Dina Bell : «Je n’ai plus rien à prouver»
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CAMEROUN :: Dina Bell : «Je n’ai plus rien à prouver» :: CAMEROON

64 ans sur la terre, 40 dans la chanson. Il y a  bien de quoi festoyer et ce n’est pas Dina bell qui va s’en priver. Pour ses noces d’Emeraude qui débutent le 25 février à Douala, l’organisation est au four et au moulin. Lui, il a la tête dans les répétitions. C’est d’ailleurs lors d’une de ces séances de filage à Douala que Dina Ebonguè Charles dit ‘‘bazor’’ nous a accordé cet entretien. Le père des titres à succès «Sophie, Yoma Yoma, Na tondi, Tobo Tobo…» passe en revue sa carrière, la musique camerounaise… Lisez plutôt.

40 ans de carrière déjà. Qu’est-ce qui vous manque encore quand vous jetez un regard au rétroviseur ?
Moi je crois que je n’ai plus rien à prouver. Maintenant il est temps que j’écoute ce que j’ai fait. C’est d’ailleurs pour cela que je suis en train de fêter ces quarante ans de musique. Je les fête parce que déjà, mon public l’a réclamé. J’ai eu à faire des spectacles mais le public a voulu un grand concert pour les quarante bougies de Dina Bell. C’est pour cette raison que j’ai préparé la tournée de mes quarante ans de musique qui commence par le Cameroun à Douala, le 25 février prochain. A Yaoundé le concert est prévu en mars.

Quelles sont les destinations prévues dans cette tournée ?
Les organisateurs sont en train de préparer un spectacle au Gabon, en République centrafricaine et en Afrique de l’Ouest, notamment en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Togo où je suis très écouté. Non seulement j’y suis très écouté mais les Camerounais qui y sont ont amené les Togolais à aimer ce que je fais. Je dois par la suite faire le tour de l’Europe, c’est-àdire en France, en Belgique, en Angleterre, en Italie où je suis aussi attendu. Les organisateurs en Italie ont déjà pris l’affaire en main. Beaucoup de pays figurent dans ce périple. C’est une fois sur place, en fonction de la demande, que les spectacles seront déterminés.

Ferez-vous cette grande tournée avec vos musiciens?
Ceux du Cameroun vont travailler ici. J’ai un autre groupe en Europe. Il y a les Etats-Unis qui m’attendent aussi.

Peut-on avoir quelques noms d’artistes qui vous accompagneront sur scène au Cameroun?
Il y aura beaucoup d’artistes qui seront des invités-surprises. Il y aura des artistes que je vais inviter pour soutenir le spectacle à Douala. Vous aurez des artistes qui vont reprendre mes morceaux, d’autres vont exécuter leurs propres titres et il y en aura aussi avec qui je chanterai. Henri Njoh par exemple sera là, ce n’est pas une surprise. Ben Decca, si son calendrier le lui permet, sera de la partie.  

Les artistes se plaignent généralement du manque de soutien des entreprises. Avez-vous des retours satisfaisants de quelques unes ?
Je ne peux pas vous répondre puisque j’ai donné le quitus à un comité d’organisation. C’est lui qui me rendra compte. Là je suis pris dans les répétitions. Je crois quand même avoir vu la bande d’annonce souscrite par une entreprise de la place mais je ne peux pas vous dire qui a donné quoi. De toutes les façons, quand il y a un organisme qui veut prendre ce genre d’évènement en charge, je crois qu’il a besoin d’un coup de main. J’espère que ces entreprises qui comptent dans leur effectif des fans de Dina Bell répondront favorablement à une demande de sponsoring.

Dina Bell envisage-t-il un jour la fin de sa carrière comme le font certains artistes?
Je n’ai pas besoin de lâcher prise. C’est Dieu qui m’a donné. Si après je ne peux plus assurer les représentations sur scène, je vais continuer à composer des chansons pour la nouvelle génération. Je le fais même déjà pour pas mal d’artistes comme mes neveux Epee et Koum.

Qu’est-ce qui a amené Dina Bell dans la musique ?
Quand je suis né, j’ai trouvé que mes grands-parents, mes parents ont fait la musique. Ce n’est donc pas curieux que je sois là dedans puisque j’ai commencé par la chorale. Mes parents aussi étaient choristes dans notre église Ebc de Lottin à Nsame. Mon grand-père maternel faisait partie de la Fanfare municipale de Douala. Il a composé des cantiques dans mon église. J’ai des frères et soeurs qui sont de bons chanteurs. En clair, rien ne m’a poussé dans la musique, j’ai trouvé que la musique est dans la famille.

Pour Dina Bell, quel est âge d’or de la musique camerounaise ?
Franchement je dirai que c’est passé. Nous avons trouvé la génération des Ekambi Brillant, Tokoto Ashanti, André-Marie Talla, Missè Ngoh François qui faisaient encore partie de la génération qui animait la musique camerounaise. Je crois que la musique urbaine est en train de vouloir tromper les artistes camerounais qui oublient que nous avons notre musique que nous devons sauver. Les grands rythmes que j’ai eu à connaître comme le Bikutsi, le Makossa, le Mangambeu, l’Assiko sont en train d’être oubliés par les jeunes. Je crois que c’est un problème de l’aire du temps mais je voudrais qu’ils sachent qu’on a une musique à sauver, la musique camerounaise. Je voyage beaucoup et je vois comment la musique camerounaise est écoutée, pour ne pas dire était écoutée. Avec la musique urbaine, on ne sait plus distinguer un Ivoirien d’un Camerounais ou d’un Nigérian. Je pense que tous les artistes ne vont pas oublier que nous avons cette musique que nous avons trouvée, et qui a été bâtie par beaucoup comme Maman Anne- Marie Nzié, Papa Medjo Jabob, Manu Dibango… Si tout le monde veut entrer dans la musique urbaine il n’y aura plus de musique camerounaise. L’âge d’or est déjà passé. Il est resté jusqu’à ma génération (rire). Je crois que c’est le déluge maintenant.   

La question des droits d’auteurs est un casse-tête pour les artistes au Cameroun mais on ne vous voit pas dans les batailles comme vos collègues…
Pour le problème des droits d’auteur, je lutte mais en silence. Si les gens ne me voient pas me plaindre, cela ne veut pas dire que je perçois les droits. Jamais de la vie. J’ai été membre de toutes les sociétés de droits d’auteur qui ont existé ici au Cameroun, de la Socadra à la Socam. De toutes les façons on va laisser ça dans le fleuve de l’oubli parce que l’histoire des droits d’auteurs au Cameroun n’est pas bonne chose à raconter. Ça m’étonne. Il y a la Sacem qui existe depuis la nuit des temps, elle est toujours là. Je ne sais pas pourquoi au Cameroun il  faut changer de société des droits d’auteurs tous les six mois. C’est en changeant ces sociétés que tout est bafoué. Il est clair qu’on ne peut même pas faire un audit pour savoir qui a pris quoi ? C’est comme quelqu’un qui construit une maison et la casse. Que voudra-t-il récupérer ? Je crois qu’on voit un bout de solution avec le nouveau ministre de la Culture. On espère que les choses vont changer. On m’a fait dire qu’il y a l’assemblée générale dans quelques semaines. Je crois que c’est un départ pour une nouvelle société des droits d’auteur.

Le Cameroun aime-t-il vraiment ses artistes ?
Le Cameroun aime ses artistes mais les artistes sont mal traités. J’ai mal quand je vois les salles de concert qui ne font plus le plein, les fans qui achètent un Cd piraté qui ne mettra d’ailleurs pas long par rapport au support original. L’artiste camerounais est bien aimé par les Camerounais et mal traité par ces mêmes Camerounais. Ils ne vont pas aux concerts parce qu’ils ont vu les clips pourtant les clips sont différents des concerts. Il faut qu’ils fassent comme avec les sportifs. Tout le monde pouvait bien rester chez lui suivre la Can, mais des Camerounais sont allés jusqu’à Libreville. Les fans des sportifs les soutiennent plus que les fans des artistes. Concernant la piraterie, on a déjà tout essayé. Je vois mon jeune frère Papillon qui lutte contre la piraterie. Je ne sais pas comment ça marche, mais il y a toujours les produits piratés vendus au vu et au su de tout le monde. Je crois que personne n’a jamais été emprisonné pour cette forme de piraterie. Je me rappelle de la vente du mauvais carburant «le zoa zoa» qui a amené des gens en prison. On ne m’a jamais dit qu’on a arrêté les vendeurs de Cd piratés, surtout les fabricants. C’est un problème de volonté politique comme vous l’avez dit.

Je revois encore la joie que vous avez manifestée à Yaoundé, quand vous avez été décoré Chevalier de l’Ordre national de la Valeur. Cette distinction a pris du temps…
Après quarante ans de carrière… C’est pour cela que j’ai dit que mieux vaut l’avoir maintenant qu’à titre posthume. Ils ont pensé à moi peut-être trop tard, mais mieux vaut tard que jamais.  

De vos 40 ans de carrière, quel est votre pire souvenir ?
Le plus mauvais souvenir de ma carrière date effective de 40 ans, quand j’ai sorti «Yoma Yoma», ma première livraison.  Je l’ai sorti en coproduction avec quelqu’un. Le coproducteur a sorti l’album à mon insu. J’étais en France et on m’appelait du Cameroun pour me dire que mon disque fait un tabac. Je ne comprenais rien. J’ai demandé au coproducteur ce qui se passe et il m’a confirmé avoir envoyé le disque pourtant c’était en coproduction. Lui il devait payer la facture des pochettes et le pressage du disque. Les disques sont sortis et il les a vendus à mon insu. Cela m’a marqué mais ne m’a pas découragé.  

Et votre plus beau souvenir…
Mon plus beau souvenir c’est quand je suis arrivé au Cameroun pour mes premiers concerts en 1981, avec ce que j’ai vu comme engouement, comme fanatisme. Il me souviens que j’ai chanté pendant un mois et les salles étaient toujours pleines à Douala, Yaoundé, Garoua, Bafoussam, Bamenda. C’est vraiment inoubliable !

Un message à vos fans ?
Mes fans sont au courant que je fête mes 40 ans de musique. Nous sommes ensemble depuis 40 ans, ce n’est pas maintenant que nous allons nous désolidariser. J’attends tout le monde et comme un collègue a dit, j’aime mon public et mon public m’aime. Qu’il ne croit pas que le temps qui nous a rendus vieux a changé mon coeur. Je suis avec eux.

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