Cameroun,Me Abdoulaye Harissou « Pour moi, c'est un happy end… »
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Cameroun,Me Abdoulaye Harissou « Pour moi, c'est un happy end… » :: CAMEROON

Maroua : l’avenue des banques est déserte en ce matin du 9 mai 2017. Tous sont dans la gargote d’en face, où le nom de Me Harissou est sur toutes les lèvres. Dans les sarés et les bureaux feutrés, il n’y en a que pour lui. Malgré son absence, le notaire de Maroua fait partie du paysage de la région. Depuis plus de 30 ans, la majorité d’actes notariés porte son estampille. Il faudra désormais se faire à l’idée que le détenu de Kondegui ne sera plus le ‘père’ des enfants sans états civils’, combat qu’il a mené durant toute sa vie professionnelle pour donner une identité aux laissés pour compte du septentrion.

Qui donc sera à la barre du tribunal militaire ce vendredi ? Celui qui affronte avec calme et foi un procès sorti de nulle part a accueilli la nouvelle de sa mise à la retraite avec philosophie. « Pour moi, c'est un happy end. Et Je ne peux que remercier Allah le tout puissant de m'avoir guidé vers cette belle profession qui m'a tout donné et m'a permis d'exprimer mes talents de juriste au service des hommes d'affaires camerounais notamment ceux du grand Nord. Mais aussi des populations illettrées et faibles qui ne connaissaient rien ni du notaire ni du notariat avant mon installation en avril 1985 à Maroua. 

Ils étaient à la Merci de la plupart des chefs traditionnels, véreux, qui les expropriaient et les exploitaient sans vergogne, et de certains sous-préfets et commandants de brigades qui bricolaient sans droit des actes relevant de la compétence du notaire ».

Il positive pour ainsi dire. On lui a déjà « volé » trois ans de sa vie qu’il passe derrière les barreaux. Prisonnier sans crime d’un pays désormais sans repères, où selon les organisations de droits de l’homme, « il y a un net recul des libertés », Abdoulaye Harissou se souvient du haut de ses 32 ans de magistère, de sa contribution à la promotion du droit : « je me félicite d'avoir formé 3 jeunes notaires qui viennent d'être nommés à la 14eme charge de Yaoundé, et aux charges de Mokolo et de Kaele qui accueillent les premiers notaires. » 

24 notaires camerounais ont été mis à la retraite par un décret du président de la République. Parmi eux, quelques noms bien connus comme Joël Etoke, un ancien de Garoua, mais aussi Gérard Kack Kack, Eyoum Mandengue, Enganalim Marie Madeleine, Mboudou Ahanda, Yanze née Nono Tchangom.

Un cran au dessus, Abdoulaye Harissou qui fait partie de la crème du notariat de notre pays, d’Afrique et du monde. Le notaire de Maroua a réorganisé et modernisé le notariat lors de ses 4 ans de présidence de la chambre nationale des notaires du Cameroun, entre autres, en la dotant d'un siège et d'un journal " La lettre des notaires" qui était tiré à 5000 exemplaires chaque mois, distribués gratuitement aux professionnels du droit et aux justiciables pour vulgariser le droit. On se souvient également que Me Harissou a porté très haut l'étendard du notariat camerounais et du Cameroun en étant élu président des notaires d'Afrique pour une législature de 3 ans et juste après, vice président mondial de l'Union internationale des notaires ( Uinl) pour la même durée. Plusieurs responsabilités lui ont été confiées par le conseil de direction et le président de cette organisation.

Aujourd'hui, encore, il est membre du conseil général de l'Uin et président du groupe de travail "Titrement".

En marge de ses activités, le notaire de Maroua a eu la main heureuse avec la publication de 2 livres à succès à savoir : " La terre, un droit humain", éditions Dunod, préfacé par les présidents Chirac et Abdou Diouf, consacré à l'accès à la propriété foncière pour tous, notamment les plus faibles, paysans et femmes rurales par l'obtention du titre sécurisé simplifié (Tss), une invention de sa part. L’autre titre, préfacé par Robert Badinter: « les enfants fantômes» est coécrit avec Laurent Desjoie président de l'association du notariat francophone (Anf) dont il est le secrétaire général. L’ouvrage paru aux éditions Albin Michel parle du problème des millions d'enfants dépourvus d'actes de naissance.

Suite aux propositions pertinentes contenues dans ces 2 livres, il conduisait un projet sur la création du Titre sécurisé simplifié avec l'Association des parlementaires Francophones (A pf) et l'Union Africaine (Ua) et un autre avec l'Unicef et l'Oif : l’État civil des enfants. C’était avant son arrestation.

Sa mise à la retraite ? Happy end dit-il, « parce que je pars la conscience tranquille et la tête haute. Je n'ai jamais comparu devant un tribunal pénal dans le cadre de mon travail de notaire et aucun de mes actes n'a été annulé malgré quelques tentatives de certains clients ou avocats mal intentionnés ».

Ironie du sort, il sort la tête haute d’avoir servi son pays qui aujourd’hui l’accuse et l’a « encellulé » : En effet, arrêté à Maroua le 27 août 2014, maître Abdoulaye Harissou est poursuivi en compagnie d’Aboubakar Siddiki, par le tribunal militaire de Yaoundé, pour «outrage au Président de la République», «hostilité contre la patrie et révolution», « complicité d’assassinat » et «port et détention illégale d’armes de guerre».

Au moment ou toutes les charges retenues contre lui n’ont pu prospérer par devant le tribunal militaire, ce qui laisse supposer une évolution favorable de son dossier, Me Abdoulaye Harissou sera-t-il bientôt élargie pour goûter aux charmes de la retraite et continuer son aventure éditoriale en faveur des enfants déshérités ? Cette mise à la retraite préfigure-t-elle une autre entourloupe politico-judiciaire ? Il est urgent d’attendre vendredi prochain, pour être fixé pour son énième comparution devant le tribunal militaire…depuis trois ans.

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