CHANGE CLANDESTIN : De hautes personnalités comme clients
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Hauts gradés de l’armée, hauts responsables d’administration, diplomates… ont recours aux changeurs illégaux.

Vendredi 28 avril 2017. 17 heures. Un véhicule imposant de couleur noire se gare devant le Hilton hôtel de Yaoundé. Les vitres fumées se baissent peu à peu. A l’intérieur, un colonel d’armée. Il fait un signe de la main en direction d’un groupe d’individus placés en face. Mais, ces derniers ne se précipitent pas. Seul Joël E. se dirige vers lui. C’est un client connu des lieux. Le temps d’une quinzaine de minutes, le tour est joué. Les deux hommes en ont terminé. Le véhicule s’éloigne et Joël rejoint ses compagnons. L’homme vient de changer la somme de 500 dollars US, soit un peu plus de 300 000 francs CFA.

La surprise qui habite le reporter lors de cet échange entre l’homme en tenue et Joël fait plutôt rigoler ces «changeurs de monnaie». Auprès d’eux, nous apprenons que les «hauts cadres» font partie de leur clientèle fidèle. Journalistes, ambassadeurs, opérateurs économiques, administrateurs, fonctionnaires… leur font quotidiennement recours. «Nous sommes habitués à rencontrer les grands types. C’est vers nous qu’ils viennent quand ils ont besoin de changer de l’argent », déclare l’un d’eux.

Motivations

Généralement, c’est après plus d’une séance de change que le profil des clients est connu. La confiance s’installe alors entre les acteurs. «Quand quelqu’un vient vers nous pour la première fois, il ne décline pas son identité, il se méfie encore. C’est après deux ou trois occasions qu’il commence à nous parler de sa vie, notamment de sa profession. Toutefois, il nous arrive de reconnaître à qui nous avons à faire dès le premier échange. Soit par l’immatriculation du véhicule, soit par la tenue d’appartenance à corps des forces de défense ou de maintien de l’ordre».

L’anonymat et la simplicité sont les premiers motifs évoqués par les acteurs de ces opérations. «Lorsqu’il m’arrive de vouloir convertir une monnaie, je me dirige toujours vers ces gens. Avec eux, il n’y a pas toutes les tracasseries protocolaires, etc.», explique A. Foé, professeur de lycée. Ces mêmes raisons reviennent chez un cadre de l’administration, en service au ministère de la Santé publique. Pour Joël E., leur travail consiste uniquement à faire le change. Le reste passe au second plan.

«Ici,  nous ne posons pas de questions indiscrètes. Quand un client arrive avec son argent, nous nous contentons de faire ce qu’il nous demande. Nous lui expliquons également certaines choses au cas où il nous pose des questions. Par exemple, si une monnaie a chuté, si elle passe sur le marché camerounais, etc.», indique-t-il. De plus, il reconnaît que les bureaux de change agréés ne donnent pas toujours satisfaction aux clients en leur appliquant des taux de change en deçà. «Parfois, lorsqu’un client arrive à l’intérieur de l’hôtel pour changer son agent et que les prix qu’on lui propose sont très bas, en ce moment, il se retourne alors vers nous».

Avertissements

La semaine dernière, le ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey, mettait en garde dans un communiqué les acteurs de cette activité qui prendrait de plus en plus de l’ampleur, selon ses propres termes: «La convention portant harmonisation de la réglementation bancaire définit la profession de banque, en incluant les opérations de change manuel dans le champ de couverture de cette profession. Ainsi, l’exercice de ces opérations est astreint à un agrément de l’autorité monétaire et l’exercice frauduleux de cette profession est pénalement réprimé par les dispositions de l’article 45 de l’annexe de cette convention», peut-on lire.

Le danger de l’activité, ils ne l’ignorent pas. Mais, ces monnayeurs de l’ombre pensent que les vrais criminels sont assis dans les bureaux et eux ne sont que des facilitateurs et des débrouillards bien évidemment. Joël E., la trentaine sonnée et détenteur d’un Brevet d’études supérieures (BTS), envisage déjà à se convertir vers un métier plus noble. «Je ne m’imagine pas courir derrière les voitures des gens à quarante ans. Être à la fuite des policiers comme si j’étais un délinquant alors que je n’en suis pas un. Je pense m’investir ailleurs».

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