaires ». Il cite dans ce registre, la loi de 2013 sur les zones économiques. « Le pouvoir exécutif s’arrange toujours pour avoir la compétence de décider en dernier ressort de ce qui devra exactement être fait. C’est toute la philosophie de la démarche », conclut-il.

Lire aussi dans la rubrique POLITIQUE

Les + récents

partenaire

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo