Enjeux, portée et signification de la promotion de la camerounaise Vera Songwe au poste de Secrétaire Exécutif de la Commission économique des nations Unies pour l’Afrique:TRIOMPHE DIPLOMATIQUE ?
CAMEROUN :: POINT DE VUE

Enjeux, Portée Et Signification De La Promotion De La Camerounaise Vera Songwe Au Poste De Secrétaire Exécutif De La Commission Économique Des Nations Unies Pour L’afrique:triomphe Diplomatique ? :: Cameroon

A la suite de la promotion le 13 Avril 2017 de notre compatriote Vera Songwe au poste de Secrétaire exécutif de la Commission économique des nations Unies pour l’Afrique, les médias officiels du pays se sont surpassés dans la présentation de l’événement comme une preuve d’un rayonnement diplomatique certain.

Il importe en outre, de saluer l’événement à ses justes mesures et retentissements, eu égard à l’auréole, l’influence et la très haute considération qu’emportent les positions de supervision régionale et de management des agences, démembrements et institutions spécialisées dans le système des nations unies.

Toutefois, loin des communiqués triomphalistes, il est tout simplement honnête de rendre à César ce qui appartient à César, en somme restituer la symbolique de cette promotion, à la réussite professionnelle individuelle, solitaire voire perspicace d’une compatriote qui à l’instar de nombreux autres, a su et pu se frayer un chemin en toute indépendance dans la haute fonction publique internationale. Nous sommes plutôt très loin des affirmations que met en exergue le communiqué du ministre des relations extérieures, lequel par ailleurs, oublie lamentablement de mentionner des grands noms camerounais récemment promus à des positions de responsabilité de haute influence dans les institutions internationales, mais bien sûr sans un apport de la mère patrie.

Il faut citer avec une particulière satisfaction, l’élection de Maurice Kamto à la présidence de la commission du droit international de l’ONU, de même que sa quasi-intronisation à l’Académie de droit international de La Haye, sans oublier l’éminent Célestin Monga à la vice-présidence de la Banque Africaine de développement. Je veux espérer que certains oublis de monsieur le Ministre des Relations extérieures ne sont pas motivées par des considérations subjectives.

Il faudrait rappeler que ce qui demeure la constance de notre action et de notre présence diplomatiques depuis un certain temps, c’est exactement l’inverse d’une politique de promotion des nationaux dans la haute fonction publique internationale. Nous avons infiniment reculé, perdu le pied et poussé à la marge, au moment où de nombreux pays, à l’instar du Sénégal, du Rwanda, de la Côte d’Ivoire et même du Gabon et le Tchad, pour ne citer que quelques-uns, disposent de véritables taskforces stratégiques travaillant jours et nuits à cette fin, avec des objectifs précis, des cibles, des outils et des moyens de réalisation.

S’il est besoin de montrer comment ou combien nous avons perdu le pied, il faut se souvenir que dans les annales de la diplomatie liée au placement d’influence dans l’administration publique internationale, on n’a rarement vu de déboires semblables à ce que le Cameroun a

connu lors du dernier sommet de l’Union Africaine : sur six candidats officiellement présentés pour des postes, aucun n’a été élu, pendant que le Tchad s’élevait là-bas, ici, et ailleurs.

La réalité s’impose donc avec amertume, et la triomphe pour la promotion de notre sœur, s’il en est, devrait être modeste vu sous un angle officiel et dans le contexte d’un bilan global de notre diplomatie, de notre standing planétaire en termes d’influences concertées et programmées. Nous sommes donc sans doute, un peu présents individuellement, mais nous sommes cruellement absents collectivement en tant que nation, membre de la communauté diplomatique aspirant à une influence quelconque dans le processus des rapports mondiaux.

Le communiqué du ministre des relations extérieures trouve ses limites et un certain démenti, dans la santé même de la structure d’administration directe de notre diplomatie sous son autorité. Si le Ministère, en son administration centrale constitue une machine, l’outil par excellence voué à la mise en œuvre d’une politique étrangère conçue, élaborée et planifiée, alors il faut pleurer de toutes ses larmes pour sa mort qui s’étale sous nos yeux. La maison est en effet dans un délabrement, un délitement et une désarticulation qui frisent la haute trahison des intérêts nationaux. Les jeunes cadres qui ont afflué ces dernières années trompés par l’impressionnisme du statut de diplomate, sont complètement démobilisés, découragés et presque tous à la recherche de nouveaux rivages. Les progénitures des pontes de la République ont vite fait de bénéficier des réseaux de Papa, pour obtenir des détachements dans des démembrements de l’Etat plus juteux, plus transparents, mieux enveloppant et surtout nettement bien rémunéré. Il n’y a au MINREX ni joie, ni perspective de carrière, ni gains matériels réels, ni stabilité mentale, éthique et familiale possible. Une poignée de dinosaures se sucrent certes avec des missions fictives ou surfacturées, et c’est tout, pire qu’un film de Dracula sans lendemains et sucré de sang humain.

La centrale et les services extérieurs vibrent au même son d’un immobilisme inquiétant et décourageant. Parler de diplomates et de diplomatie, relève, en toute connaissance du métier, soit de l’hypocrisie, soit de l’aberration, soit de la provocation et soit d’une plaisanterie de très mauvais goût, à moins d’avoir l’excuse de l’ignorance. Plus de 90% des cadres de la diplomatie camerounaise ne peuvent se targuer de l’expérience que d’un seul pays, et parfois d’aucun. Ici on va en retraite sans avoir jamais connu une ambassade. Ici, un la plupart des ambassadeurs sont doyens où ils se trouvent. Ici, un ambassadeur peut au contraire travailler à détruire l’image de son pays et à nuire à ses compatriotes de la diaspora, comme à Malabo, et rester impuni. Les textes relatifs à la rotation qui existent pourtant, ont été oubliés dans les poubelles d’archives qui n’existent même pas. Dans toutes les missions, on trouve des gens qui y ont construit une véritable chefferie de village, avec des enfants nés sus place, devenus adultes sur place, et devenant même nationaux des pays qui n’étaient pour leurs parent, qu’une étape dans une carrière sensée les faire changer de scène après trois, quatre voire au trop cinq ans.

Trompeurs, les bâtiments construits en désordre au gré des cupidités des différents ministres qui sont passés depuis quinze ans, n’impressionnent que les naïfs. Ici, la volonté de pillage des deniers publics à travers ce désordre architectural, mérite sanction, mais hélas, l’impunité a pris le pas et tranquillisé ces messieurs. Chaque bâtiment a un nom, une histoire louche et sale, et un coût délirant. On a ainsi supprimé les espaces verts, les espaces de respiration tout

court, parce qu’il fallait faire un marché comme une prison surpeuplée qui ne sait plus comment loger un seul oiseau. Le personnel est témoin d’une foire de larrons pressés de s’enrichir, même en mettant à mort la première vitrine de promotion des intérêts nationaux du pays. IL faudra bien, tôt ou tard, qu’une commission d’enquête soit mise sur pied, et les que les coupables rendent compte.

Contrairement aux affirmations du ministre, la mesure centrale qui permet, à travers les médiateurs, les envoyés spéciaux, les représentants personnels des patrons des institutions diplomatiques, de valider et de comprendre le niveau d’influence d’un Etat, nous manque. Pouvez-vous nous citer un seul nom de Camerounais actuellement envoyé dans un champ de conflit ou de crise comme médiateur ? Dans le même temps, Yaoundé a perdu le statut de grande plaque tournante pour la diplomatie, à la fois sous régionale, régionale et opportunément mondiale. Nous avons été complètement, pour ne pas dire regrettablement, déclassés, franchement moqués. Les habitués des milieux diplomatiques avec leurs nombreuses confidences savent ce que disent les professionnels et les grands stratèges de nous en privé, à voix basse. Ce n’est pas bon du tout.

Comme Vera Songwe qui évoluait à la banque mondiale avant sa promotion, de nombreux autres compatriotes évoluent à des postes importants dans de nombreuses institutions internationales, et aspirent à postuler selon les opportunités, à de plus hautes responsabilités. Ils le font avec leur talent, leur compétence et leur mérite, leurs moyens et leurs réseaux propres qui d’ailleurs dans certains cas, sont entravés par quelques mixages malveillants, sournois, tribaux et impensables venant de la mère patrie.

Pour toutes ces raisons, il faut féliciter avec la plus impressionnante des ferveurs émotionnelle, le succès personnel de notre compatriote, notre sœur. CONGRATULATIONS

Le Cameroun regorge de compétences extraordinaires dans tous les domaines, et certaines triompheraient avec brillances et prééminence dans la compétition pour la haute fonction publique internationale. Malheureusement nombre de postes de responsabilités sont dorénavant, les jeux des alliances obligent, soumis aux accords et avis des gouvernements, souvent pour respecter les conditionnalités de rotation géographique. Le Cameroun n’a malheureusement pas de planification ni de stratégies dans ce sens qui soit volontariste et altruiste. Le soutien de notre pays fait souvent défaut au moment opportun. Certains compatriotes sont arrivés à prendre une nationalité étrangère seulement pour palier à cette déconvenue. Il ne faut pas les condamner, il faut les comprendre, parce que vivre cette sorte de reniement et d’abandon de son pays, vous fait orphelin dans la douleur d’une forme d’apatridie ostentatoire. Or quand une porte existe, une solution d’opportunité, vous sautez des deux pieds, peut-être par vexation, peut-être encore par vengeance, mais avec la mort dans l’âme et des regrets éternels.

Je me dois enfin, et l’honnêteté intellectuelle autant que la conscience professionnelle m’y obligent, de rappeler que depuis l’arrivée de Paul Biya au pouvoir en 1982, s’il y a un Camerounais pour la promotion de la candidature de laquelle il s’est effectivement battu, pour lequel il a mouillé le maillot et est monté franchement et résolument en première ligne sur le terrain avec les hommes, les moyens et toute la logistique diplomatique nécessaires, c’est la

celle de Maurice Kamto pour un siège de juge à la Cour internationale de justice de La Haye. Il faut lui en être reconnaissant, même si le résultat ne fut pas celui que nous attendions. L’éminent professeur a néanmoins bénéficié du soutien de son pays pour l’accession la qualité de membre de la commission du droit international, puis de président de cet important organe subsidiaire qui dépend de l’assemblée générale de l’ONU. Le Ministère des relations extérieures n’avait pas alors cru nécessaire de faire un communiqué pour traduire une victoire diplomatique, peut-être parce que l’homme avait déjà revêtu la toge de chef d’un parti d’opposition. Se comporter ainsi, c’est manquer d’élégance, et c’est oublier d’abord le travail de ce juriste d’exception dans le dossier Bakassi, ensuite ignorer qu’un professionnel de cette stature internationale pluridimensionnelle, reste quoi qu’il advienne et quelles que soient ses opinions privées, un digne symbole du rayonnement du pays dont il porte la nationalité.

Le quota des camerounais dans les organisations internationales est l’un des plus bas aujourd’hui, et à tel point que les diplomates dans les administrations internationales, ne se cachent plus pour s’étonner que rien ne soit réellement fait pour changer la donne. Il suffit pourtant de très peu de choses, d’un peu d’arrangements, de visites plus élaborées auprès des patrons des grandes institutions. Dans certains pays, le chef de l’Etat dispose de deux ou trois émissaires, généralement des diplomates chevronnées, intelligents, efficaces et avenants, pour faire le job, porter des plis personnels à qui de droit, pour solliciter le placement d’un compatriote ou d’une compatriote. Même à croire que nous serions devenus si mauvais, si détestés et si maladroits, il est absolument impensable, que six camerounais dont quelques-uns alignent un CV hors normes, aient pu échouer aussi lamentablement dans une compétition de postes dans l’administration centrale de l’Union Africaine. Les critères de rotation ou de représentation géopolitique n’expliquent pas tout. Cela relève d’un indigeste conte de fée. En effet quand un pays est un influent, battant, préparé et met en mouvement des stratégies enveloppantes, il gagne par-delà les conditionnalités. C’est que l’on appelle dans le jargon professionnel, la diplomatie du rouleau compresseur qui emballe tout, écrase tout, emporte tout, franchi tout, convainc tout en rassemble tout, contre tous les vents et toutes les marées.

Les moyens humains pour une telle diplomatie, nous avons. Les moyens matériels, nous avons. Les moyens intellectuels, nous avons. Les prérequis historiques, nous avons. Le positionnement géopolitique, nous avons. La dimension géostratégique, nous avons. Mais hélas, la volonté, nous manque. WHY ?

QUE FAIRE VRAIMENT ?

J.C. SHANDA TONME

Ydé, 25 Avril 2017

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