Conflit d'intérêt : Enrichissement des fonctionnaires, les failles du système
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La polémique enfle sur la résidence cossue de l’ex-Dg du Budget, Félix Samba et soulève trois questions : le cumul par les fonctionnaires de la mission de service public et l’entreprenariat privé ; le sort incertain de la déclaration des biens ; et l’infraction d’enrichissement sans cause amputé du projet de loi portant révision du code pénal voté en juin 2016.  

C’est le buzz sur les réseaux sociaux. Félix Samba, inspecteur général des Services administratifs et budgétaires au ministère des Finances par ailleurs ex-directeur général du Budget dans le même département ministériel est sans le vouloir au top des articles les plus lus sur Facebook et Whatsapps depuis mardi dernier au Cameroun et dans la diaspora. Des vidéos et photos de sa résidence cossue à Yaoundé défilent frénétiquement sur la toile provoquant un déchainement de réactions enfiévrées.

Statut général de la Fonction publique

« Le traitement d’un fonctionnaire ne saurait justifier une telle acquisition, possible uniquement par des moyens douteux », tonnent les uns. Les autres rétorquent : « M. Samba est un fonctionnaire, mais aussi un entrepreneur prospère qui peut justifier des moyens licites pour s’offrir une telle demeure. » Le principal concerné n’en dit mot pour l’instant. Une descente à l’inspection générale des services administratifs et budgétaires du Minfi à Yaoundé hier midi a été infructueuse. Mais au-delà de ce cas et d’autres notamment ces dizaines de milliers fonctionnaires camerounais dont les avoirs visibles, propriétés mobilières et immobilières, paraissent excessifs au regard de leur parcours professionnel, ce débat soulève au moins trois questions.

Le cumul par les fonctionnaires de la mission de service public et l’entrepreneuriat privé, le sort incertain de la déclaration des biens et l’infraction d’enrichissement sans cause amputé du projet de loi portant révision du code pénal voté à la session de juin 2016. Dans l’administration française, depuis janvier 2017, un fonctionnaire ou un contractuel ne peut plus cumuler mission de service public et entreprenariat. Seuls les agents à temps partiel en sont autorisés, à condition de soumettre une demande à la commission de déontologie et informer la hiérarchie.

La volonté politique en cause

Qu’en est-il au Cameroun ? Le statut général de la Fonction publique du 7 octobre 1994 a été modifié par décret le 12 octobre 2000. L’article 37 alinéa 1 nouveau renforce l’encadrement des cumuls d’activités : « Il est interdit à tout fonctionnaire régi par le présent statut :
a) d’avoir, dans une entreprise ou dans un secteur soumis à son contrôle direct ou en relation avec lui, par lui-même ou par personne interposée et sous quelque dénomination que ce soit, des intérêts de nature à compromettre ou à restreindre son indépendance ;
b) d’exercer, à titre personnel, une activité privée lucrative, sauf dérogation spéciale par un texte. Cette interdiction ne s’applique pas à la production rurale, à la production d’oeuvres scientifiques, littéraires ou artistiques, aux enseignements donnés à titre complémentaire ou de vacataire.

(2) Lorsque le conjoint exerce à titre professionnel une activité privée lucrative, déclaration doit en être faite par le fonctionnaire au Ministre dont il relève. L’Administration prend, s’il y a lieu, les mesures propres à sauvegarder les intérêts du service. » Plus loin, l’article 38 traite, lui, de l’obligation de désintéressement : « L’obligation de désintéressement interdit au fonctionnaire d’avoir, dans une entreprise ou dans un secteur soumis à son contrôle direct ou en relation avec lui, par lui-même ou par personne interposée ou sous quelque dénomination que ce soit, des intérêts de nature à compromettre ou à restreindre son indépendance. »

Interdire l’entreprenariat privé aux fonctionnaires ?

Faut-il aller plus loin et interdire formellement l’entreprenariat privé aux fonctionnaires ? Rien ne les empêche de faire un choix. Et pourquoi ne pas démissionner de la Fonction publique ? Mais le vrai problème est ailleurs. C’est le sort incertain que le Renouveau réserve à la déclaration des biens inscrite dans la constitution de janvier 1996 et pas appliquée depuis lors. Le chef de l’Etat et son gouvernement proclament à hue et à dia leur volonté de lutter contre la corruption et les détournements de biens publics. Reste pourtant d’une actualité brûlante 5 ans après, cette analyse de Transparency International Cameroon publiée en 2012 :

« Il est aisé de comprendre pourquoi jusqu’ici personne n’a encore été contraint de déclarer sa fortune. En effet, le constituant camerounais de 1996 a subordonné l’application de cet article à la signature d’un décret par le président de la République. Le constituant n’a fixé aucun délai pour la signature dudit décret. Seize ans après, le décret d’application n’est toujours pas signé et les hauts cadres de l’administration camerounaise vivent dans une opulence qui incite à se poser des questions sur leurs sources de revenus réels. »

Autres errements du Renouveau, le projet de loi portant révision du code pénal déposé au Parlement à la session de juin 2016, voté et ensuite promulgué par le président de la République. Ce texte a été au préalable amputé de l'infraction relative à l'enrichissement sans cause qui aurait pu être un outil efficace dans la lutte contre les richesses qui apparaissent indécentes au regard des revenus. Cette infraction prévue dans les instruments internationaux liant le Cameroun n’a pas été transposée dans l’ordre juridique interne. Le constat in fine est la volonté politique hypothétique du chef de l’Etat et de son gouvernement de traquer l’enrichissement sans cause des fonctionnaires.

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